MINGARELLI
Hubert
La Terre
invisible
Editions Buchet
Chastel (192 pages)
Réalité derrière une photo
La Terre invisible est une série de scènes simples et authentiques qui s’affichent sous forme
de photos séparées sur la pellicule d’un photographe de guerre. Elles reflètent
le style séduisant de Mingarelli. Ces photos, le photographe-narrateur les
prend pour leur trouver un lien commun. Après avoir vu un camp de concentration
fermé par les Anglais, notre narrateur entreprend de photographier les gens de
cette Allemagne d’après mai 1945, pour essayer de comprendre ce qui s’était
passé, pourquoi ils avaient laissé faire.
Le photographe est accompagné d’un jeune soldat anglais O’Leary qui n’avait
rien vu des atrocités de la guerre, vêtu d’un uniforme, armé d’un fusil.
Cette modeste tâche est exposée sous forme de phrases simples, courtes dans
lesquelles un lexique très clair serpente avec fluidité entre les lignes. La
description de l’Allemagne est quasi absente, les lieux n’étant pas importants.
Les dialogues avec les Allemands n’existent presque pas, l’obstacle de la
langue est insurmontable. Il n’y a que les photos pour comprendre. En effet, le
négatif des photos enregistrées nous permet de révéler un secret. Celui des
personnages photographiés ? Celui du photographe ? de son
compagnon ? « Que cherchent-ils ? », « Pourquoi, de qui et de quoi
fuient-ils ?
Ils cherchent l’identité et la vérité « Quel drapeau ? », la terre ou le
pays, « Et où est-ce qu’on va aller ? » ; mais aussi la sérénité absolue
parce que leur esprit est hanté par des souvenirs et des cauchemars mortels :
« rêva aux bâches avec lesquelles nous avions recouvert les morts » qui les
poussent à halluciner, « Personne n’osait dire que c’étaient les morts qui
poussaient avec leurs jambes ». Ils se
mettent en route pour s’éloigner de cette réalité affreuse, protégés par leur
équipement qui est la source de leur force : le fusil et la caméra, mais en
vain.
Le lecteur découvre, avec les personnages, que si la guerre ne tue pas la
personne directement, ne laisse pas de cicatrices ni de traces, elle contribue
évidemment à torturer son âme, vivant.
Najah Matar
Université de Balamand
Département de Littérature et Langue française
APPANAH Natacha
Le Ciel par-dessus le toit
Editions Gallimard (nrf), (125 pages)
Un lecteur non averti
trouvera le titre familier, mais dès l’incipit il se souviendra. Le Ciel
par-dessus le toit de Natacha Appanah fait sans aucun doute écho au très
célèbre poème de Verlaine (Sagesse, 1881) qui porte le même titre.
Le ciel
est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La
cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte. […]
Le roman s’ouvre sur une
description des « prisons » ou « cellules de détention » …
dans « un pays qui avait construit des prisons pour enfants parce qu’il
n’avait pas trouvé mieux que l’empêchement, l’éloignement, la privation, la
restriction, l’enfermement et un tas de choses qui n’existent qu’entre des murs
pour essayer de faire de ces enfants-là des adultes honnêtes, c’est-à-dire des
gens qui filent droit ».
Loup, jeune adolescent
« un peu différent » est en prison pour avoir roulé à contresens,
mettant la vie de quelques passants en danger. Il observera « le ciel
par-dessus le toit ». Le narrateur s’accapare des souvenirs de l’enfant,
de l’inconscient familial collectif et nous emmène en flash-back pour nous
décrire la prison enfermant chacun des membres de ce petit groupe. Des prisons
aux murs élevés érigés par les prisonniers eux-mêmes ou par leurs familles.
Nous faisons tout d’abord connaissance des deux « oiseau[x] sur
l’arbre qu’on voit [et qui] chant[ent] leur plainte »
(Verlaine). Ces deux oiseaux du roman ne sont que les deux figures féminines
principales du roman et dont l’existence donne un sens à la vie de Loup, l’une
lui ayant donné la vie réellement à savoir sa mère Phénix (celle qui s’appelait
Eliette), comme répète souvent le narrateur, et l’autre c’est sa sœur Paloma –
pigeon en espagnol – qui représente la vie, la paix « une sœur douceur
chaleur » (p. 122-123). Ces deux oiseaux chantent leur plainte, ou sa
plainte à lui, chacune à sa façon. Phénix, quand elle s’appelait Eliette,
chantait, elle chantait beaucoup dans des spectacles et était souvent
applaudie. Ses parents lui ont construit une prison pour l’enfermer, le corps
d’une poupée de porcelaine et l’ont mise dedans, l’obligeant à chanter. Elle se
construisait sa propre prison, une cabane en draps, et s’y enfermait pour se
délecter d’une liberté révolutionnaire où elle échapperait à la tutelle de ses
parents. Victime d’un baiser pédophile étouffant, une fois sur scène – une de
ses prisons – elle perd la tête et au lieu de chanter, elle libère sa vraie
voix, ses cris, de sa prison, son ventre. Un cri qui lui a valu une nouvelle
prison, un asile. Mais désormais elle est libre, elle est un oiseau qui renait
de ses cendres, Phénix se fit-elle baptiser, et mit au feu la maison-prison. Sa
fille, elle la prénomma Paloma, lui donnant ainsi des ailes, pour être libre.
Mais la pauvre fille ne l’est pas, parce que justement elle n’a pas besoin
d’une telle liberté, elle a besoin d’être bercée, embrassée … dans les bras, le
giron maternel, giron prison.
Paloma usa enfin de ses
ailes et partit, sans jamais revenir. Sans ailes, Loup n’avait que ses cris,
ses crises, et ses pattes, ses pieds. A chaque crise, il criait fort, il
sortait courir courir courir jusqu’à épuisement. Et c’est ainsi qu’il s’échappa
à son tour de sa mère, rouler rouler rouler jusqu’à l’accident, jusqu’à la
prison, rouler pour rejoindre Paloma.
Le roman se ferme – la
vie des personnages ne se ferme plus – dans un espace ouvert, sans murs, sans
toit… au bord de la mer, avec un cerf-volant qui remplace le palmier de
Verlaine, avec les regards de Phénix et de Paloma sur Loup.
L’auteure essaie-t-elle
dans son style poétique et fluide, de nous dire que les vraies prisons ne sont
pas celles qui possèdent des murs et des toits ? Veut-elle nous faire
comprendre que nous construisons nous-même nos prisons ? Sommes-nous nos
prisons et nos bourreaux ?
Chantal Bitar
Université de Balamand
Département de Littérature et Langue française
APPANAH Natacha
L’art muet
BARBÉRIS Dominique
Un
malheur hérité
Extérieur Monde
Olivier Rolin
Edition Gallimard, 2019 (302 p.)
L’anti-Odyssée
universelle
« Je
suis un Ulysse au petit pied, et sans espoir en plus, car je n’ai pas
d’Ithaque, aucune Pénélope et ce retour est sans fin ».
C’est uniquement ainsi qu’Olivier
Rolin décrit son personnage. Ce livre, qui n’est pas un roman, s’ouvre
sur le projet littéraire de l’auteur, qui est encore flou pour lui comme pour
nous lecteurs.
Dans un style simple, interactif et
ludique, Rolin explore ses souvenirs enfuis au plus profond de sa mémoire et
ses vieux carnets de voyage, tendant la main au lecteur qui pénètre dans cet
univers intime de pensées et d’images. Il se tisse alors entre l’auteur et le
lecteur un lien fou d’amitié, d’intimité et de compassion réciproques. Ils ne
font plus qu’un, raison pour laquelle Rolin s’amuse à alterner sa narration
entre première et deuxième personne, créant ainsi un effet de miroir.
C’est un récit de voyages
multiples, à l’échelle spatiale, temporelle mais aussi intellectuelle :
téléportés un demi-siècle en arrière, nous témoignons d’aventures et de
rencontres vécues par l’auteur dans les quatre coins du globe : Japon,
Chine, Russie, Egypte, Liban, Argentine, Nouvelle Zélande etc. C’est un tour du
monde en 300 pages où chaque coin éveille un souvenir perdu, un amour oublié ou
même un auteur aimé. Proust, Kafka, Nabokov, Dante, et tant d’autres cités et
référés pour l’amour des langues et du savoir. Le vécu de l’auteur est si
imprimé de la littérature qu’il rencontre multiples personnages, une
« Andromaque », une « Esmeralda » et tant de « Lolitas »
… Cette fusion singulière entre réel et littérature est si passionnante qu’elle
anime et donne vie aux personnages romanesques fictifs tant lus et étudiés.
Loin du romantisme de ses
aventures, ce livre porte des valeurs profondes et importantes.
Par son évocation de multiples
guerres, du terrorisme, des camps du Goulag, mais aussi par le fait que
l’auteur ait vécu certains conflits et s’est mis dans la peau des civils
traumatisés, Rolin exalte la paix et le calme dans un monde qui bouillonne
encore.
L’auteur défend aussi les droits de
la femme, surtout dans les pays orientaux, où elle est encore considérée comme
une créature honteuse toujours voilée derrière la dominance masculine. Au fil
de ses pensées imprimées sur le papier, Olivier Rolin dédie son livre à
deux jeunes étudiantes soudanaises, Rabaa et Razaz, encourageant l’éducation
des femmes qui, selon lui, tiennent l’avenir de leur pays entre leurs mains.
Dans son parcours à travers le
temps et l’espace, l’auteur dénonce farouchement la mondialisation, voire la
montée de l’impérialisme américain, un fantôme géant qui étrangle la planète.
En comparant les mêmes paysages, il y a quarante ans et actuellement, le
narrateur ouvre l’œil sur la perte du patrimoine mais aussi de l’authenticité
des paysages et des cultures. Par la même occasion, Rolin remet en question la
société de consommation et les désirs croissants des gens de toujours consommer
davantage, c’est pourquoi il cite des grandes entreprises, des boutiques, des
services et des restaurants qui ont remplacé les anciens monuments, comme les
distributeurs de billets, H&M et McDonald’s… Sans oublier l’invasion des
technologies, des ordinateurs (que dit l’auteur ne pas aimer) et le monde
virtuel dont Internet et Wikipédia.
Ce voyage qui était alors une quête
de l’identité s’avère sans espoir : Comment pouvons-nous forger notre
identité dans un monde dépourvu de la sienne ?
Extérieur Monde prêche
la diversité, qu’on peut remarquer dans le multilinguisme. Certes écrit en
français, il comporte toutefois maintes citations et expressions gardées dans
leurs langues d’origine allant de l’espagnol, … vers l’arabe, sans oublier
l’évocation de divers pays, de leurs traditions et de leurs cultures.
Dans ces pages, chaque individu
peut s’identifier et trouver une part de lui. Ce livre est une miniature du
monde, auquel nous appartenons tous et où nous tous avons une place.
Ce n’est pas le livre qui est long
mais le monde qui est si grand.
Entrés dans l’intimité de l’auteur,
nous comprenons que Rolin, à la veille de ses 75 ans, revoit défiler devant lui
des images, des paysages, des amours et des amitiés qui l’ont marqué et qu’il a
gardés avec lui tout au long de sa vie, mais aussi et surtout des souvenirs
qu’il regrette. Sa vie, qu’il compare à un arbre, semble être arrivée à
l’automne, il perd un à un ses amis, comme les arbres leurs feuilles mortes.
L’auteur est hésitant dans ses
premières pages, il se demande souvent s’il pouvait croire en la parution de ce
livre, et s’il serait le dernier… mais après avoir purgé toute son angoisse,
Rolin défie le monde, se rebelle dans l’écriture et achève ses pensées sur une
nouvelle résolution.
Eliana Abou Chabké - USEK
NOTHOMB Amélie
Soif
Editions Albin-Michel (152
pages)
Soif, Amour, Mort
Ce roman narre l’histoire qui a
bouleversé l’humanité : celle de Jésus Christ, ses dernières heures avant
la crucifixion plus précisément. Une histoire dont on connaît les
protagonistes, les péripéties et surtout la fin, et pourtant, on est incapable
de laisser passer une phrase sans la lire et la relire. Un livre
impressionnant, à effets vertigineux, racontant les dernières heures de Jésus,
à la première personne du singulier.
Amélie Nothomb, avec sa plume
inimitable, nous raconte l’histoire de Jésus, telle qu’elle la conçoit. Loin
des dogmes traditionnels, elle démontre le côté humain de Jésus : elle
parle de ses petits plaisirs éprouvés en marchant, en mangeant, et surtout en
buvant pour « étancher » la Soif, l’ultime preuve de la vie. On
revoit des scènes racontées dans les quatre Évangiles, on rencontre les
évangélistes, les disciples et même les miraculés de Jésus qui
portent plainte contre Lui, malgré tout.
« Accepte et tu souffriras
moins » : Nothomb, à travers 152 pages, nous invite à savourer la vie
tant que nous le pouvons, à éviter les gens négatifs comme Judas, à accepter la
colère ressentie, à pardonner et à se pardonner.
Ses propos sont si désinvoltes,
qu’elle dépasse parfois les bornes, arrivant jusqu’au blasphème : elle critique
Dieu et son choix atroce de mettre fin à la vie de son fils, elle le blâme
d’avoir été injuste, et elle crée sa propre image de trinité : Soif,
Amour, Mort.
Ce livre percutant est souple
par son style, profond par ses idées, choquant par ses propos, déroutant par
son point de vue, méritant par-là d’être lu … mais avec précaution !
Zeina
Dagher
Université
de Balamand
Département
de Littérature et Langue françaises
DUBOIS
Jean-Paul,
Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon,
Edition de l’Olivier, 2019 (245 pages)
Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon,
Edition de l’Olivier, 2019 (245 pages)
L’art de gâcher sa vie
Jean-Paul Dubois est un écrivain et journaliste français. Il a suivi des études de sociologie. Il a publié plusieurs
romans où il pose un regard distancié sur le monde et les rapports humains. Et le
voilà de retour, après trois ans, avec un de ses plus beaux romans « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon ».
Comme toujours, le héros de ce roman est nommé Paul. Il s’agit d’un
homme qui possédait une vie calme et conventionnelle. Puis, il se trouve enfermé
dans une cellule en prison avec Patrick, un rebelle membre des Hell’s Angels[1] incarcéré
pour meurtre. Les deux hommes se comprennent bien malgré les différences entre
eux. L’histoire se déroule entièrement dans une même unité de lieu, dans la
cellule de la prison à Montréal. Pourtant les personnages nous emmènent vers des
paysages variés de l’histoire en utilisant toujours la technique du Flashback.
Dans ce roman, Paul Hansen, le protagoniste, nous raconte son
enfance depuis son ascendance Danoise, sa vie en France et ensuite au Canada.
De même, il nous parle de ses parents -Johannes, un pasteur protestant et Anna,
la propriétaire d’une salle de cinéma- et de leur mariage drôle qui se
termine plus tard par le divorce, à la suite du scandale provoqué par sa femme qui a projeté un film
pornographique dans son cinéma.
Le père décédé après sa faillite à cause
des dettes et la mère suicidée, Paul a commencé à travailler comme
superintendant à l’Excelsior[2] dont
la vie des résidents ressemble beaucoup à sa vie rigide et austère en prison. Ensuite,
il nous raconte sa relation avec son épouse Winona, pilote d’avion qui l’emmène
au-dessus des nuages dans leur temps libre. Bientôt tout change quand Edouard
Sedgwick a pris le contrôle de l’Excelsior et le compte à rebours commence en
suscitant des problèmes qui feront tout basculer et qui jetteront notre
protagoniste en prison.
Comme la plupart des œuvres de Jean-Paul Dubois, ce roman traite des idées mélancoliques
telles que la mort brutale, l’injustice et la prison avec un style humoristique
et poétique particulier. L’écrivain y critique notre société moderne inhumaine
et obsédée par la rentabilité et l’efficacité. Nous constatons donc que l’altération
entre passé et présent, entre les années 1960 et les années 2000, est bien
réussie.
Par ailleurs, Dubois fait nous entrer dans
cette histoire d’une manière harmonieuse, avec une écriture magnifique pleine
d’animation et un choix attentif de vocabulaire et de registre qui varient d’un
personnage à l’autre. Bien que son roman abonde de descriptions détaillées de
la prison, des personnages, des lieux et même du climat, nous ne nous ennuyons
jamais de la lecture et nous sommes spontanément transportés jusqu'à la
dernière page. De plus, les personnages avec lesquels le lecteur oriental peut s’identifier
sont infiniment touchants et sont traités avec beaucoup de profondeur.
En somme, « Tous les hommes
n'habitent pas le monde de la même façon, c’est un livre qui mérite bien
son titre, un roman qui vous montrera beaucoup
de philosophies de vie qui s’opposent, un
livre fort, émouvant et étrangement consolateur qui va vous laisser en
admiration de tous les aspects de la vie humaine avec sa beauté et même avec
ses moments de cruauté.
Mennatallah
Waguih Ali
Faculté des Langues (Al-Alsun)
Université Ain-Shams, Egypte
Université Ain-Shams, Egypte
Jean-Luc COATALEM
La part du fils
Éd. Stock, 2019 (262 p.)
Motif d’arrestation : Inconnu
Le livre dont il est
question est un récit intime, un récit familial, un récit collectif, un récit
de mémoire, un récit investigateur. L’audace et le saisissement se dégagent du
livre. Le point le plus percutant est le côté paradoxal du roman où le chagrin
et l’espérance se rejoignent : l’auteur tente de resusciter un homme disparu
durant la deuxième guerre mondiale. L’auteur a pour intention de rendre hommage
aux personnes courageuses disparues, de susciter les lecteurs à réfléchir sur
le silence transmis d’une génération à une autre, de recréer cet homme disparu
afin de le faire revivre, et de réconcilier le passé omis et le présent
pénible. Le narrateur essaye de divulguer l’histoire de son grand-père qu’il
n’a jamais connu, et de combler le vide qui l’anéantit. Ce roman radoucit les
cicatrices du silence, provoquées par le malheur et la détresse de la guerre.
Il embrasse les lacunes que nous vivons.
1er septembre
1943. Finistère. Une voiture de la Gestapo arrive et emporte un homme qui ne
réapparaitra plus. Cet homme est le grand-père de l’auteur. Ce dernier décide
de partir à la quête de son aïeul. Mais, il est confronté au silence familial.
Il enquête, plonge dans le silence, le secret : il inspecte les lieux, les
dates, les papiers, s’interroge sur le passé, et fouille ses origines pour
rétablir les attaches familiales et notamment le lien père-fils ; ce
qu’ils ne savaient pas le hantait, lui, et ce qui était tu, effacé ou presque, l’assaillait
encore.
Coatalem se transforme en
perquisitionneur d’archives, en explorateur du passé, jusqu’à
l’obsession : cette quête pour d’infimes particules que le temps avait
dispersées, et pour laquelle il se dépensait sans compter, était devenue
dévorante... Le silence s’installe autour du grand-père qui devient un sujet
tabou. Jean-Luc Coatalem dédie ce roman à son père Pierre, fils d’un homme,
d’un père déporté, et qui face au traumatisme du décès de son père, refoule sa
peine pour entraver la propagation de cet évènement atroce.
Le livre que l’auteur nous
fournit est un roman concret dans lequel l’auteur mentionne des lieux, des
dates et des circonstances de cette époque. Cependant, il insère des scènes
fictives mais possibles pour combler le manque. Dans les passages où il parle
de son voyage vers de nouveaux paysages, Coatalem utilise un style superbe de
lyrisme. On a l’impression que les endroits et les maisons sursurrent des
secrets.
Lisez ce roman. Vous allez peut--être le trouver un peu long , mais
l’énigme qu’il nous offre en vaut la
peine.
Léa KASSAB, Liban
Université Saint-Joseph
Faculté des lettres et des sciences humaines, branche Saida
Dominique
BARBÉRIS
Un dimanche à Ville-d’Avray
Éd.
Arléa, 2019 (125 p.)
Une
aventure tumultueuse
Un dimanche à Ville-d’Avray. Un
dimanche de confession. Un dimanche de révélation. C’est le tourment, c’est la
confusion, c’est le doute, c’est l’angoisse. Ce roman montre les troubles de
l’être humain. Ce roman montre les conséquences d’un rêve irréalisable lorsqu’on est
condamné à vivre une telle ou telle vie.Tout simplement, un roman émouvant.
La narratrice nous dévoile la vie de sa
sœur Claire Marie. Elle nous incite à assister à un film dans lequel Claire
Marie avoue à sa sœur son histoire avec un homme hongrois qu’elle ne connait pas,
au cœur d’une relation vivement désastreuse.
Un dimanche à Ville-d’Avray est
une combinaison, une mise en abîme de deux histoires. La première est celle de
la narratrice qui vit à Paris avec son mari Luc et qui décide, un dimanche,
d’aller à Ville-d’Avray pour rendre visite à sa sœur Claire Marie. Elle arrive
chez sa sœur et elles commencent à parler du passé et de leur enfance. Ici,
s’intègre une deuxième histoire : Claire Marie confesse à sa sœur son aventure
avec un homme inconnu qu’elle a rencontré pour la première fois dans la salle
d’attente de la clinique de son mari, Christian, qui est médecin. Cet homme
invite Claire Marie à plusieurs rendez-vous qu’elle accepte mais sans savoir
vraiment pourquoi. Mais, Mélanie, la fille de Claire Marie, arrive et interrompt
le discours de sa mère. A la fin du roman, on revient à la première histoire
quand la narratrice décide de retourner à sa « vie ordinaire » à
Paris avec son mari.
Dominique Barbéris insère le thème de la
trahison, et le thème de la sensualité. Son intention est de présenter un sujet
qui constitue une énigme. L’auteure nous montre l’état de Claire Marie, nous
confronte à la psychologie de l’être humain, à sa complexité, à sa confusion,
et à ses rêves qui parfois le consternent et l’écrasent. Elle mélange mystère
et affliction.
L’histoire de ce roman est simple, mais la
manière dont elle est racontée est un peu complexe. Le présent et le passé se
réunissent. Le mystère réside dans la description détaillée des lieux où Claire
Marie et cet homme se retrouvent et dans sa description.
Lisez ce roman, plongez dans sa
thématique, admirez le personnage féminin que l’auteure vous offre, mais…
Léa KASSAB, Liban
Université Saint-Joseph
Faculté des Lettres françaises et des sciences
humaines, branche Saida
Nathacha
APPANAH
Le ciel par-dessus le toit
Éd.
Gallimard,2019 (125 p)
La confusion
Le récit commence par l’histoire de
Loup qui est un petit garçon. Mais son caractère ne ressemble pas à celui de l’animal
car trop timide. Puis il y a l’histoire d’Elitte. Ses parents sont surprotecteurs,
ils lui donnent beaucoup de compliments pour favoriser sa confiance en elle.
Elitte est gênée par les comportements de ses parents. Il y a aussi le récit de
la sœur de Loup, Polama. Quelle est la relation entre Elitte et Loup? Comment
se définit la relation entre Loup et Polama ? Est-elle une relation frère-sœur
ou frère-mère?
Il n’y a pas de chronologie dans
l’histoire. Il y a une alternance ente le récit de Loup et celui d’Elitte. On
n’a pas le temps de se poser des questions concernant les personnages et les
événements. Ce changement entre les récits peut conduire à la confusion. Quand
on veut savoir ce qui s’est passé avec Loup, on lit le récit d’Elitte, et quand
on veut comprendre le récit de Elitte on se voit lire le récit de Loup. Les personnages
sont complexes comme le récit.
La lecture de ce roman est rapide.
Le récit de Loup et celui d’Elitte sont intéressants. Cette alternance entre
les récits, créée la curiosité et l’envie de poursuivre le récit.
C’est un
roman qui parle de la façon dont les enfants sont influencés par leur
environnement. Si vous êtes intéressés par ce sujet lisez ce roman.
Leila BAYRAM
Université Saint-Joseph
Faculté des Lettres françaises et des sciences humaines, branche Saida
Natacha APPANAH
Le ciel par-dessus les toits
Éd. Gallimard, 2019 (125 p.)
Un Phoenix
par-dessus les toits
Le ciel par-dessus les
toits est un roman de Natacha
Appanah, romancière et journaliste mauricienne descendant d'une famille d’immigrés
indiens de la fin de XIX siècle. Une écrivaine douée qui s’est tournée vers
l'écriture lorsque le quotidien, L’Express, lui offre un prix littéraire
et la possibilité de publier nouvelles et chroniques dans ses colonnes. Elle a
écrit de nombreux romans dont nous pouvons citer les Rochers de Poudre d’or,
Le Dernier Frère et Tropique de la violence, lesquels ont tous
remporté des prix.
Dans son dernier roman
intitulé Le ciel par-dessus les toits, la romancière braque la lumière
sur 3 personnages en décrivant leurs traits psychologiques, leurs histoires et
le flux de leurs pensées les plus intimes. Elle commence son livre par nous
présenter “Paloma" une fille, et son frère “Loup". Paloma était en prison
depuis 10 ans ; son frère lui était très attaché et par la suite très touché
par son incarcération. Voulant rejoindre sa sœur, mais à sa manière, il a fait un
accident de voiture. À noter que ce petit garçon souffrait d'une maladie de
nerfs, il a été accusé d'avoir conduit sans permission et blessé d'autres
personnes et a été jeté en prison.
Puis, l’auteure introduit
un personnage qui joue dans le roman un rôle très important, à savoir la mère des
2 enfants, “Phénix". En utilisant la technique du flashback, Appanah nous parle
de l'enfance de cette dernière pour comprendre l'idée profonde du roman. Prénommée
à cette époque “Éliette", elle était une enfant si belle et si talentueuse
avec une voie très agréable. Ses parents la traitaient avec un amour exclusif
et exagéré. Ils voulaient la pousser sous les lumières de la célébrité. Cela se
passait malgré ses pensées et son désir de vivre l'innocence de son enfance.
Elle était obéissante à leur volonté. Ainsi, sa mère la faisait s'habiller
comme une petite femme sans ressentir, par naïveté, ni la souffrance de sa
fille ni les regards malsains que les hommes portaient sur elle en chantant sur
scènes. Un jour, elle a été agressée sexuellement et dès ce moment, elle s'est
complètement transformée de cette fille douce à une autre pleine de haine. Son
enfance a été ruinée. Et là voilà après des années, elle est devenue “Phénix”,
la femme indépendante, solitaire et alcoolique!
Ayant beaucoup souffert pendant son enfance,
Phénix était incapable de donner de l’amour à ses enfants. Elle s'est promis de
ne jamais reproduire l'éducation qu'elle a reçue. Par conséquence, elle ne leur
manifestait ni son intérêt ni ses émotions. C'est pourquoi elle leur a donné
les noms de “Paloma" pour être libre et “Loup" pour être fort afin de
tout affronter. Bien que les enfants se soient enfermés dans une solitude,
chacun cherche à se reconstruire et à trouver l'amour en méditant le ciel par la
fenêtre.
En fait, l'auteure a
choisi le titre de son roman tout en s'inspirant du poème de Verlaine intitulé « Le
ciel par-dessus les toits » qu’il a écrit pendant son emprisonnement. De
ma part, je crois que la prison, dans le présent roman, concrétise la solitude
cruelle des enfants, laquelle image a pris naissance dans le poème de Verlaine,
qui était enfermé dans sa cellule et qui gardait un regard sur le monde grâce à
une fenêtre. Il était absorbé par son lyrisme et avait une soif intérieure de
liberté.
En lisant ce roman, nous nous trouvons face à
deux questions psychologiques assez complexes : Est-ce qu'on renaît de nos
cendres comme le fait un Phoenix ? Ne devrions-nous pas laisser le passé
douloureux de côté? En réponse, l'auteure résout cette controverse en deux mots,
dès les premières pages du roman : “Parce que ce pays croit en la
réconciliation du passé et du présent” (P.11). À en croire Natacha Appanah,
on doit se débarrasser de nos souvenirs malheureux et mettre en avant l’intérêt
de nos enfants. Sinon, on ne va que récolter des générations anormales ! Pourquoi
alors les faire souffrir ? Quelle faute ont-ils commis pour mériter le malheur ?
Ce roman psychologique est
visiblement louable parce qu’il traite un thème original et à la fois
contemporain qu'on peut remarquer dans notre société tels que l'impact de notre
éducation sur nos enfants et la rupture des relations familiales. De plus, la
technique du retour en arrière crée un effet de suspense. De même, Appanah a
réussi à nous attirer par la beauté des descriptions et des images filées. Elle
a également bien utilisé le vocabulaire pour adoucir l'aspect morne et la
noirceur des événements. En somme, il serait bien regrettable de manquer un tel
plaisir de lecture.
Irini Ossama FAYEZ
Faculté des Langues (Al-Alsun)
Université Ain-Shams, Egypte
Université Ain-Shams, Egypte
Santiago
Amigorna
Le Ghetto Intérieur
P.O.L éditeur,
2019 ,192 pages
Le ghetto intérieur, ou le mal-être
Vicente, un jeune homme juif, a vécu son
enfance en Pologne avec sa famille. Se sentant toujours différent en raison de
ses croyances, il s’était passionné pour la Pologne en tant qu’Etat natal,
ignorant le regard que portait la société sur les juifs. Il a tant aimé
l’allemand, or celui-ci ne partageait pas cet amour vu les circonstances
prévalues sur la scène. Soutenant son chef d’armée puis choqué par son retrait,
il a reconsidéré sa position en tant que citoyen polonais. Aspirant à se
libérer des contraintes familiales dites suffocantes, il a décidé d’émigrer en
Argentine en 1928 laissant ainsi sa mère et sa famille là-bas.
Devenant un citoyen
argentin, il s’est marié à Rosita et a eu d’elle trois enfants. Quant à sa
mère, elle ne se lassait point de lui envoyer régulièrement des lettres afin
d’avoir ses nouvelles. Négligeant pour toujours sa mère, Vicente a été choqué
par la nouvelle situation mondiale puisqu’Hitler dirigeait l’Allemagne et il
avait pour obsession de se débarrasser des juifs. C’est à ce moment-là qu’il
voulait le plus contacter sa mère pour pouvoir l’emmener en Argentine, mais en
vain. Cet échec s’était traduit ainsi par un silence profond et continu, par
une torpeur, par un état de somnolence ainsi que par une culpabilité qui
rongeait sans cesse son âme. Plus qu’Hitler plaçait les juifs dans des ghettos,
plus le silence et l’angoisse de Vicente s’accentuaient. La fin s’avère
bouleversante : l’auteur intervient et révèle que Vicente était son
grand-père.
Une expérience
personnelle se mêle ainsi à des faits historiques : l’écrivain a présenté
méticuleusement la situation des juifs qui pâtissaient des mutilations commanditées
par Hitler. Les ghettos, les pénuries d’aliments et d’eau, les camps, les
centres d’exécution… nombreux sont les moyens auxquels le nazi Hitler a recouru
afin d’exterminer les juifs. Le Shoah n’a épargné personne même les ascendants
de l’auteur. C’est le côté sombre qu’il nous peint en partageant une partie de
sa vie intime avec nous.
S’ajoute à ces faits historiques
répréhensibles la perte et la confusion de l’auteur. Auparavant, il adorait la
Pologne et n’envisageait guère en partir. Une fois émigré et bien intégré à la
société argentine, il est cessé d’être un citoyen polonais à proprement parler.
De surcroît, son regard à l’égard de sa religion a beaucoup changé. Plusieurs
questions éclatent : est-il polonais, juif ou argentin ? Quelle était sa
vraie identité ? Et s’il n’appartenait à aucun des pays déjà cités, à qui
appartenait-il ? Des interrogations sans cesse hantaient son esprit sans
parvenir à une réponse rassurante et adéquate.
La part
psychologique dépeinte par l’auteur nécessite également une certaine réflexion.
D’abord, Vicente négligeait complètement les lettres envoyées par sa mère et ne
pensant jamais que la situation pourrait prendre subitement un cours différent.
Une fois Hitler survenu sur scène, les doutes de Vicente se sont affirmés et
ont influencé sa vie. C’est maintenant lui qui envoyait inutilement des lettres
à sa mère pour l’approcher et essayer de la faire venir en Amérique latine.
Tracassé par un sentiment de culpabilité cuisant, il ne partageait pas ses
soucis et ses peurs ni avec sa femme ni avec ses amis. Il s’est éloigné peu à
peu vivant ainsi dans son propre Ghetto Intérieur, s’infligeant ainsi
une punition à lui-même, semblable à celle de sa mère.
Ce livre, qui
a déjà reçu plusieurs prix tels que le prix littéraire, Le prix des Librairies
de Nancy, se distingue par un style simple, concis mais sombre et douloureux montrant
ainsi l’incapacité de l’homme face aux changements extérieurs auxquels il ne
peut rien. L’auteur, silencieux, a fait de ce livre les confessions qu’il n’a
jamais osé exprimer. Pour ceux qui aiment goûter la douleur et la valeur des
moments difficiles, pour ceux qui sont à la recherche de la réalité et de
l’authenticité des faits, pour ceux qui veulent faire part des sentiments de
l’auteur, ce livre leur sera le guide et la lumière vers une expérience exceptionnelle.
Julie
Joseph
Faculté des Langues (Al-Alsun) – Département de Français
Faculté des Langues (Al-Alsun) – Département de Français
Université Ain-Shams, Egypte
JEAN-PAUL
DUBOIS
Tous les hommes
n’habitent pas le monde de la même façon
Ed. Editions de
l’Olivier, 2019, (196 p.)
Je suis l’Autre
" Nous
devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir
tous ensemble comme des idiots." Cette citation de Martin Luther King pourrait
donner un bon résumé de l’histoire de Tous les hommes n’habitent pas le
monde de la même façon.
L’histoire du
dernier livre de Jean-Paul Dubois se déroule autour de la vie d’un personnage
qui s’appelle Paul Hensen, un prisonnier né d’un père danois et une mère
française. Le livre commence en prison provinciale de Montréal. Paul Hensen
décrit sa condition en prison, là où la mort est répandue. Le
personnage-narrateur raconte toute sa vie depuis son enfance. A travers les
va-et-vient entre le passée et le présent, on fait connaissance avec beaucoup
de personnages qu’avait rencontrés Paul pendant toute sa vie et ceux qui sont
maintenant avec lui en prison, et leurs visions du monde si diversifiés. Il
nous parle du mur d’incommunicabilité tiré entre sa mère et son père à cause
des différences religieuses et idéologiques qui aboutit à la séparation, du son
voyage au Canada et sa vie dans ce pays, de sa résidence dans un immeuble
baptisé L’Excelsior, ainsi que son mariage avec Winona, une jeune femme
d’origine différente de lui. Enfin, dans les dernières pages du livre, il
raconte aux lecteurs l’histoire et la cause de sa détention, restée jusque là
comme un mystère.
Ce n’est pas pour
la première fois que Jean-Paul Dubois nous partage son aventure dans le monde
de la littérature. Il a fait ses études en sociologie. Déjà l’auteur de
plusieurs romans et lauréat de divers prix littéraire, il commence sa carrière
de l’écrivain en tant qu’un journaliste au service des sports. On voit la trace
de cette expérience de manière parfaite dans ses œuvres.
Le dernier livre
de Dubois, comme son titre l’indique de manière très explicite, nous offre un
tableau cosmopolite, mettant en scène les personnages de quatre coins du monde.
Il nous y présente leurs attitudes, leurs points de vue et leurs modes de vie.
C’est une occasion favorable pour connaître l’Autre, tout comme un long voyage.
Pour cela, l’auteur délègue le personnage principal au Canada, connu comme le
pays des immigrants. Ainsi, le grand immeuble dans lequel il réside, L’Excelsior,
représente la vie collective dans la société, malgré toutes les différences
idéologiques, religieuses ou intellectuelles. Au fur et à mesure qu’on s’avance dans le
livre et qu’on se rend compte de la raison de la détention de Paul, on saisit
qu’il est condamné de ne pas être comme les autres ; comme « Meursault »
que son indifférence l’a fait mourir, pas le crime qu’il avait commis. Paul
aussi, est un étranger que personne ne le comprend.
D’ailleurs, par les indices que met le texte à
la disposition des lecteurs, on comprend le mécontentement de l’auteur de la
situation présente du monde. La cellule de Paul est un refuge dans lequel il
s’écarte du présent, projeté dans le monde des souvenirs. Il s’y enfuit de la
réalité actuelle de sa vie (et même celle du monde).
Dans la situation
présente du monde, qu’on a tant de conflits, tant de guerre et tant de crises,
seulement à cause des différences entre les gens, la question de la
reconnaissance de l’Autre, qui est le sujet de Tous les hommes n’habitent
pas le monde de la même façon, occupe une grande place dans les rapports
humains. Mais le rôle de Dubois dans ce livre reste, malheureusement, comme un
observateur. Il s’approche de son ancienne carrière du journaliste, et
restreint parfois l’histoire à un simple compte-rendu mal développé (et
même parfois trop fatiguant) des évolutions socio-historiques. Les scènes
présentées et les incidents racontés restent comme un collage mal fait de
divers événements, attachés forcément l’un à l’autre. Dubois ne nous offre pas
une image approfondie de ces actions ; ce qui rend la lecture de ces deux
centaines de pages très ennuyeuse. Est-ce
pourrait être un bon choix pour la lecture ? C’est à vous de décider !
Hanieh
Raeiszadeh
Université de
Téhéran
MIANO Léonora
Rouge Impératrice
Editions Grasset, 2019 (603 pages)
Rouge Impératrice
Editions Grasset, 2019 (603 pages)
Rouge impératrice : Un roman Afro-futuriste
Rouge Impératrice est à vrai
dire tout un univers. Dès les premières pages nous nous ouvrons sur un récit
qui nous projette dans une dystopie où, 100 ans après notre époque, l'Afrique
est un continent uni et puissant, intitulé « Katiopa ». L’auteur y noue
une histoire d’amour palpitante entre un couple que tout est censé opposer et
séparer... Cette histoire d’amour se tisse sur une toile de fond marquée par des
mutations identitaires et des enjeux politiques qui s’y mêlent.
Un roman captivant signé Léonora Miano, écrivaine qui ne cesse de
nous surprendre par la diversité de ses thématiques et par ses choix
romanesques. Caractérisée par sa vision afro-européenne, panafricaine et
féminine, Léonora situe son roman dans un futur qui répond aux aspirations
d’une grande partie de la jeunesse africaine actuelle qui rêve de
panafricanisme, d’une fédération africaine puissante qui puisse se faire
entendre et respecter partout dans le monde, et qui soit complètement autonome.
Du fait qu’elle vit en France, Léonora est intéressée par les questions qui
agitent la société française, dont notamment le nationalisme français
contemporain qui est obsédé par l’idée d’une éventuelle invasion africaine. Par
suite le continent africain les affolera et ils se verront, dans l’avenir selon
le récit, noyés par les Africains qui n’auraient pour objectif que de se rendre
en France. Dans ce récit d’anticipation, Léonora fait converger imaginaire et
réalisme, et elle nous apprend que les Français, se sentant dépossédés de leur
pays, ont décidé de le quitter et de se diriger vers l’endroit du monde qui
leur est le plus favorable, l’Afrique subsaharienne. C’est ainsi que chaque
population va s’installer sur le territoire de l’autre et que la balance du
pouvoir se verra irréversiblement inversée.
Léonora nous met en scène une histoire d’amour entre l’héroïne Boya
(la Rouge Impératrice), qui enseigne à l’université, et Illunga, le chef de
l’Etat Katiopien unifié. Une histoire interdite, qui circule à contre-courant,
et qui risque de devenir une affaire d’Etat. Pourquoi ? Car Boya l’héroïne
s’est rapprochée des descendants d’immigrés français qui avaient quitté leur
pays au cours du XXIème siècle. Par contre, son bien-aimé, le chef d’Etat, et
ses ministres, envisagent d’expulser ces populations inassimilables. La Rouge Impératrice
Boya, va-t-elle pouvoir désarmer la main du chef d’état comme elle a désarmé
son cœur et fasciné son âme ? Pour les « durs » du régime, il faut à tout prix
séparer ce couple.
En effet, l’aspect féminin est visiblement omniprésent dans le
roman. Même le nom de l’héroïne Boya dérivé de Boyadishi, réfère à une ancienne
guerrière qui s’est battu contre l’empire romain et dont le nom est devenu une
légende en Angleterre.
Dans ce roman on témoigne d’un grain d’indépendance et de liberté féminine, d’une sororité, d’une charge d’intellectualité et d’une émancipation incarnée par Boya, qui bouleverse les considérations politiques et identitaires d’un continent en entier.
Dans ce roman on témoigne d’un grain d’indépendance et de liberté féminine, d’une sororité, d’une charge d’intellectualité et d’une émancipation incarnée par Boya, qui bouleverse les considérations politiques et identitaires d’un continent en entier.
C’est Léonora qui raconte au discours indirect, en y intercalant
quelques dialogues. Les pensées des personnages nous sont rapportées dans un
récit qui se construit lentement car il est sans cesse enrichi par des discours
informant sur le continent Katiopa, son histoire et sur le parcours de chaque
personnage. Le style est vif, perçant et allant droit au but. Le roman met en
exergue également la dimension spirituelle qui se noue soit entre les êtres
humains, soit entre eux et la terre. Ainsi, le respect et l’égalité entre les
êtres humains sont les seules règles qui comptent et tout différend peut être
surmonté.
Ce roman vient ébranler nos réflexions sur l’identité, et proclame que les normes raciales ne doivent plus avoir de place dans notre monde, dans la mesure où nous sommes tous issus d’une même terre et avance que le concept de l’origine et de l’identité ne sont qu’une illusion infondée.
Ce roman vient ébranler nos réflexions sur l’identité, et proclame que les normes raciales ne doivent plus avoir de place dans notre monde, dans la mesure où nous sommes tous issus d’une même terre et avance que le concept de l’origine et de l’identité ne sont qu’une illusion infondée.
En fin de compte, ce roman nous plonge dans un monde africain
fascinant, fier, prêt à dépasser tous les défis et les enjeux qu’il affronte,
et qui est régit en premier lieu par l’amour et la réconciliation. L’amour
entre les gens, l’amour de la Terre Mère, la réconciliation entre le passé, le
présent et le futur, et l’amour de l’Autre abstraction faite de son origine
parce que nous sommes tous dans le même bateau. Un roman qui mérite l’attention
et l’hommage, et qui expose avec autant d’ardeur et de lyrisme le rêve Africain
de l’unité et de la puissance.
Ghadir Hossam Saad
Université de Ain-Chams
Université de Ain-Chams
Jean-Luc
Coatalem
La part du fils
Editions Stock, 2019 (262 pages)
La part du fils
Editions Stock, 2019 (262 pages)
La part du fils : Une conquête du passé
Jean-Luc Coatalem est un écrivain
français d’origine bretonne, et rédacteur en chef adjoint à Geo.
Romancier et voyageur, il parcourt près de 80 pays à pied, à cheval, en ULM et
en brise-glaces. Sa passion aux voyages apparaitra bien dans le déroulement du
livre.
« Cette Brest
blanche et grise, que Paol a aimée, a été aplatie, quasiment rayée par les
bombardements, puis redessinée après guerre. Qui l’inventera de nouveau, avec
lui, dedans ? » page 53. C’est facile de reconstruire une ville détruite mais il est
impossible de reconstruire une famille déchirée par la guerre. Paol, grand
père de l’écrivain, était un ex-officier colonial qui a fait la Grande
Guerre (1914-1918) puis, comme la plupart des Français, mobilisé à la 2ème
guerre mondiale (1939-1945). Il a passé une durée pacifique entre les deux
guerres jouissant de son temps avec Jeanne, son épouse, Lucie, sa fille et ses
deux fils, Ronan et Pierre. Mais lorsqu’une guerre commence tout change. Brest,
là où vit Paol avec sa famille, a été occupée par l’Allemagne nazie. En 1943,
sous le régime de Vichy, Paol a été arrêté par le Gestapo pour motif « inconnu »
au début, mais dévoilé plus tard ; c’était à cause d’une lettre de
dénonciation en faveur de la résistance. Pierre, qui avait alors 12 ans, a
assisté à la scène d’arrestation pleine de frappes infligées à son père et des
cris de sa mère. Suite à l’arrestation, la mort de Lucie et le départ de Ronan
à Londres, la famille misérable composée seulement de Jeanne et Pierre, a vu
Paol pour la deuxième et la dernière fois à la prison brestoise.
Dans « La part du
fils », Jean-Luc ira à la recherche de son grand père. Il pose une
enquête comprenant la cause de son arrestation, les camps, les prisons, les
villes où il a été incarcéré(en France et en Allemagne) et son sort. Il a
trouvé ces informations dans les archives microfilmées de la guerre mondiale en
Allemagne et parfois à l’Unesco, par les témoins et les copains du même camp
qui étaient tous français, et dans les musées de guerre qu’il a visités. En
parallèle avec cette recherche et ces découvertes, l’auteur nous décrit la vie
de Paol, Jeanne, Pierre et Ronan avant et après l’arrestation.
Il présente aussi les évènements de la deuxième guerre mondiale avec toute sa
sévérité et sa violence.
En lisant ce livre, nous avons
l’impression que nous regardons un film documentaire dont les scènes se
transposent entre le passé qui dépeint les événements de la guerre et la vie
des personnages, d’une part, et le
présent qui décrit les rencontres de l’écrivain avec les témoins et ses voyages
d’un pays à l’autre pour découvrir une nouvelle vérité et pour voir les camps
devenus maintenant des sites
touristiques, d’autre part.
Dans ce livre, Jean-Luc fait l’honneur
de son grand père dont il a ancré le nom dans l’histoire après avoir déployé
beaucoup d’efforts dans ses recherches. C’est un livre très émouvant et
touchant qui dévoile la brutalité et la barbarie de la guerre. La famille de
Paol est une de milliers de familles qui sont complètement détruites par la
guerre. Le style clair et attirant de l’écrivain vous oblige de sentir le
malheur et la misère provoqués par la guerre. La fin du livre est très logique
et pas si triste ; parfois il vaut mieux accéder à la vérité.
Iriny Georges Samir,
Université Ain-Shams, Egypte
Université Ain-Shams, Egypte
Amélie NOTHOMB,
Soif,
Albin Michel, 2019, 152 pages
Soif,
Albin Michel, 2019, 152 pages
« Pour éprouver la soif il faut être
vivant »
Dès 1992, la romancière belge, Amélie Nothomb, publie
de façon régulière un livre chaque année. Contrairement à sa famille
strictement catholique, cette fille n’a pas accepté les principes astreignants
du catholicisme, elle les a jugés autoritaires. À l’âge de 12 ans, Amélie,
victime d’une agression sexuelle causée par quatre hommes à la fois, elle a dû
endurer un traumatisme foudroyant qui allait gravement perturber son équilibre
psychologique : « J’ai soudain eu le sentiment de vivre avec un ennemi
intérieur. Une sorte de monstre générateur d’angoisse. Ma vie a totalement
basculé ». Conséquence : elle s’isola et commença à vivre un cauchemar
qui, à l'âge de treize ans, l’entraîne à l'anorexie.
Son 28ème roman, Soif, raconte les
derniers jours de Jésus Christ sur terre, avant d’être crucifié. Par ses
écritures et son style littéraire épique et assurément explicite, Amélie plonge
imaginairement au fond de la tête de Jésus en tant qu’un être humain en chair
et en os, et essaie d’extraire et de deviner son apophtegme intérieur, ses
pensées, ses sentiments, ses craintes durant les dernières heures précédant la
crucifixion.
Pourtant, et sous tous les aspects, il s’agit d’une
focalisation interne du personnage, une récitation qui émane de sa sensibilité
et de sa vision. En lisant ce livre, on peut entendre non seulement cette
parole interne, silencieuse, secrète de Jésus, mais également celle
de l’écrivaine qui a choisi de parler en utilisant le déictique subjectif « Je »,
ce qui nous permet de déduire les sensations et les sentiments à la fois de
Jésus et surtout d'Amélie Nothomb.
Elle a toujours cherché le message le plus sublime de
Jésus : l’amour. « Je suis une personne qui a soif », il
s’agit, selon moi, d’un autre type de soif, d’un vif désir d’aimer et d’être
réciproquement aimée par autrui, ou quiconque : parents, amis, collègues,
amant… elle-même.
Soif, une histoire originale et unique, porte
en elle beaucoup de zones épineuses, que ce soit pour les croyants ou les
mécréants. Cette incarnation de Jésus a faussé la réalité historique des
événements, et ce au niveau religieux, historique, et spirituel. L’écrivaine
belge a contré le message évangélique effectivement mentionné dans la Bible, et
proclamé par l’église jusqu’à nos jours. Elle considère donc dérangeante et
paradoxale cette vision, étroite à ses yeux, raison pour laquelle elle démontre
cette philosophie par son objection personnelle au verset biblique :
« Aimer ton prochain comme toi-même », donc si Jésus a décidé de se
sacrifier pour la rédemption de l’humanité, cela aurait vénéré sa propre
souffrance, corporelle et morale, et en conséquence il dit implicitement
« déteste-toi ». Dans cette optique, elle voit que la philosophie
existentielle des religions en général, nous apprend à nous détester et donc à
ne pas avoir la capacité d’aimer autrui.
En outre, à partir de la moitié du roman, le lecteur
éprouve beaucoup de difficultés à suivre les événements rapportés par Amélie
Nothomb. Jésus s’incarne en être humain pour une précise mission : le
salut de toute l’humanité, ce qui rend anodins ses derniers instants, que Jésus
radote et tergiverse exagérément. Cette anarchie de sujets et de sentiments
nous égare dans un medley crée par Nothomb et portant sur l’humanité, la
liberté de choisir, Dieu, la Sainte Trinité, l’amour, la haine, le sacrifice,
l’humiliation et le pardon.
Le Jésus d’Amélie Nothomb est un être humain insurgé
et révolté étant donné qu’il ose manifester aisément la colère envers le Père
pour la mission fieffée que celui-ci lui a confiée pour un objectif ultime.
Cette audace d’imagination qui se trouve chez notre écrivaine a sévèrement été
critiquée par les ecclésiastiques et les clergés catholiques, qui ont
considérablement considéré ce livre une déformation odieuse de Jésus Christ.
Or, il y a un prêtre qui a désigné le personnage dessiné par Amélie par
« Jésus-là » ce qui marque sa séparation entre Jésus d’Amélie, et le
vrai Jésus Christ.
Quand on contemple profondément cette histoire, tout
en dépassant les quelques premiers horizons qui nous viennent à la tête par une
simple lecture, et on plonge autant dans la ficelle morale liant cette
écrivaine à ce roman, on peut constater que cette femme cherche quelque chose
qu’elle avait déjà perdu, peut-être c’est l’amour, elle aime trop son Jésus, ce
jeune homme, tellement gentil et sympa, qu’elle a soigneusement dessiné pour
qu’elle soit sa coqueluche. Nous tous avons également soif, les genres
pourraient varier d’une région à l’autre, d’une culture à l’autre, etc. Il y a
ceux qui ont soif d’amour, oui c’est tellement juste, mais pas forcément en
Orient, notamment ces jours-ci où les peuples sont sollicités pour plus de
sécurité, de protection, de famille, de liberté, d’abri…
Si Amélie y a projeté une soif d’amour, un quelconque être humain peut y projeter une toute autre soif. Si Amélie se distanciait d’elle-même en se glissant dans la peau de Jésus, pour y trouver refuge en contant, tout un chacun peut faire de même et mettre de son être dans ce roman.
Si Amélie y a projeté une soif d’amour, un quelconque être humain peut y projeter une toute autre soif. Si Amélie se distanciait d’elle-même en se glissant dans la peau de Jésus, pour y trouver refuge en contant, tout un chacun peut faire de même et mettre de son être dans ce roman.
Youssef Adel,
Université Ain-Shams, Egypte
Université Ain-Shams, Egypte
Hubert Mingarelli
La Terre Invisible
Edition Buchet Chastel, 2019, (192 pages)
La Terre Invisible
Edition Buchet Chastel, 2019, (192 pages)
Une Terre Invisible enfin démasquée
Comme
l’annonce l’intitulé de l’œuvre, ce roman nous envoie à la découverte de
l’inconnu. Les événements se déroulent,
en 1945, dans l’Allemagne occupée. Le narrateur est un photographe de guerre
qui ne parvient pas à regagner son pays natal, l’Angleterre.
Hanté
par le souvenir de la libération d’un camp de concentration, notre protagoniste
décide d’aller au hasard des routes pour
photographier les gens devant leurs maisons ; une tentative entretenue de sa part pour
comprendre ce qui s’était passé et
pourquoi ils cédaient toujours. Le reporter est accompagné d’un jeune soldat
anglais nommé O’leary qui n’avait point vécu des horreurs de la guerre et qui
va lui conduire la voiture tout au long de ce voyage mystérieux. Le photographe errant déjà dans ce pays, se
greffe à sa situation une indécision d’intentions. D’où cet extrait
illustrant un dialogue entre les deux voyageurs : « et où est ce qu’on va
aller ? » Je lui répondis comme à moi-même : « je ne sais
rien encore ».
Par
un déclic sur le déclencheur, il semble que Hubert nous dresse une série
d’anecdotes distinctes enregistrées dans la pellicule du photographe. En
fait, le lecteur aussi bien que le
narrateur sont invités à établir des liens entre ces photos afin de déceler tous
les éléments de l’histoire.
Ce
roman nous révèle un trait humanitaire susceptible de figurer lors de ces
guerres. L’auteur nous permet de
ressentir la sensibilité de son porte-parole vis-à-vis des cadavres ensevelis
et des actes sanguinaires qui dénotent la cruauté et la barbarie de la Seconde
guerre mondiale. Hubert Mingarelli a voulu nous transmettre sa conception de
ces guerres atroces. S’ils s’en sortent vivants, les victimes, les mutilés et
les survécus ploieront toujours sous le joug de la terreur et des traumatismes.
Malgré le style inédit de l’auteur et le plan à la fois énigmatique et
attrayant de la rédaction, « la Terre Invisible » nous laisse tourner
en rond pour comprendre l’intrigue.
Christine fawzy,
Université Ain-Shams, Egypte
Université Ain-Shams, Egypte
Le Ciel par-dessus le toit
Editions Gallimard (nrf), (125 pages)
Renaissance
Natacha
Appanah est à la fois journaliste et romancière française. Elle a écrit environ
dix romans comme Le Dernier frère et Les Rochers de poudre d'or.
Son dernier roman Tropique de la violence a eu un succès retentissant et
a ainsi remporté quinze prix littéraires tels que le Prix France Télévisions et
Prix Femina Lycéens.
L’auteure a emprunté le titre du roman Le
Ciel par-dessus le toit au fameux poème de Verlaine, composé durant son
incarcération. Dès le titre, le lecteur est bien conscient que les personnages seront
en quête de la liberté puisque le terme « ciel » connote l’ambition
ou la délivrance alors que le substantif « toit » symbolise
l’obstacle ou la prison.
La narration commence par « Il était
une fois », ce qui nous donne l'impression qu'il s’agirait d’un conte
de fées, mais à notre surprise, la réalité sera toute autre. Loup, enfant de 17
ans, qui est à la fois doué et talentueux « Ce garçon n'est pas comme
les autres », souffre d'une crise d’angoisse qui le perturbe. Il décide
de prendre la voiture de sa mère afin de rendre visite à sa sœur aînée, Paloma,
qui a quitté la maison depuis longtemps et qui lui manquait tellement. Soulignons
que Paloma s’est enfuie de la maison afin de s’éloigner de sa mère acariâtre. Substitut
du sein maternel, Paloma représente la sécurité et peut être l’affection pour
son frère. Loup décide donc d’entreprendre un long voyage en voiture alors
qu'il n'a pas encore l'âge d’avoir un permis de conduire. Par conséquent, il a
été emprisonné dans une maison d'arrêt. C'est ainsi que la romancière met en
relief la solitude de l'enfant emprisonné et sa souffrance. De même, elle
souligne le contraste entre l'enfant, incarnation de l’innocence, et la prison,
symbole de la cruauté, par le biais de la description minutieuse de la cellule
et des murs qui l’emprisonnent et l’étouffent.
Appanah
s’ingénie en choisissant les noms de ses personnages. L’enfant incarcéré
s’appelle Loup, nom d’un animal féroce qui ne peut jamais être apprivoisé. Sa
mère lui a donné ce nom pour qu’il ait de la force, une autorité naturelle et
une position sociale remarquable, or, elle ne savait pas que « ce
garçon allait être le plus doux et le plus étrange de ses enfants ».
Il faut citer que la mère de Loup s’appelait Eliette, mais elle a choisi comme
prénom, Phénix, le nom d’un animal légendaire qui a le pouvoir de renaître de
ses cendres. Elle a fait une table rase de son passé infernal espérant ainsi entreprendre
une nouvelle vie loin de ses souvenirs d’enfance qui la tourmentaient.
A
travers les retours en arrières, la romancière fait un zoom sur le passé peu
glorieux de Phénix. Dotée d’une beauté époustouflante et d’une
voix exceptionnelle, Eliette ou plutôt Phénix ensorcelait son entourage.
Ses parents qui souhaitaient qu’elle soit la plus chanceuse et
la plus joyeuse des filles et qu’elle profite de chaque occasion qui se dresse
devant elle, exploitaient ses talents pour garantir une certaine position
sociale.
APPANAH se révèle un fin
psychologue en décrivant avec minutie l’état d’âme de la jeune fille qu’était
autrefois Phénix. Joues roses, cils
recourbés, lèvres rouges, cheveux bien coiffés, Eliette, âgée de 11 ans, privée
de son enfance, est alors livrée à la convoitise des hommes. L’accent est mis
sur les regards du public et surtout ceux des hommes. « (…) ces
regards-là l’atteignent, la salissent. Ces regards-là disent des choses qu’elle
ne connaît pas encore mais dont elle pressent la violence et l’étrangeté ».
Eliette déploie tous ses efforts afin de supporter
les regards d’autrui aux dépens de ses sentiments. Elle monte sur scène et
chante admirablement afin de rendre ses parents fiers d’elle. Or, elle est prise d’hystérie à la suite du
baiser sensuel de l’ami de son père, juste avant de monter sur scène pour
divertir le public, lors d’une fête organisée par l’entreprise où travaillait
son père. Une nausée soudaine s’empare d’elle, et elle se met à pousser des
cris stridents qui provoquent
l’effroi de l’audience et de ses parents. Elle se déshabille sur scène, commence
à vomir et à arracher ce masque de femme dans une tentative de se débarrasser
de l’odeur de cet homme grossier et antipathique. Eliette subit une métamorphose radicale à la suite de cette scène
cauchemardesque : elle se recroqueville, repeint les murs et la porte de
sa chambre en noir et s’habille en noir, couleur qui reflète sa mélancolie, son
angoisse et son désespoir.
L’accent est mis sur la relation mère-enfant.
D’une part Paloma et Loup reprochent à leur mère son comportement envers eux.
D’autre part, Phénix qui a dû élever ses enfants seule et a enduré des douleurs
atroces surtout le jour de l’accouchement de Loup, souffre de ne pas être une
bonne mère.
Est-ce que Phénix sera finalement capable de se libérer des contraintes de
son passé ? Est-elle la cause de la perte de ses enfants ?
Sera-t-elle capable de sauver Loup, incarcéré dans la maison d’arrêt, et Paloma
qui a abandonné sa maison ?
Bref, Le Ciel par-dessus le toit met en scène des enfants victimes de leurs
parents et d’agressions sexuelles. La romancière vise à dénigrer les abus des
adultes notamment les parents. Elle critique également la société qui enferme
les enfants dans des prisons sombres, tout en
mêlant poème et prose, et en optant pour un style léger, attachant,
à la fois rapide et haché. En effet, Natacha APPANAH se
présente comme une écrivaine à la fois sensible et méticuleuse. A vrai dire, le roman en question est un hymne
à la liberté.
Fatma Mohamed IBRAHIM
Université d'Alexandrie
Nathacha
APPANAH
Le ciel par-dessus le toit
Éd.
Gallimard,2019 (125 p)
La confusion
Le récit commence par l’histoire de
Loup qui est un petit garçon. Mais son caractère ne ressemble pas à celui de l’animal
car trop timide. Puis il y a l’histoire d’Elitte. Ses parents sont surprotecteurs,
ils lui donnent beaucoup de compliments pour favoriser sa confiance en elle.
Elitte est génée par les comportements de ses parents. Il y a aussi le récit de
la sœur de Loup, Polama. Quelle est la relation entre Elitte et Loup? Comment
se définit la relation entre Loup et Polama ? Est-elle une relation frère-sœur
ou frère-mère?
Il n’y a pas de chronologie dans
l’histoire. Il y a une alternance ente le récit de Loup et celui d’Elitte. On
n’a pas le temps de se poser des questions concernant les personnages et les
événements. Ce changement entre les récits peut conduire à la confusion. Quand
on veut savoir ce qui s’est passé avec Loup, on lit le récit d’Elitte, et quand
on veut comprendre le récit de Elitte on se voit lire le récit de Loup. Les personnages
sont complexes comme le récit.
La lecture de ce roman est rapide.
Le récit de Loup et celui d’Elitte sont intéressants. Cette alternance entre
les récits, créée la curiosité et l’envie de poursuivre le récit.
C’est un
roman qui parle de la façon dont les enfants sont influencés par leur
environnement. Si vous êtes intéressés par ce sujet lisez ce roman.
Leila BAYRAM ,Liban
Université de Saint-Joseph
Santiago
H. AMIGORENA
Le Ghetto
intérieur
Edition
P.O.L., (192 pages)
Un silence assourdissant
Santiago H. Amigorena est un écrivain scénariste
Argentin du XXIe siècle. Né en 1962 à Buenos Aires, il est récompensé au
Festival de Cannes pour ses écritures filmiques et remporte le prix des
libraires de Nancy pour Le Ghetto intérieur -édition P.O.L- publié en
2019 et sélectionné à la fois pour le Goncourt et le Renaudot.
Dès 1998, l’auteur signe, à travers son écriture
autobiographique, un pacte de sincérité avec ses lecteurs. En effet, Amigorena
se lance dans son projet littéraire comme le révèle les titres de certaines de
ses œuvres tels Une enfance laconique (1998), Une jeunesse aphone (2000),
Le Premier Amour (2004), La Première Défaite (2012), Des jours
que je n’ai pas oubliés, (2014), Mes derniers mots (2015) et Les premières
fois (2016). Ces romans sont publiés presque selon une chronologie de son
parcours de vie.
Cependant, Le Ghetto intérieur se
distingue par son titre métaphorique. En réalité, le mot « ghetto »
renvoie aux quartiers dans lesquels on assignait les juifs ou toute autre
minorité ethnique. Or, Le Ghetto intérieur a une autre dimension
allégorique : Il nous appelle à penser à un deuxième ghetto, caché,
dissimulé, presque invisible et inaudible ! Pourquoi un tel titre ? Comment
peut-on en expliquer l’ambiguïté et la profondeur ? Est-ce pour créer un horizon
d’attente ou pour annoncer un évènement majeur ? Horrible ? Émouvant ?
L’histoire
se déroule durant la Deuxième Guerre mondiale (1940-1945) en Argentine à Buenos
Aires qui est le lieu de naissance de l’auteur. Il raconte la vie de son
grand-père, Vincente Rosenberg, qui fuit la Pologne, en 1928, délaissant mère,
frère et sœur pour migrer en Argentine. Vincente acquiert alors une nouvelle identité.
Il va jusqu’à oublier sa langue maternelle, le yiddish et apprend l’argentin. Il
ne réagit plus comme un juif, il n’est plus humilié et raillé ni par son
entourage ni par sa propre famille. Il n’est même plus le jeune officier qui voulait
défendre son pays natal, la Pologne. Il s’en libère. Libéré du fardeau
politique, du fardeau identitaire et religieux. Mais peut-on, à n’importe quel
moment, être capables de modifier nos origines qu’elles soient religieuses
ou sociales ?
En 1940, les premières égratignures
surviennent.
La couverture du livre, choisie par l’auteur, reproduit
presque les barreaux d’une prison d’où les mots silencieux, désespérés dans l’obscurité
honteuse, ont hâte de s’enfuir. En effet, l’œuvre est formée de six parties
plus ou moins égales, dans lesquelles l’auteur nous raconte la vie tragique de
Vincente. Ce dernier est bouleversé par un sentiment de culpabilité qui l’accable
tout au long du roman. Ses petits sanglots s’expriment dans des cris muets et déchirent
lentement une âme qui cherche un repos difficile sinon impossible. Comme toutes
les victimes impuissantes de la Deuxième Guerre mondiale, Vincente Rosenberg se
mure dans un silence qui devient de plus en plus justifié au fil de la lecture.
Les monologues poétiques spontanés du protagoniste sont écrits avec une
théâtralité qui nous ancre dans sa propre réalité, celle de la guerre. Il
semble que ses lamentations, du bout de l’Argentine, sont semblables à celles
des milliers de victimes qui continuent à subir les conséquences de cette guerre.
À la fin du roman, la Victoire s’annonce ! Une double
victoire : l’armistice puis la naissance. Mais y a-t-il encore un signe de
vie ? Si oui, lequel ? Comment vivre avec cette culpabilité qui le
rongera encore jusqu’à sa mort ? Seule, l’écriture semble être un refuge, une
thérapie qui pourrait guérir du mal « intérieur » !
Diana SKAYEM
Université Libanaise
Université Libanaise
Jean-Luc
COATALEM
La
part du fils
Stock,2019
(261p.)
À la
recherche du déporté numéro 38676
Sous le régime de Vichy, Paol, le grand-père
de l’écrivain est arrêté le 1er septembre 1943 par la Gestapo suite à une lettre
de dénonciation : motif “inconnu.” Il sera conduit à la prison de Brest puis à
Dora, à Bunchenwald et à Bergen-Belsen, aux camps de concentration nazis où il
subira de la torture et fera du travail forcé. Malheureusement, il n’apparaîtra
jamais. Après 70 ans de silence de la part de la famille ne voulant pas revenir
au malheur, l’auteur-narrateur décide de partir à la recherche de son
grand-père défunt. Il fouille, pendant des années, les archives en France et en
Allemagne. Il a enfin trouvé dans un registre la fiche d’arrestation de son aïeul.
En effet, cette fiche a été mal classée dans un dossier intitulé “Juifs, apatrides,
romanichels et autres.” Malgré le fait que son grand-père n’était ni juif ni
apatride ni romanichel, il n’y a aucune justification de classer la fiche d’un
ex-officier dans ce dossier. Dans une
toile de fond historique rappelant la Deuxième Guerre Mondiale, l’auteur
retraçant la vie de son grand-père nous fait découvrir en détail la torture
subie par les déportés ainsi que l’exploitation de la main-d’œuvre française
dans l’industrie allemande.
À travers les recherches, les archives,
les rencontres avec des témoins encore vivants, les enfants d’autres déportés et
des gens qui avaient connu des gens qui connaissaient des gens que Paol avait
côtoyés, Coatalem a en quelque sorte inventé le personnage de son grand-père
qu’il n’a pas en effet connu “Et ce que je ne trouverai pas, de la bouche des
témoins ou dans les registres des archives, je l’inventerai. Pour qu’il
revive.” C’est un récit de mémoire et également une quête personnelle qui sert
à libérer et à soulager l’écrivain de ses souvenirs douloureux. Coatalem
constate que c’est son devoir de résoudre l’énigme de cette disparition devant
le mutisme de Pierre, le père de l’écrivain, qui enfant, a vu l’arrestation de
son père par la Gestapo au moment où il allait jouer avec son ami. Pauvre enfant
! Cette scène est ancrée dans sa mémoire. Portant le poids de l’absence
paternelle, Pierre ne veut jamais parler de la vie de Paol. Alors, l’écrivain
veut trouver le fil perdu pour que la famille” se refasse.” À cet égard,
l’écrivain a mentionné dans une vidéo présentant son roman la ressemblance
entre “fils” et “fil” parce qu’il s’agit de tisser les fils ensemble pour
découvrir le secret de la déportation de Paol. Ce trou de la biographie
constitue un puzzle à compléter, une mémoire à ranimer, une histoire à renouer
et un mystère à déchiffrer. Chaque détail trouvé est comme une toile d’araignée
qui commence à se tisser.
Amateur de voyages et de reportages,
Jean-Luc Coatalem nous emmènera dans un voyage sur les pas de ses aînés entre
le présent et le passé en France, en Allemagne et en Indochine. Il nous délivre
ses peurs, ses hésitations et sa souffrance. C’est un récit nostalgique où la description
minutieuse du parcours des indices trouvés lors de cette quête est à la fois
émouvante et touchante évoquant chacun de nous ayant perdu un proche ou un
parent dans les guerres. Que de morts et de massacres provoqués par la guerre !
Pour moi, ce n’est pas une simple quête personnelle mais c’est une tragédie universelle
et une cause humaine rendant hommage à tous ceux qui étaient victimes des
conflits meurtriers. Dans la postface, l’écrivain a rendu un très bel hommage à
son grand-père bien-aimé “En dépit de sa fin tragique, il s’est agi pour moi de
lui rendre, par-delà silence et oubli, un peu de sa vie forte et fragile.”
Je vous conseille de lire ce roman qui
vous fera suivre un chemin douloureux pour déchiffrer l’énigme de la disparition
d’un homme qui a été déporté pendant la seconde guerre mondiale.
Hania Ahmed.
Université
d’Alexandrie, Egypte
Jean-Luc
Coatalem
La Part Du Fils
(2019)
Stock
PAOL : LE DEPORTE INCONNU
Jean-Luc
Coatalem, né à Paris en 1959, est journaliste et écrivain français. À partir
des titres de ses ouvrages Je suis dans les mers du sud et la consolation
des voyages, nous pouvons admettre que cet auteur est voyageur dans l'âme. Le
titre La Part Du Fils évoque le lien entre les deux termes (fils) et
(fil) : cet ouvrage est une énigme à déchiffrer, un puzzle à compléter. La
parenté entre ces deux termes révèle l’intrigue de ce roman : la recherche d’un
grand-père perdu. Ce dernier nommé Paol a été arrêté et déporté violemment par
la (Gestapo) en 1943.
Coatalem a trouvé la fiche d'arrestation de son aïeul ayant pour motif (inconnu)
ce qui a suscité sa curiosité. Dans ce roman Coatalem dépasse les limites du
romancier et devient un détective privé qui mène sa propre enquête. Il veut
dévoiler la vérité cachée depuis des années.
L’auteur- narrateur
se sent alors responsable de cette quête personnelle que son père Pierre a
négligée à cause de son deuil continuel. Mais est-ce-que Coatalem sera à la
hauteur de l'enjeu ? Une question à laquelle il faut répondre et pour ceci il
faut lire cette œuvre originale. L'écrivain a décidé de combattre le mutisme de
son père. Nous trouvons dans La Part Du Fils la quête de soi, le
petit-fils se demande incessamment qui il est et qui est ce mystérieux Paol
L'auteur est très subtil en parlant des sentiments dans son ouvrage, il
décrit minutieusement le silence de son père, sa souffrance et les difficultés
que la famille a subies. En plus, dans plusieurs extraits, Jean-Luc Coatalem
admet qu'il voudra bien ressembler à son grand-père Paol et que plus les années
passent plus les visages des ancêtres se ressemblent. N'est-ce pas très
sensible de la part d'un petit-fils qui n'a jamias vu son grand père. L'amour de Jean-Luc Coatalem envers Paol se
manifeste dans cette phrase "et ce que je ne trouverai pas de la bouche
des derniers témoins, je l'inventerai pour qu'il REVIVE"
Au
début du roman, les lecteurs voient un style romantique dans la description de
Brest et de son patrimoine tangible et intangible montrant ainsi l'amour dédié
à la ville d'origine du romancier. Plus tard, le style théorique apparaît
peut-être grâce aux recherches et aux déplacements que Coatalem a fait pour découvrir
l'histoire de son grand- père. Ce style prédomine le reste du roman.
L’écrivain a parcouru tous les chemins
pour déchiffrer l’énigme de la disparition de son grand- père Paol: il est allé voir les prisons où Paol a vécu,
il a voyagé jusqu'en Allemagne afin de trouver la moindre réponse qu'il
cherchait (qui était son grand père et pourquoi ce soldat a été déporté?)
Il est
à noter que l'auteur a fait de son œuvre une description historique et
politique racontant de nombreux faits pendant la première et la seconde guerre
mondiale.
En fin
de compte, je voudrais bien mentionner que ce roman est extraordinaire, nous n'avons
pas l'habitude de rencontrer chaque jour un auteur qui raconte l'histoire de
son aïeul arrêté lors de la deuxième guerre mondiale. J'ai beaucoup aimé le
fait que Jean-Luc Coatalem ressuscite les membres de sa famille même après le
décès de beaucoup d'entre eux. Il faut aussi apprécier le mal que s'est donné
l'enquêteur en prenant en charge la recherche de son grand père, alors que cela
devrait être le devoir absolu de son père Pierre.
Une
histoire surprenante, des événements historiques, avec un style et des mots
simples et efficaces forment à la fin un chef-d’œuvre très important. Je
recommande donc vivement ce roman.
Mariam Mohamed Fathy
Université d'Alexandrie
(Egypte)
MINGARELLI
Hubert
La Terre
invisible
Editions
Buchet Chastel (192 pages)
Un style de narration discontinue
L’écrivain, à travers des dialogues inachevés et des moments de
silence dominants et récurrents, présente au lecteur une atmosphère romanesque aussi
sombre que les conséquences inévitables de cette guerre dévastatrice, la
seconde Guerre mondiale autour de laquelle se déroulent les événements de ce
roman. Il s’agit d’un roman de sensation : à la méthode de Proust, les protagonistes
principaux sont très attachés à leurs souvenirs : un simple spectacle ou une
mauvaise odeur, par exemple, fait revivre ces personnages des moments de
mémoration : "- A Lowestoft quand j’allais dormir dans les dunes, je
regardais la mère, comme ça aussi". Le photographe qui accompagne les
Alliés envahissant l’Allemagne pendant la seconde Guerre mondiale, devient lui
aussi un homme grossier qui se comporte méchamment et autoritairement avec le
jeune chauffeur chargé de le faire visiter un vaste terrain de ce pays. Ce photographe-narrateur
défile devant nous une grande série de photos variées et sans un vrai lien
l’une avec les autres : on a l’impression, en suivant la description de
ses multiples photos, de se trouver devant un tableau de collage surréaliste
basé sur la juxtaposition inattendue des choses différentes et même opposées.
Si chacune de ces photos raconte le plus souvent une histoire anodine ou
banale, mais un regard plus large sur l’ensemble de ce tableau pourrait donner
plusieurs significations, selon l’arrière-plan culturelle de chaque
lecteur-spectateur. C’est pour cette raison que le photographe qui nous dessine
les spectacles de ses photos, est incapable lui-même, de déterminer l’objectif
de ses choix : "- ….mais je
voudrais te demander, la photo tout à l’heure, c’est pourquoi faire ? -
Pour rien de particulier, comme ça." En parcourant cette Terre
vaincue, l’Allemagne, ce jeune photographe en ramène tout ce qu’il voit pour le
présenter tel quel au lecteur. Ce dernier s’attend, en feuilletant les pages de
ce roman, à une péripétie qui annoncerait le début d’une vraie intrigue et la
fin de la monotonie d’une narration descriptive sans but précis, mais le roman
se termine sur un petit incident aussi banal que les autres. La déception que
crée cette fin anodine chez le lecteur ressemble à celle qui s’empare des
esprits des gens à la fin de chaque guerre : une fois que celle-ci se
termine, les vaincus, et peut-être même les vainqueurs, se rendent compte de
l’absurdité et de la nullité de ce choix atroce.
Hussein AL MAHYAWI
Université Al Mustansiriyah
Bagdad/ Irak
Bagdad/ Irak
Amélie Nothomb
Soif
Edition Albin Michel (152 pages)
Soif
L’histoire de Soif
est une révision du « dernier jour de la vie de Jésus Christ ». C’est
un long monologue intérieur raconté par un Jésus recréé par Amélie
Nothomb ; l’auteur bénéficie non seulement des évènements des évangiles canoniques,
mais aussi ceux des évangiles non-officieux (comme l’histoire de l’amour de
Jésus et Marie de Magdala). Elle ne sort pas du cadre chronologique présenté
pour la vie de Jésus, alors la structure du récit reste la même que celle que
l’on connaît de sa vie ; mais elle tâche de faire une nouvelle
interprétation de la vie de Jésus et c’est là qu’elle fait entrer son
imagination ; elle met elle-même à la place de Jésus et elle raconte sa propre
interprétation par la bouche de Jésus. Elle n’a pas souci de vraisemblance,
elle présente Jésus comme quelqu’un qui est omniscient, quelqu’un qui cite des
citations des personnages d’avenir (Paul Valéry, Pascal, Proust, Malherbe etc.)
quelqu’un qui utilise des expressions exclusivement françaises (C’est l’hôpital
qui se moque de la charité : p.48) ; elle s’efforce pas du tout de cacher
sa subjectivité dans la narration ; pendant la narration, Jésus plaisante
beaucoup avec les apôtres, il les décrit très sincèrement, il critique leur
comportement, il accuse même Jean l’évangéliste de mentir ; et ainsi elle
critique implicitement les fondements du christianisme. A partir de la deuxième
moitié du livre, la tonalité change d’un ton humoristique à un ton plus
sérieux, mystique et philosophique, c’est pourquoi la deuxième moitié se lit un
peu plus lentement. Dans la deuxième moitié l’auteur aborde une question
principale : « pourquoi Jésus accepte-il d’être crucifié ? » la
réponse selon les autorités du christianisme c’est qu’il accepte pour purifier
l’homme du péché originel, l’auteur critique cette notion par la bouche de
Jésus, et accuse implicitement ceux qui la présentent. Cette polémique et ce questionnement
existent tout au long du livre, parfois avec ironie et parfois directement.
En conclusion, Soif est
un œuvre d’art engagé, dont l’auteur par sincérité ne ferme pas ses yeux sur la
vérité ; même si elle respecte le christianisme, elle n’accepte pas les
notions illogiques attribuées à Jésus Christ et au christianisme.
Amirali Zolfaghari
Varzaneh
Université de Téhéran
APPANAH Nathacha
Le ciel par-dessus le toit
Editions Gallimard (NRF), 125 pages
Dialectique de la révolte
« Il
était une fois un pays qui avait construit des prisons pour enfants… »
Il était une fois un enfant, un garçon de douze ans qui
était mis en prison parce qu’il conduisait la voiture de sa mère sans avoir
permis de conduire. Sa mère, Phénix, dans le sens propre du mot – s’appelant
autrefois Eliette-, s’était à l’époque, élevée contre ses parents et
maintenant, c’est le tour de ses enfants, Loup et Paloma !
Loup (c’est un mot bien polémique pour un garçon si doux,
n’est-ce pas ?) et Paloma (un pigeon !) abandonnent leur mère l’un après
l’autre. Et qu’est-ce que nous pourrons prévoir lorsqu’on met un loup en prison
et un pigeon loin de son nid ?
Le Ciel par-dessus le toit dont le titre évoque déjà un célèbre poème de Verlaine,
est simplement basé sur l’idée de la prison, de la révolte, de la liberté. Un
lecteur curieux demandera à la fin de ce livre : où se terminent les frontières
de la prison ? Est-ce que chacun de ces
personnages ne se trouvent pas parmi les barreaux de leurs pensées mêmes ?
Parmi leurs vies du passé ?
La lecture de ce livre nous mène à se poser un tas de
questions, pourtant elle nous permet de vivre dans une famille bien que
troublée, mais en tout cas humaine. Une vie apparemment tranquille et douce,
tout comme les mots qui la décrivent, mais dans laquelle on est entré à
l’incipit du roman par un poème en prose angoissant signé sous le nom d’écrou
numéro 16587, que l’on ne reconnaît qu’à la fin du roman.
En lisant cette histoire familiale, nous nous trouvons
face aux personnages enfermés dans la prison qu’à leurs avis, leurs parents ont
bâtie. Donc, c’est là que la question de la révolte se pose. Les personnages principaux
(Loup, Phénix, Paloma) sont toujours en train de dire « Non ». Mais
ce qui fait ce livre intéressant, c’est qu’il nous fait vivre avec les
personnages pour répondre à cette question : Est-ce qu’on devient heureux en
disant « non » ? Est-ce qu’en nous enfuyant d’une prison que nos
parents nous ont construite, nous serons libres ? Pourquoi on ne peut pas
voir ce ciel bleu qui est par-dessus le toit de notre prison intérieure ?
L’intrigue de ce roman d’une centaine de pages est si
émouvante qu’un lecteur curieux ne peut le laisser de côté que lorsqu’il l’a
terminé à travers un excipit brillant, contenant un long discours de Loup, où
il se sent ému, touché par le ciel bleu qui est par-dessus le toit…
Amirhossein Tasdighi
Iran, Université d’Ispahan
Olivier
ROLIN
Extérieur
monde
Editions Gallimard
(304 p)
Un cheval sans cavalier
« Quand je pense que lorsque je mourrai, avec moi mourront
mon doute, ma lutte avec moi-même et avec les autres, toute ma curiosité et
toute ma passion, je pense vraiment que le monde devra à ma mort une grande
simplification. » (P.36)
Qu'est-ce qu'un homme sauf son propre narratif? Sauf les
traces qu'il laisse dans son monde et dans le monde de ses interlocuteurs ? C'est
la question indispensable à laquelle chacun de nous, répondrons au moment où
nous nous trouvons face à la mort. C'est en effet, la question de la « récapitulation ».
Extérieur Monde essaie de répondre à cette question par
la récapitulation des souvenirs. C’est l’histoire d’un homme qui est entouré
par le brouillard des souvenirs au milieu d'un monde, des vies et des regards; un
homme du passé, un homme qui ne veut pas se réveiller de son rêve et qu'un élan
beaucoup plus fort que lui, un élan brutal qu'on nomme « le temps »,
le pousse vers un avenir indéfini, vers la mort. C’est l’histoire - si on peut
le dire- d’un cheval sans cavalier, qui se perd au milieu du brouillard de
l'avenir, qui essaie de garder à tout prix, ce qui lui reste défini, ce qui s’avère
être en apparence vrai, mais qui n’est paradoxalement qu’un rêve, le rêve d’un
passé perdu.
Le seul fil auquel il pourrait s’accrocher, c'est la
mémoire
« volontaire »,
la concrétisation de son vécu contre un monde tout à fait abstrait. Et c’est
ainsi qu’il essaie de rassembler toutes les rencontres, les visages, les
odeurs, les regards, les paroles et les livres lus, tous dans une boîte secrète
qui est ce livre. Quand on ouvre cette boîte, on voit l'explosion des
souvenirs. Hanté par la mort, et saisi par le regard pénétrant de la fatalité, l’auteur
raconte tout avec une vitesse vertigineuse qui donne une apparence incohérente à
l’écriture et c'est dans cette écriture spontanée que se manifeste l'explosion
des mémoires, évoquée par une simple image d'un cheval sans cavalier, perdu
dans le brouillard.
L'histoire nous mène dans une géographie personnelle.
L’auteur cherche à « rabouter, coller des dizaines d’éclats de souvenirs, en recomposer
un vase imparfait, fracturé, dont il ne serait que le vide central ». Le
"je" peut donc facilement être modeste ; un lecteur qui devient l'ami
proche de l'écrivain dont on sent la présence cachée derrière chaque mot et
chaque souvenir. Le lecteur honnête comptabilisera quantité d’exemples comme
« tressée de toutes celles qu’il a rencontrées » dans ce ni roman ni récit mais
« écrit » comme l’auteur le précise, fabriqué par une plume élégante.
Enfin, la lecture de ce livre magnifique, nous sert à
entrer dans une vie pleine de sens, pleine de mémoires, qui nous fait penser après
tout à nos vies mêmes, à ce que nous avons vu, à ce que nous avons lu, aux
traces que nous avons laissées dans notre monde et dans celui de nos proches.
Mina SHARIFI–Amirhossein TASDIGHI
Université d'Ispahan
Hubert MINGARELLI
La Terre Invisible
« Dites ouistiti »
Né le 14 janvier 1956 à Mont-Saint-Martin en Lorraine, il arrête
l’école pour s’engager dans la marine à 17 ans, qu’il quitte trois ans plus
tard. Hubert Mingarelli a reçu le prix de Médicis en 2003 pour son roman Quatre
Soldats. Il a également reçu le prix Livre & Mer en 2006 pour Henri-Queffelec et prix Louis-Guilloux en
2014 pour L'Homme qui avait soif. Cette année, la publication de son nouveau roman
mystérieux La Terre Invisible nous a ému.
L’histoire parle d'un
photographe anglais qui a participé au dernier combat et maintenant la guerre
est finie, mais il reste en Allemagne et il n’arrive pas à rentrer chez lui. Il
a l'idée de traverser l'Allemagne et d'aller faire sortir les gens de chez eux,
des familles entières, de les aligner dans leurs portes et les photographier. Désespéré
et triste, il cherche quelque chose pour calmer son âme. Mais qu'est-ce que
cela pourrait être? Il commence cette mission avec un jeune chauffeur anglais,
appelé O’Leary.
Le titre paraît tout d’abord significatif : l’adjectif donné
au mot « Terre », fait référence aux sujets cachés. Les sujets que
nous ne voyons pas et ne comprenons même pas correctement, et lorsque nous
lisons toute œuvre, petit à petit nous avons saisi des choses évidentes et
complètement concrètes, comme les photos prises et enfin c’est à
l’interlocuteur de découvrir le secret du roman.
L'histoire se déroule en Allemagne, à Dinslaken. Parfois, l’espace
change, de champ au champ et de maison en maison ! Nous sommes en juillet 1945,
un an après la Guerre. La dimension spatio-temporelle de l’histoire est considérable
et l'action est basée sur une chose : la photographie.
Nous sommes confrontés ici à une très grande problématique. Dans
cette histoire, nous voyons très bien les contradictions, même dans le titre, La
Terre invisible et les photos visibles, le fusil qui était toujours à la
main du chauffeur est l'appareil photo, l'opinion d'O'Leary selon laquelle il a
toujours voulu se battre, mais c'était trop tard, la guerre était finie et la
pensée du photographe : pourquoi on tue quelqu'un ? pourquoi on doit
voir des cadavres ? pourquoi on ne peut pas avoir les familles ensembles
comme dans les photos prises ? L’idée du photographe devient enfin évidente :
pourquoi la GUERRE ?
Les phrases ont une structure très simple. La maîtrise de la langue
de l'auteur est ainsi appréciable. Cadavres, colonel, allemands, nourriture
rationnée, fusil, drapeaux, il a touché énormément par ces mots, Mingarelli.
Zahra BAMPOURI
Université d’Ispahan, Iran
ROLIN Olivier
Extérieur monde
Editions Gallimard, 304 pages
Un retour de vie
Il y a des lectures qui s'avalent d’une traite et puis d’autres qui
épuisent, ou plutôt, comme dans le cas de cet écrit, qui vous impatientent
malgré la richesse de la langue. Ce livre d’Olivier Rolin est certainement à
classer dans la seconde catégorie. Il impatiente le lecteur, le fatigue et le
laisse à la traîne. Mais ce dernier s’accroche tant qu’il peut voir cette
lumière du style d’écriture.
Plus d’une quinzaine de chapitres pour aborder cette question de la
«mémoire» (bien que lui se refuse ce mot, je l’utilise volontairement car pour
moi, ce sont des mémoires qu’il écrit ici). Il retrace sa vie en abordant ces
choses : multitude de souvenirs littéraires, incessantes tribulations
géographiques, bribes de vie décousues ou les femmes et le voyage ont tenu une
place particulière dans sa vie, digressions de toutes sortes, remises en
question de pas mal de choses constantes, rencontres des personnes qui ont eu
de l’importance, livres et lieux qui l’ont vraiment particulièrement marqué,
absences et absents tellement nombreux aussi.
S'il y a une chose à retenir de ce récit sur la forme, c’est la beauté
de la plume d’Olivier Rolin oscillant entre humour, autodérision, poésie et
nostalgie. C’est un plaisir de lire cet écrit pour quelqu’un qui aime les
tournures, les digressions poétiques et les rencontres inattendues. Une forme
certes belle mais qui peu à peu devient tellement alambiquée que l’on en perd
le fond. Faut tenir bon pour pouvoir suivre une telle œuvre ou, comme dans mon
cas, se laisser porter facilement vers le néant de compréhension. C’est
incroyable, on saute de phrase en phrase, de paragraphes en paragraphes, de
chapitre en chapitre, de lieux en lieux sans aucune logique apparente. Beaucoup
trop de livres cités aussi, de noms et un grand nombre de listes de petites
choses, listes que l'on apprécie au début (j’ai découvert que c’est original de
mettre tant de «rien» en avant, en valeur) mais qui très rapidement lassent et
que l'on saute cherchant (très souvent en vain) ce qu’il faut ressortir de cet
écrit en fin de compte.
Pour conclure, j'ose commenter une phrase à la page 115 «Je sens
que je perd des lecteurs». Vous avez vu juste. Parce qu’en effet oui, vous êtes
en train de les perdre. Moi personnellement, j’étais à chaque chapitre à la
limite de l’abandon mais j’ai tenu bon jusqu’à ce que la boucle soit bouclée,
comme on dit. J'ai terminé ce livre en me disant : Ok ça se lit, le style
est très beau mais tout ça pour quoi en fin de compte ? Les lecteurs ont-ils
un réel besoin de le lire ?
Mohamed Yagoub Hanafi
Université de Khartoum
MINGARELLI
Hubert
La terre
invisible
Éditions Buchet
Chastel, 192 pages
À découvrir
Après la Deuxième Guerre Mondiale,
un photographe britannique n'arrive pas à quitter l'Allemagne pour aller chez lui.
Il participe à la libération d'un camp de concentration. Il reste hanté par ce
qu'il a vu et décide d'aller photographier ce peuple qui était complice d'un
des épisodes les plus noires de l'histoire. Un jeune soldat qui n'a rien connu
de la guerre est envoyé avec lui. Ils partagent tout dans ce voyage, les rations,
l'inconfort des nuits passées dans la voiture. Mais ils semblent garder leurs
plus profonds secrets pour eux-mêmes. Ils rencontrent beaucoup de gens pendant
leur voyage, certains gentils, d’autres hostiles, des enfants et des grands.
Ils étaient tous pris en photo.
Hubert Mingarelli, né le 14
janvier 1956 à Mont-Saint-Martin en Lorraine, est un écrivain et scénariste
français. À 17 ans, il arrête l'école pour s'engager dans la marine, qu'il
quitte trois ans plus tard. Il s'installe à Grenoble, où il exerce de nombreux
métiers, puis commence à publier, vers la fin des années 1980. Il est lauréat
du Prix Médicis en 2003 pour son roman Quatre Soldats. Il vit
aujourd'hui dans un hameau de montagne de Matheysine dans les Alpes françaises.
Avec très grand talent, l'auteur
de cette œuvre nous fait vivre le voyage de ses héros. Il nous crée une ambiance
pour découvrir les surprises, le drame et la tragédie auxquelles ils étaient
exposés. Dans ce roman, les personnages ne font que nous raconter ce qu'ils ont
vu, avec beaucoup de transparence. Ils nous décrivent parfaitement ces passages
et les gens rencontrés et nous laissent le dernier jugement. C'est un roman
plein de mystère. Un mystère qui semble persister jusqu’au bout. Même les
personnages principaux semblent avoir quelque chose de caché. Pourtant, ce
n'est pas le genre de mystère qui rend la lecture impossible. Au contraire, il
nous pousse à réfléchir, à faire des hypothèses pour en tirer une conclusion.
La description prend une très
grande part du livre, la description du temps, des gens et des lieux, beaucoup
d'images données, des phrases longues. Ce style d'écriture fait que ce livre
devient comme une énigme à déchiffrer, ce qui peut plaire à beaucoup de lecteurs
Aïsha Hashim
Université de Khartoum
Un dimanche
à Ville-d’Avray
Edition Arléa (125p)
« Est-ce qu’il arrive, à toi,
de rêver d'autre chose ?»
« Elle a levé ses bras trop minces,
ses coudes osseux, elle a ramené ses cheveux en arrière en essayant de les
arranger. Elle a dit : le dimanche, on pense à la vie. » (p. 37)
Le dimanche, le jour qui nous
réveille les souvenirs de l’enfance ; l’ennui, l’inquiétude, la pluie, les devoirs
scolaires inachevés ; le jour où nous voulions tomber malade ; à la fois,
le dernier et le premier jour de la semaine ; le jour de commencer, de cesser,
de prendre les décisions difficiles.
Un dimanche à Ville-d’Avray, dixième roman de Dominique
Barbérie, raconte l’histoire de deux sœurs, semble-t-il, issues de deux mondes
différents, mais avec un passé identique, un passé qui n’est pas encore passé. Les
souvenirs de leur passé, la vie en Belgique dans une famille sous tension, avec
une mère nerveuse qui n’a rien d’autre que les rêves brisés. La réalité de la
vie conjugale, l’ennui et les tâches ménagères ont changé la définition de l’amour
chez cette femme rêveuse et maintenant, la vie de ses filles a également été
confrontée à cette défaite.
L’histoire nous mène dans l’atmosphère
humide de Ville-d'Avray, une ville au bord de la Seine. Le personnage
principal, Claire-Maire, la sœur aînée qui cherche toujours un bonheur factice
comme ceux des romans. Elle confie à sa sœur, l’histoire d’un amour interdit, d’un
amour caché, d’un amour qui n’est pas permis. Elle parle d’un homme ténébreux,
exilé de soi-même, d’un homme dont elle n’a rien su et dont elle ne sait jamais.
La soif d’éprouver un amour dans les contes de fées, le désir de vivre les rêves au
lieu de rêver la vie, pousse
le personnage principal du roman vers un monde en clair-obscur et mystérieux
qui est basé sur les questions fondamentaux : « Est-ce qu’il arrive,
à toi, de rêver d’autre chose ? » La question qu’on s’interroge
soi-même jusqu’à la fin du roman. Cette question peut faire remonter les coins
sombres et oubliés de l’esprit, les passions révoltées contre la raison et les
normes ou même, les décisions qu’on a dû prendre à cause des exigences de la
société, de la maturité et de l’âge.
Un dimanche à Ville-d’Avray est un beau livre de 125 pages avec un
style simple et délicat qui attire l’attention sur les divers aspects de la rêverie
qui s’avère être l’élément le plus important de la vie humaine.
Mina Sharifi
Université
d’Ispahan – Iran
MIANO Léonora
Rouge impératrice
Editions Grasset, 602 pages
Un monde captivant mais épuisant
Katiopa, un continent africain futuriste, unifié et prospère, se
situe au XXIIème siècle. Une Afrique qui ressemble plus à des Etats-Unis du
futur. Ilunga, chef de cette Afrique unifiée et Boya, professeure dans une
université, sont les deux personnages qui travaillent à défendre des idées et
des valeurs qui se contrarient. Rien ne les prédisposait à s’entendre, et
pourtant, une histoire d’amour va naître entre eux deux.
Nous voilà jetés dans une Afrique qui n’est plus tout à fait la
nôtre, que ce soit par culture, traditions, mode de vie, etc. C’est un nouveau monde
qui vogue entre utopie et dystopie. A point que l’auteur utilise plein de
vocabulaire camerounais (qui est expliqué dans une petite section Glossaire à
la fin du livre) qu’on devrait apprendre et se familier avec progressivement.
Le style est joli et c’est toujours intéressant de voir la créativité déployée
pour construire un nouveau monde. Mais le livre ne tient pas ses promesses.
Petit à petit, l’histoire devient fade et trop ardue. On passe extrêmement de
temps à comprendre les passages complexes du livre qu’on peut facilement finir
par se perdre. Alors, attention, ce roman n’est pas aisé à lire et il vous
faudra rester actif pendant toute votre lecture. Des fois, le temps d’intégrer
les mots africains crée une césure dans le rythme de lecture.
Ce roman mérite d’être recommander à quelqu’un qui n’est pas
seulement intéressé par ce genre d’histoire et ce vocabulaire très local mais
aussi qui est prêt à confronter ce nouveau monde étrange et distant.
Musab Masri
Université de Khartoum
DUBOIS Jean-Paul
Tous les hommes
n’habitent pas le monde de la même façon
Editions L’Olivier, 246 pages
Tragédie et Solitude
C’est
l’histoire de Paul Hansen, un danois d’un père danois et une mère française. De
sa cellule de prison, Paul nous raconte les difficultés qu’il a éprouvé dans sa
vie et comment il s’est enfin trouvé emprisonné. Il nous raconte la vie de ses
parents, comment ils se sont séparés et comment Paul a trouvé la femme de sa
vie, et comment il l’a perdue.
Jean-Paul
Dubois est né en 1950 à Toulouse. Il est non seulement écrivain mais aussi
journaliste. Il a commencé par écrire des chroniques sportives et puis est
devenu reporter pour l’Obs jusqu’à finalement finir par écrire de
nombreux romans. Il a obtenu plusieurs prix pour ses livres.
Dubois
a un style intéressant ou il mélange de l’humour noir avec de la dépression et
du désespoir. Il nous attache à ses caractères complexes d’une façon vraiment
unique, et il ne lâche pas jusqu’à la fin. Ce monde, dans lequel Dubois nous
met, est un monde tragique, vulgaire et solitaire. Mais son sens d’humour nous
fait sourire avec les personnages différents et réels, cela allège le sentiment
dépressif qui nous entoure. C’est un antidote à la dureté de la vie.
Tout
cela, c’est le côté eau chaude du roman. De l’autre côté, l’eau froide du roman
est sa lenteur et son usage excessif de détails qui non seulement ralentit
l’histoire mais aussi peut faire perdre la concentration. Il y a aussi beaucoup
de découpages qui peuvent dérouter le lecteur un peu (par exemple, un moment
Paul nous raconte ses souvenirs d’enfance puis soudainement il commence à
parler de sa vie de prisonnier et de ses mésaventures).
En
conclusion, ce roman est bien écrit et saisissant. Du coup, ceux qui
connaissent et aiment Jean-Paul Dubois et ses œuvres, spécialement son roman La
Succession, aimeront ce roman qui vaut la peine d’être lu.
Musab Masri
Université de Khartoum
BARBÉRIS Dominique
Un dimanche à Ville-d’Avray
Éditions Arléa, 125 pages
Balançoire de la vie
Les êtres humains sont attachés à leurs parents, leurs
amoureux, leurs maris ou femmes, leurs enfants, ou par des événements soit
heureux, soit tristes ou par des jours, des dates qui font notre mémoire et
notre identité. Grâce à cela, nous sommes vivants. Imaginez un homme amnésique,
qui est sans mémoire, sans passé, sans souvenir de son enfance, adolescent,
sans famille, sans identité. Cet homme devient fou petit à petit et dans
quelques années il ne va pas accepter d'être vivant. Au commencement du récit apparait
un flash-back de l'enfance de deux sœurs. Une est la narratrice et l'autre
s'appelle Claire Marie. Elles étaient mignonnes, elles aidaient leur maman aux tâches
ménagères qui remplissaient sa vie. Elles aiment la poésie et regardent la
télé. Elles sont hantées par M. Rochester et Jane Eyre, leur amour qui défend
les obstacles et la discrimination de la classe. Claire Marie et sa sœur ont rêvé
d'un homme qui ressemble à Rochester et d’un amour éternel. Elles jouent le rôle
de Rochester et Jane Eyre. Elles ont rêvé d'une vie excitante qui est remplie
de surprises. Tous les dimanches, leur mère fait une querelle avec son mari, le
père est resté froid, il lit le journal et ne dit mot. Les deux sœurs les
regardent et restent angoissées, la mère les surveille de loin quand elles font
leurs devoirs. Donc, les deux sœurs n'aiment pas les dimanches du tout : elles
voudraient une vie qui est le contraire de la vie de leurs parents.
Ensuite, la narratrice raconte
leur vie, elles ont épousé de bons hommes, ils ont des maisons, de l'argent,
mais ils manquent d'une chose essentielle. Elle relate que sa sœur, Claire Marie est la femme de Christian. Elle habite à
Ville-d'Avray, mène une vie monotone, elle s'occupe de la maison, de sa fille
Mélanie (qui joue du piano) et de son mari qui travaille comme docteur dans son
cabinet. La femme du docteur travaille quelquefois comme secrétaire au cabinet.
Sa sœur lui rend visite rarement le dimanche parce qu'elle habite à Paris qui
est loin de Ville-d'Avray. Mais il y a une raison cachée, ce sont les terribles
souvenirs que les dimanches leur ont apporté. Aussi, son mari Luc n'aime pas
aller à Ville-d'Avray qui est ennuyeuse et très tranquille.
Enfin, Claire Marie a raconté une rencontre qu’elle a
faite il y a quelques années. Comme d'habitude, elle travaillait au cabinet, un
de patient a parlé avec elle de fixer le rendez-vous avec le docteur Christian.
Il l'a regardée et a posé une question : « vous êtes la secrétaire
? » Elle lui a répondu : « Non, je suis la femme du médecin. »
Puis, il est parti et elle a vu son prénom, Hermann. Le lendemain, elle est
allée se promener et a croisé le patient. Il lui a dit : « quel
hasard ! » (Mais est-ce que le hasard existe ou on l'a créé ?) Il lui a
proposé de l'amener chez elle et de l'inviter au café, elle a accepté. Ils ont
parlé de choses générales, il a dit qu'il est marié et il était immigré de son
pays à cause du communiste à Budapest. Quelques heures plus tard, il l'a amenée
chez elle et lui a donné sa carte et lui a dit qu’elle pouvait lui téléphoner
si elle voulait quelqu'un avec qui partager une conversation. Sur la carte, il
est écrit : Hermann, directeur d'une société d'export import. Des jours ont
passé et les sensations de manque, de peine, de vide et de solitude les rattrapent.
Elle a regardé sa carte et lui a téléphoné, elle lui a dit qu’elle avait vu sa
carte par hasard. Il lui a dit le hasard existe mais on a le choix de l'accepter
ou de refuser. Est-ce qu'il va la rencontrer encore ? Et quel type d’homme
est cet homme-là ? Bien sûr, il n'est pas un homme normal, il sait
beaucoup de chose sur elle. On le saura en fin de récit.
Le roman est écrit par Dominique
Barbéris, romancière française, auteur d'études littéraires et enseignante à
l'université, née en 1958 au Cameroun dans une famille d'origine nantaise, d'un
père diplomate. Dominique Barbéris fait ses études à l'école Normale Supérieure
de Sèvres et à l'université de la Sorbonne, après une enfance à Nantes puis à
Bruxelles. Elle est passionnée de littérature, elle publie son premier roman en
1996. Sa production romanesque se caractérise par une peinture des atmosphères
de province ou de l'enfance. Elle a obtenu le prix Jean Freustié / Fondation de
France pour le roman L’année de l’éducation sentimentale (2018).
C'est une belle lecture de
seulement 125 pages, un petit roman empli de mystère mais très réaliste. Aussi,
l'écriture est délicate, empreinte de douceur. J'ai eu la sensation de tourner
les pages d'un album photos à la couleur sépia… Qui n'a pas senti cette
ambiance si particulière quelque peu triste du dimanche soir ? Ce qui m'étonne
c'est que Claire Marie n'a rien su sur Hermann. Un homme étrange, mystérieux,
louche et inquiétant. Tout juste a-t-elle appris qu'il est d'origine hongroise.
Mais pourquoi donc s'est-elle alors engagé dans une telle histoire ? Pour
tromper son ennui ? Casser le rythme d'une vie bien ordonnée ? Retrouver ses
rêves de jeune fille où elle s'inventait des histoires de cœur avec Thierry la
Fronde et Rochester ?
Ce livre va avoir un merveilleux
avenir. Si vous cherchez la plaisanterie d'une histoire inattendue, allez lire
ce livre. Croyiez-vous au hasard ? Vous n'êtes pas sûr de votre réponse ?
Dans ce cas-là, lisez ce livre. Votre vie est monotone et vous êtes actif et
quelqu'un qui a un imaginaire frais, vous devez le lire !
Nidal Mohammed
Université de Khartoum
Département de français – 4ème
année
COATALEM Jean-Luc
La part du fils
Éditons Stock, (272 p.)
La part du fils
Éditons Stock, (272 p.)
À rebours vers l’ancêtre
On voyage pour partir à la découverte de l’autre, affirme
Olivier Follmi. Jean-Luc Coatalem décide de voyager pour « aller à la
recherche d’[un autre], comme à sa rencontre » (p.16). Qui est
cet autre ? Son grand-père, Paol. Le 1 septembre 1943, Paol a quitté à jamais ses enfants. Paol a été arrêté. Pourquoi ? Silence.
Pourquoi ? Sujet tabou. « Qui était Paol, qu’avait-il fait ? »
(p.32). Le besoin atavique d’une réponse pousse Jean-Luc à entreprendre ses
recherches. Le bilan de ses investigations fera l’objet de son roman intitulé La
part du fils paru aux Éditions Stock.
Suivre l’itinéraire du grand-père constitue le fil conducteur
de l’histoire, la trame narrative de celle-ci. L’auteur a un défi à relever :
Retrouver l’introuvable. Quelle audace !
L’enquête qu’il mènera n’est pas une tâche facile. Il redessine le parcours de son grand-père en partant de « quelques bribes arrachées, de miettes » (p.23). Il fait une récolte de journaux de l’époque, de dossiers, de mémos d’inspecteurs, de notes aux préfets, etc. Puis, il se met au travail.
Certes, un travail accablant ; cette quête est devenue une quête intime, une raison d’être.
Quête et enquête lui feront-elles perdre la tête ? OUI ! Tellement poussées à l’extrême qu’ « il [lui] fallut à un moment consulter un psychologue » (p.80).
L’enquête qu’il mènera n’est pas une tâche facile. Il redessine le parcours de son grand-père en partant de « quelques bribes arrachées, de miettes » (p.23). Il fait une récolte de journaux de l’époque, de dossiers, de mémos d’inspecteurs, de notes aux préfets, etc. Puis, il se met au travail.
Certes, un travail accablant ; cette quête est devenue une quête intime, une raison d’être.
Quête et enquête lui feront-elles perdre la tête ? OUI ! Tellement poussées à l’extrême qu’ « il [lui] fallut à un moment consulter un psychologue » (p.80).
Le cadre spatial joue un rôle primordial dans le déroulement
de l’histoire. De l’Occident jusqu’à l’Extrême-Orient, l’auteur décrit
minutieusement les villes qui jalonnent l’itinéraire de l’ancêtre et en
particulier, Brest, Kergat, Compiègne (France) et Dora (Allemagne), lieux où
Paol a passé le reste de sa vie, le reste de sa détention. La description des
lieux est si authentique, l’effet du réel est si fort que le lecteur est projeté
sur la route aux côtés du narrateur et impliqué dans l’évocation du passé de Paol.
Coatalem choisit ses mots avec sagesse. Mots simples, mots droits,
mots justes, qui vont droit au cœur. Son style fluide coule sous les yeux du
lecteur tel un doux jet d’eau. Et quand il s’agit de sentiments, Coatalem franchit
les limites de la fiction et accède au monde réel, celui de son lecteur. Comment ?
À travers les phrases simples et les questionnements intimes.
Coatalem a-t-il rapporté la vérité telle quelle ? Ou
a-t-il cédé la place à son imagination ?
La réponse vous la trouverez vers la fin du livre. Au cas où vous douteriez de ses propos, il se prêtera volontiers à vos investigations.
Parviendra-t-il à réaliser son projet ? Restituera-t-il la vraie histoire de son ancêtre ?
À vous de le découvrir …
La réponse vous la trouverez vers la fin du livre. Au cas où vous douteriez de ses propos, il se prêtera volontiers à vos investigations.
Parviendra-t-il à réaliser son projet ? Restituera-t-il la vraie histoire de son ancêtre ?
À vous de le découvrir …
Aimée G. Salamé
Université Libanaise
Université Libanaise
JEAN-PAUL DUBOIS
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon
Editions de l’Olivier, 2019 (256 p.)
Des âmes fragiles
« L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt », cette
citation de Jean-Jacques Rousseau illustre la voie dans laquelle l’auteur emmène le
lecteur. Le misérable Paul Hansen est emprisonné depuis deux ans pour une raison
qui n’est pas précisée au début du roman. Tout ce qu’on sait c’est que le
héros-narrateur a commis un crime qu’il ne regrette pas.
Hansen, comme le reste des prisonniers, mène une vie misérable au sein de
la prison. Il partage une cellule de six mètres carrés avec un agressif membre
des Hells Angel, Patrick Horton, incarcéré pour meurtre. Il souffre de la présence
des rongeurs et de la manière inhumaine avec laquelle les prisonniers sont
traités.
Hansen, qui a tout perdu - sa femme, ses parents, sa chienne et son travail
- est très attaché au passé. Bien que décédés, des membres de sa famille continuent
à lui rendre visite de temps en temps et hantent son esprit. Il ne cesse de
penser à « l’Excelsior » où il était surintendant. Cet immeuble était
son principal souci et il pouvait y déployer son énergie et ses talents de
gardien, de concierge en plus de consoler et d’aider les résidents.
Tout au long du roman, il y a un va-et-vient permanent entre le présent et
le passé, ce qui donne une épaisseur au temps. Ces sauts dans le temps,
annoncés typographiquement par des blancs, permettent au lecteur de partager la
souffrance du prisonnier pour qui le temps passe très lentement. Chaque minute
dure jusqu’à l’infini. Ce passé permet aussi au héros de revivre des moments où
il a senti le bonheur et la sérénité ce qui lui permet d’endurer la peine et le
chagrin qui le torturent.
Ce qui caractérise cette œuvre c’est l’analyse psychologique subtile qui se
dégage de chaque page. Les personnages de Dubois incarnent la faiblesse de
l’être humain. L’auteur nous peint la faiblesse d’un corps exposé aux accidents
et rongé par la maladie par le truchement de tous ces vieux et ces mourants
dont Hansen recueille les dernières paroles. Cette vulnérabilité se manifeste
aussi sur le plan moral. On rencontre un pasteur qui détourne les fonds de son
église à cause des paris hippiques. L’enquêteur d’assurances négocie à la
baisse « la valeur d’un défunt » et use de tous les moyens possibles
pour diminuer la somme que la famille encaisse. L’auteur nous décrit également
une personne qui a le goût du lucre et qui trouve normal de maltraiter ses
homologues. C’est Edouard Sedgwick, le patron, qui
ne cessait de tourmenter Paul Hansen et qui l’a entraîné, en quelque sorte,
dans le gouffre où il est.
Cependant,
le roman n’est pas exempt de ces moments lumineux qui procurent le bonheur et
le bien-être comme les pages qui décrivent les moments passés en compagnie de
sa femme et de sa chienne ou encore un séjour passé au Danemark avec ses
parents.
C’est en ce sens que le roman reflète les deux aspects contradictoires du
monde où nous vivons : l'injustice, la cruauté, la souffrance mais aussi
l’amour, le dévouement, la tendresse, l’amitié. Tous les hommes n’habitent
pas le monde de la même façon est un appel à « minorer les fautes
de chacun ». Malgré tout, c’est un message de tolérance et d’espoir
qui se dégage de ce roman qui semble dominé par la tristesse et la cruauté.
L'écrivain possède un style fluide et unique. Le roman est parsemé de
métaphores envoûtantes, de descriptions détaillées, de noms de marques,
d’allusions à des auteurs, de phrases en latin, en anglais voire en danois. Le
style est un mélange de précision qui frôle la scientificité, d’humour et de
poésie.
A la lecture de cette œuvre, on se met en colère, on verse des larmes mais
il nous arrive aussi de sourire. Quoi qu’il en soit, on a hâte de terminer la
lecture de ce roman pour découvrir ce que fera Paul Hansen à sa sortie de
prison.
Habiba Khaled
Université d’Alexandrie
Hubert MINGARELLI
La Terre Invisible
Editions Buchet Chastel (180 pages)
Dans « la Terre Invisible », Hubert
Mingarelli nous transporte vers l’Allemagne à l’époque antérieure à la seconde
guerre mondiale. Notre protagoniste est un photographe anglais qui sera obligé
de rester en Allemagne à cause de certaines circonstances. Ce dernier a assisté
à un camp de concentration formé par les Anglais dont les images ne lui
échappent pas. Lors de son séjour involontaire, il désire photographier les
gens de cette Allemagne, cherchant une réponse dans ces images. Le photographe
relate son voyage dans cette terre invisible plutôt inconnue, accompagné d’un
jeune soldat anglais O ´leary. Ils portent sans destination, sans but: c’est
tout à fait l’errance. Le voyage est traduit par un style très modeste et
fluide. Il n’y a rien qui bloque la compréhension du lecteur. Ceci fait
allusion au mouvement souple d’un automobile. L’écrivain adopte une économie de
mots où les longues descriptions des paysages, les portraits et les dialogues
sont quasi absents. Les répliques aux questions sont toujours incomplètes :
« Je ne sais pas » ; « on verra ». On ne sait rien. C’est
ainsi que le lecteur est emmené dans une ambiance de guerre très réaliste. Le
silence et l’errance sont deux mots- clés qui reflètent l’état d’âme des gens
après une guerre. Nous sommes traumatisés après l’atrocité vécue. La guerre est
capable de torturer l’âme à jamais. À ce moment, la mort n’est qu’une clémence.
Le lecteur découvre ainsi le pouvoir de l’image ayant la capacité de pénétrer
au fond de l’âme. Cet art muet dévoile les émotions qui ne sont pas à la mesure
des mots.
Manale Hassan,
Université d’Alexandrie, Egypte
Un
dimanche à Ville-d’Avray
Éditions Arléa, 125 pages.
Un rêve oublié
Résidant d'un quartier tranquille
et beau à quelques kilomètres de Paris, Claire Marie mène une vie monotone,
avec très peu de distraction. Femme au foyer, elle a comme seule occupation
l'éducation sa fille et aider son mari dans son cabinet médical si besoin. En
surface, cette vie ne semble point la déranger. Mais tout au fond d'elle, elle attend
que quelque chose se produise. Un dimanche, surprise par sa sœur qui vient de
Paris pour lui rendre visite, Claire Marie prend son courage à deux mains pour
lui raconter sa rencontre avec un inconnu. Comme une pierre lancée dans un lac,
cette rencontre ne l'a pas laissée indifférente. Brisant cette chaîne
d'habitudes qu’était sa vie et lui donnant un goût nouveau qu'elle n'a jamais
eu la chance de connaître. Aussi grave que lui paraissait cette rencontre,
Claire Marie se sentait poussée par quelque chose d'incompréhensible à aller
jusqu'au bout. Une histoire mystérieuse et violente comme notre insatiable
besoin de romanesque.
Dominique Barbéris, née en 1958,
est une romancière française, auteure d'études littéraires et enseignante universitaire.
Elle est l'auteur de neuf romans dont La Ville (1996) et L'année de
l'éducation sentimentale (2018) qui a reçu le prix Jean Freustié.
Ce livre est un récit auquel
beaucoup de nous peuvent s'identifier. Le titre peut tout résumer en un mot. Dimanche.
Et pourquoi parmi tous les jours, un dimanche ? Peut-être parce que le dimanche
c'est le moment libre, loin des devoirs et des occupations, on a le temps de
penser à autre chose, à nos propres vies, nos rêves, nos desseins oubliés. Pour
Claire Marie, rien n'était plus redoutable que ces dimanches. Depuis son
enfance, elles les avaient détestés. Ayant une éducation très traditionnelle,
Claire Marie était rêveuse. « Elle n'a pas les pieds sur terre »
comme la décrivait sa mère. Elle ne cessait de rêver qu'un jour elle s'envolera
de là où elle était, qu'elle mènera une vie pleine d'aventure. Le temps passe
et ces rêves d'enfance tombent dans l'oubli. Pourtant, on dirait qu'elle attend
toujours quelque chose en silence. Avec grand succès, l'auteur nous transmet
l'image de son personnage principal. Elle nous fait comprendre le déchirement
face auquel elle se trouve entre ses rêves et sa vie réelle. Une vie dont elle
a toujours rêvé ou la sécurité de sa vie actuelle.
Le style d'écriture est plutôt
simple, fluide avec assez de description pour les lieux, les personnages et l'atmosphère.
On y trouve aussi des dialogues. Il est sans doute un livre intéressant que je
conseillerais de lire.
Aïsha Hachim
Université de Khartoum
Santiago
AMIGORENA
Le
ghetto intérieur
Édition
P.O.L (191 pages)
Né à Buenos aires en 1962, Santiago Amigorena est un écrivain Argentin qui a vécu en
France. Il a produit une série d’œuvres afin de « combattre le
silence » qui l'étouffe depuis sa naissance et de chasser toute
interrogation sur la vie. L'auteur offre aux lecteurs une méditation sur l'exil
et le poids du silence.
Le Ghetto intérieur
est un roman qui trace la vie de Vincente, le héros, et reflète son état d’âme
ainsi que celui du narrateur. En effet, le lecteur découvre à la fin du récit
que l'écrivain Amigorena part sur les traces de sa propre vie à savoir
l'histoire de son grand-père suivant un long cheminement. Il a donc hérité le
silence imposé à son grand père.
Vincente est un jeune juif polonais arrivé en
Argentine en 1928 abandonnant derrière lui sa famille polonaise sans jamais répondre aux lettres
de sa mère. Et en Argentine, il a fondé une famille et a mené une nouvelle vie
autonome.
À la
suite du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la communication
épistolaire a été quasi achevée entre Vincente et sa mère. Et pourtant, au
moment de l'ampleur de la situation lors de l'arrivée de Hitler, Vincente a
vainement tenté plusieurs fois de convaincre sa mère de le rejoindre à Buenos
aires. Il entend enfin parler du Ghetto de Varsovie imposé aux juifs de
Pologne où sa famille résidait.
Tiraillé entre des sentiments mitigés :
culpabilité, impuissance et confusion, Vincente devient un spectre, et il
s'enfonce dans un silence amer, noir et épais. Celui-ci permet à Vincente de se
remettre en question, et d'examiner son identité jonglant entre la religion et
l’éthique.
«
Vincente était un jeune juif ou un jeune polonais ou un jeune Argentin. En
fait, le 13 sep 1940 Vincente R. Ne savait pas encore ce qu’il était »
P.14
Le protagoniste se perd donc sous l’effet de cette
pensée déroutante sur l’identité ainsi que sur le sort de sa famille en entier.
Il devient tout court un homme frustré, sans âme.
Le narrateur a donc réussi par un style fluide, simple
mais assez profond et émouvant à imprégner le lecteur dans son récit ayant une
clôture dynamique et une note finale qui fait appel à une nouvelle
réflexion : espoir ou suicide ?
Le roman est assez intéressant à décrypter, truffé
d’événements aussi bien historiques tels que la Shoah, le régime nazi, et
l'antisémitisme que sociaux voire même parfois psychologiques ; ce qui nous
plonge dans une véritable aventure à travers le temps.
Lina Ahmed et
Mariam Abdel Messih
Université
d’Alexandrie
Natacha APPANAH,
Le ciel par-dessus le toit.
Gallimard, 2019, (125 pages)
Une faute de jeunesse
Il était une fois un endroit ouvert sur la mer, le ciel
et la terre. Dans cet endroit, chaque chose avait une histoire et chaque chose
contenait une promesse. (p.125)
C’est la clausule de ce roman de 125 pages édité chez
Gallimard et rédigé par Natacha Appanah. L’écrivaine d’origine indienne a connu
tourmentes et désarroi durant sa jeunesse, elle ne savait pas quelle était son
origine ni dans quelle terre elle avait pris racine. Elle commence son récit
par un poème semblable à celui de Paul Verlaine. Le titre lui-même « Le
ciel par-dessus le toit » est significatif. La référence au poème de
Verlaine programme d’emblée le discours narratif.
Le poète a souffert durant toute sa vie de
l’incompréhension de son entourage et s’est retrouvé en prison après une
tentative d’assassinat (tout comme Loup, un des personnages du roman).
Si
je dis le vrai nom des choses […]
La beauté et la tendresse et l’imagination
s’envolent par la fenêtre
[…] Je ne suis qu’un garçon de l’ombre.
Il s’agit d’un jeune homme de 17 ans qui prit
l’initiative de fuguer au bord d’un véhicule afin de retrouver sa sœur et de
renouer avec elle. Ce jeune homme est encore loin d’une conduite sensée et
sereine. Ses idées tumultueuses et embrouillées semblent incohérentes au
lecteur.
Les protagonistes du roman racontent chacun son histoire
selon son propre point de vue et jettent un regard panoramique sur leur vie et
celle des autres membres de la famille.
Eliette, surnommée plus tard Phénix, se rebelle contre
l’avenir tout tracé que ses parents lui destinent en mettant le feu à leur
domicile. Elle s’autocritique d’ailleurs dans le récit. Elle évoque le mur d’incompréhension
qui s’est dressé entre eux :« Ses parents la regardaient désormais,
avec un mélange de pitié et d’incompréhension et plus d’une fois, elle a cru
qu’ils allaient la secouer, lui demander de leur rendre maintenant, tout de
suite, leur petite fille chérie » (p.23)
Le désarroi d’Eliette dû à un événement qui bouleversa sa
jeunesse se manifeste par un cri de détresse, des silences, des élans de
tendresse et d’amour que le lecteur perçoit au fil du texte.
Loup son fils, désemparé lui aussi, Paloma sa fille, le
grand-père maternel, le gynécologue, chacun jouera un rôle primordial dans la
vie de l’autre et orientera sa conduite.
Les souvenirs douloureux teintés d’amertume sombre sont
amortis par des passages descriptifs aux couleurs vives. Loup est emmuré dans
son incapacité d’exprimer haut et clair ses désirs. Il s’acharne à sa manière et
tente de recoller les lambeaux d’une vie familiale brisée. Réussira-t-il à
rapprocher les deux personnes qui comptent le plus pour lui ? Sa mère et
sa sœur pourraient-elles un jour se retrouver ? Dialoguer ? Eliette
connaitra-t-elle enfin le goût du bonheur ? Pourra-t-elle enterrer son
passé ?
La simplicité et la poésie du discours narratif donnent
au lecteur l’impression d’évoluer dans un conte de fée.
Emmy
Fricke
Université
Libanaise
Amélie NOTHOMB
Soif
Edition Albin Michel (152 pages)
Evangile selon Nothomb
Le fait de publier un
roman dont le personnage est Jésus nous paraît déjà un acte courageux ; et
Amélie Nothomb nous semble beaucoup plus courageuse en écrivant un monologue
intérieur de Jésus intitulé Soif publié en 2019 par l’Edition Albin Michel. L’auteur,
élevée dans une famille catholique, trouvait quelque chose d’inadmissible dans
l’histoire de Jésus : le fait que celui-ci avait accepté d’être crucifié. La
seule justification connue par tous les chrétiens, c’est-à-dire, le sentiment
du sacrifice chez Jésus, n’est pas, d’après Nothomb, tout ce que ce dernier
avait ressenti au chemin de la Croix.
Dans ce roman, toute l’histoire
est racontée par Jésus. Nous sommes confrontés avec les pensées mystiques, les
sentiments intérieurs et les angoisses de l’une des grandes figures de
l’Histoire avant son destin atroce : la crucifixion. Nous pouvons trouver
presque toutes les caractéristiques humaines chez ce Jésus décrit comme un être
humain qui n’est pas forcément idéal et légendaire. Le récit se passe autours
de trois notions majeures : Soif, Amour, et Mort ; et cela représente respectivement
trois caractères du personnage, c’est-à-dire, caractère mystique, amoureux, et
vraisemblable. Par exemple, quand le narrateur explique sa propre conception de
la soif en disant que le moment de boire pour l’assoiffé est exactement ce
qu’on appelle l’amour de Dieu et qu’il faut retarder ce moment de boire pour prolonger
cet amour ; nous constatons l’aspect mystique que l’auteur attribue à
Jésus. En plus, nous voyons un Jésus amoureux de Marie-Madelaine et un Jésus
qui éprouve des sentiments de peur vis-à-vis de sa crucifixion. En effet, nous
avons l’impression que Nothomb a essayé de nous décrire sa propre image,
vraisemblable, de Jésus.
Précisément, ce qui est
marquant dans cette œuvre est cet aspect de mélange dans le personnage de
Jésus. Dans ce roman, le personnage-narrateur est une figure sacrée et sublime
sur qui on écrivait durant les siècles mais il est en même temps ordinaire
comme tous les hommes. En plus, ce caractère sacré est caricaturisé, pour ne
pas dire désacralisé, par l’auteur car de temps en temps le narrateur évoque
des remarques sur les Evangiles et sur les figures savantes postérieures comme
Blaise Pascal. Donc derrière cette voix narrative accordée à Jésus, nous
entendons la voix de Nothomb qui écrit son propre Passions du Christ, mais de manière
plus moderne et plus littéraire.
Cet œuvre mérite d’être lu
pas forcément à cause de son intrigue qui concerne Jésus, mais pour découvrir
la complexité d’un personnage sublime qui est le héros de notre temps et que
l’on peut accepter et croire. En outre, l’auteur a réussi de revivre encore une
fois la figure de Christ et son aspect mystique en s’appuyant sur la notion de
Soif qui n’est d’ailleurs pas une notion absente dans la poésie mystique
iranienne, à savoir le célèbre vers de Rumi dans son chef-d’œuvre, Masnavi-I Ma'navi, qui dit « Ne
Cherche pas l’eau, mais deviens assoiffé, pour que l’eau puisse jaillir d’en
haut et d’en bas. » (Vers 3210, Livre troisième, La quête de l’absolu).
En effet, ce roman se rattache thématiquement et grâce à son personnage à
plusieurs autres chefs-d’œuvre de l’histoire littéraire. D’où le caractère
original et universel de cet
Evangile selon Nothomb.
Shaghayegh OROUJI
Université de Téhéran
BARBERIS Dominique
Un dimanche à Ville-d’Avray
Edition Arléa, (125 pages)
Rêve ou réalité ?
La nostalgie de ces moments d’insouciance, ces moments où
les enfants rêvaient d’être des héros d’amour, surtout les dimanches soir,
derrière les rideaux de leurs chambres, des pages de leurs romans et les écrans
de leurs télés, deviennent toute une vie. « Le dimanche, on pense la vie »
(p.37), la vie de Claire-Marie, la sœur de la narratrice du roman, de la romancière
française Dominique Barbéris, Un dimanche à Ville-d’Avray, publié et
édité chez Arléa en septembre 2019.
Cette stylisticienne de l’université de Paris IV tisse
avec finesse les intrigues d’une rencontre à la fois amoureuse et brutale,
avec un inconnu, un Hongrois, qui nous accorde l’occasion de dépouiller la
trame de la double vie menée par Claire-Marie. Cette dernière qui se confesse à
sa sœur, la narratrice, dont l’identité est voilée tout au long du roman, qui
lui rend visite « l’autre dimanche » à Ville-d’Avray. « Il y a
toujours du jeu dans l’espace et le temps » (p.45), comme affirmait la
narratrice. Un jeu qui nous permet de découvrir que l’espace est toujours la
« Ville-d’Avray » et le temps est fixe « les dimanches ».
Ce qui donne la chance au lecteur de deviner la source d’inspiration de Barbéris.
Évidemment, c’est le fameux film français, sorti en 1962, Les Dimanches à
Ville-d’Avray de Serge Bourguignon.
Toutes
les deux tenaient dans leurs cœurs les souvenirs d’enfance, le rêve d’un amour
fou. Cependant, ce n’est qu’à Claire-Marie que se donne l’opportunité de
réaliser ce rêve ! En effet, cette femme semble vivre une vie
« ennuyeuse » (p.9), comme la qualifiait Luc, le mari de la
narratrice, tout en passant son temps à aider son mari médecin en tant que
secrétaire : « elle traite par téléphone un symptôme banal, ou
oriente des patients inquiets vers l’hôpital, mais ce n’est pas ce qu’on
appelle « travailler » » (p.9). Cette vie ennuyeuse est
illustrée également à travers la plume de l’écrivain qui, par les descriptions
minutieuses de la Ville-d’Avray, nous laisse dégager le climat humide et
pluvieux et l’ambiance morbide qui régnait sur cette Ville. Même les roses,
« elles semblaient s’épuiser » (p.11). Le rêve et le besoin du
romanesque se concrétisent dans la rencontre avec Marc Hermann, une rencontre
qui va rompre l’ennui de la vie de Claire-Marie, tout en nous rappelant
l’héroïne de Margueritte Duras, Anne Desbaresdes. Tout comme cette dernière,
Claire-Marie « c’est à cause de lui qu’elle mit Mélanie au piano »
(p.86). Lui, un Allemand, un homme qui semble maitriser l’art de feindre, tout
en réclamant que son entreprise d’import-export est à Versailles : « il
n’y avait pas d’Hermann à Saint-Cloud […] ce n’était pas une entreprise et
l’adresse ne correspondait pas à celle de la carte » (p.108). Cet espace
d’incertitude n’est pas seulement le résultat auquel Claire-Marie est arrivée.
Effectivement, la rencontre des deux sœurs a eu lieu un dimanche des dimanches
de Ville-d’Avray qui sont des dimanches tristes et fatigants, un des dimanches
d’incertitude, de vide et de mélancolie : « le dimanche, tu ne
trouves pas, certaines choses vous reviennent davantage ». Par conséquent,
le sentiment d’hésitation domine la pensée de la narratrice, qui croit que sa
sœur est en train de mentir : « comme si elle ne disait pas la
vérité ». Il serait intéressant de
mentionner que l’écrivaine, par le bais de son style éloquent, met en mots
cette trame narrative en ayant recours aux prolepses, aux souvenirs d’enfance
de ces deux sœurs, qui semblent toutes les deux attachées au rêve, cherchent à
le réaliser et à le vivre, à être satisfaites de leurs vies : « si je
ne rêvais pas d’autre chose, si ma vie me satisfait » (p.29). Cette
satisfaction n’est que la recherche d’un amour fou, d’un Rochester. Cette
satisfaction n’est qu’une tentative de clonage de la personnalité de Jane Eyre qui,
a un moment donné, laisse le lecteur confus devant l’identité de la
narratrice : « Jane, j’ai peur de me mettre à saigner » (p.30). Barbéris
transpose la pensée de ces deux personnages, avec un style direct, par le biais
du dialogue, qui rend son texte vif et qui rend le lecteur proche de
l’histoire. Par les descriptions minutieuses de la nature, des maisons et des
personnages de Ville-d’Avray, elle détermine le cadre spatial de l’histoire.
Alors que pour la temporalité, la stylisticienne se contente de la
représentation des facettes des dimanches de cette ville.
Dans ce roman, et
par le biais de son style exubérant et expressif, l'écrivaine n’incarne-t-elle
pas la personnalité de la narratrice ? Se croire vivre librement, avec son
mari, qui devrait être son Rochester, son héros du rêve enfantin, serait-il
l’argument qui explique les sentiments d’hésitation de cette narratrice entre
rêve et réalité face à l’histoire de sa sœur ?
Andrea Mounzer
Université
Libanaise – section 2
BARBÉRIS Dominique
Un dimanche à Ville-d’Avray
Éditions Arléa, 125 pages
Balançoire de la vie
Les êtres humains sont attachés à
leurs parents, leurs amoureux, leurs maris ou femmes, leurs enfants, ou par des
événements soit heureux, soit tristes ou par des jours, des dates qui font
notre mémoire et notre identité. Grâce à cela, nous sommes vivants. Imaginez un
homme amnésique, qui est sans mémoire, sans passé, sans souvenir de son
enfance, adolescent, sans famille, sans identité. Cet homme devient fou petit à
petit et dans quelques années il ne va pas accepter d'être vivant. Au
commencement du récit apparait un flash-back de l'enfance de deux sœurs. Une
est la narratrice et l'autre s'appelle Claire Marie. Elles étaient mignonnes,
elles aidaient leur maman aux tâches ménagères qui remplissaient sa vie. Elles
aiment la poésie et regardent la télé. Elles sont hantées par M. Rochester et
Jane Eyre, leur amour qui défend les obstacles et la discrimination de la
classe. Claire Marie et sa sœur ont rêvé
d'un homme qui ressemble à Rochester et d’un amour éternel. Elles jouent le rôle
de Rochester et Jane Eyre. Elles ont rêvé d'une vie excitante qui est remplie
de surprises. Tous les dimanches, leur mère fait une querelle avec son mari, le
père est resté froid, il lit le journal et ne dit mot. Les deux sœurs les
regardent et restent angoissées, la mère les surveille de loin quand elles font
leurs devoirs. Donc, les deux sœurs n'aiment pas les dimanches du tout : elles
voudraient une vie qui est le contraire de la vie de leurs parents.
Ensuite,
la narratrice raconte leur vie, elles ont épousé de bons hommes, ils ont des
maisons, de l'argent, mais ils manquent d'une chose essentielle. Elle relate
que sa sœur, Claire Marie est la femme de Christian. Elle habite à
Ville-d'Avray, mène une vie monotone, elle s'occupe de la maison, de sa fille
Mélanie (qui joue du piano) et de son mari qui travaille comme docteur dans son
cabinet. La femme du docteur travaille quelquefois comme secrétaire au cabinet.
Sa sœur lui rend visite rarement le dimanche parce qu'elle habite à Paris qui
est loin de Ville-d'Avray. Mais il y a une raison cachée, ce sont les terribles
souvenirs que les dimanches leur ont apporté. Aussi, son mari Luc n'aime pas
aller à Ville-d'Avray qui est ennuyeuse et très tranquille.
Enfin, Claire Marie a raconté une
rencontre qu’elle a faite il y a quelques années. Comme d'habitude, elle
travaillait au cabinet, un de patient a parlé avec elle de fixer le rendez-vous
avec le docteur Christian. Il l'a regardée et a posé une question :
« vous êtes la secrétaire ? » Elle lui a répondu : « Non,
je suis la femme du médecin. » Puis, il est parti et elle a vu son prénom,
Hermann. Le lendemain, elle est allée se promener et a croisé le patient. Il
lui a dit : « quel hasard ! » (Mais est-ce que le hasard existe
ou on l'a créé ?) Il lui a proposé de l'amener chez elle et de l'inviter au
café, elle a accepté. Ils ont parlé de choses générales, il a dit qu'il est
marié et il était immigré de son pays à cause du communiste à Budapest. Quelques
heures plus tard, il l'a amenée chez elle et lui a donné sa carte et lui a dit qu’elle
pouvait lui téléphoner si elle voulait quelqu'un avec qui partager une conversation.
Sur la carte, il est écrit : Hermann, directeur d'une société d'export
import. Des jours ont passé et les
sensations de manque, de peine, de vide et de solitude les rattrapent. Elle a
regardé sa carte et lui a téléphoné, elle lui a dit qu’elle avait vu sa carte
par hasard. Il lui a dit le hasard existe mais on a le choix de l'accepter ou de
refuser. Est-ce qu'il va la rencontrer encore ? Et quel type d’homme est
cet homme-là ? Bien sûr, il n'est pas un homme normal, il sait beaucoup de
chose sur elle. On le saura en fin de récit.
Le roman
est écrit par Dominique Barbéris, romancière française, auteur d'études
littéraires et enseignante à l'université, née en 1958 au Cameroun dans une famille
d'origine nantaise, d'un père diplomate. Dominique Barbéris fait ses études à
l'école Normale Supérieure de Sèvres et à l'université de la Sorbonne, après
une enfance à Nantes puis à Bruxelles. Elle est passionnée de littérature, elle
publie son premier roman en 1996. Sa production romanesque se caractérise par
une peinture des atmosphères de province ou de l'enfance. Elle a obtenu le prix
Jean Freustié / Fondation de France pour le roman L’année de l’éducation
sentimentale (2018).
C'est une
belle lecture de seulement 125 pages, un petit roman empli de mystère mais très
réaliste. Aussi, l'écriture est délicate, empreinte de douceur. J'ai eu la sensation
de tourner les pages d'un album photos à la couleur sépia… Qui n'a pas senti
cette ambiance si particulière quelque peu triste du dimanche soir ? Ce qui
m'étonne c'est que Claire Marie n'a rien su sur Hermann. Un homme étrange,
mystérieux, louche et inquiétant. Tout juste a-t-elle appris qu'il est
d'origine hongroise. Mais pourquoi donc s'est-elle alors engagé dans une telle
histoire ? Pour tromper son ennui ? Casser le rythme d'une vie bien
ordonnée ? Retrouver ses rêves de jeune fille où elle s'inventait des histoires
de cœur avec Thierry la Fronde et Rochester ?
Ce livre
va avoir un merveilleux avenir. Si vous cherchez la plaisanterie d'une histoire
inattendue, allez lire ce livre. Croyiez-vous au hasard ? Vous n'êtes pas
sûr de votre réponse ? Dans ce cas-là, lisez ce livre. Votre vie est monotone
et vous êtes actif et quelqu'un qui a un imaginaire frais, vous devez le
lire !
Nidal Mohammed
Université de Khartoum
BARBÉRIS Dominique
Un dimanche à Ville-d’Avray
Éditions Arléa, 125 pages.
Un rêve oublié
Résidant d'un quartier tranquille et beau à quelques
kilomètres de Paris, Claire Marie mène une vie monotone, avec très peu de distraction.
Femme au foyer, elle a comme seule occupation l'éducation sa fille et aider son
mari dans son cabinet médical si besoin. En surface, cette vie ne semble point
la déranger. Mais tout au fond d'elle, elle attend que quelque chose se produise.
Un dimanche, surprise par sa sœur qui vient de Paris pour lui rendre visite,
Claire Marie prend son courage à deux mains pour lui raconter sa rencontre avec
un inconnu. Comme une pierre lancée dans un lac, cette rencontre ne l'a pas
laissée indifférente. Brisant cette chaîne d'habitudes qu’était sa vie et lui
donnant un goût nouveau qu'elle n'a jamais eu la chance de connaître. Aussi
grave que lui paraissait cette rencontre, Claire Marie se sentait poussée par
quelque chose d'incompréhensible à aller jusqu'au bout. Une histoire
mystérieuse et violente comme notre insatiable besoin de romanesque.
Dominique Barbéris, née en 1958, est une romancière
française, auteure d'études littéraires et enseignante universitaire. Elle est
l'auteur de neuf romans dont La Ville (1996) et L'année de
l'éducation sentimentale (2018) qui a reçu le prix Jean Freustié.
Ce livre est un récit auquel beaucoup de nous peuvent
s'identifier. Le titre peut tout résumer en un mot. Dimanche. Et pourquoi parmi
tous les jours, un dimanche ? Peut-être parce que le dimanche c'est le moment
libre, loin des devoirs et des occupations, on a le temps de penser à autre
chose, à nos propres vies, nos rêves, nos desseins oubliés. Pour Claire Marie,
rien n'était plus redoutable que ces dimanches. Depuis son enfance, elles les
avaient détestés. Ayant une éducation très traditionnelle, Claire Marie était
rêveuse. « Elle n'a pas les pieds sur terre » comme la décrivait sa
mère. Elle ne cessait de rêver qu'un jour elle s'envolera de là où elle était,
qu'elle mènera une vie pleine d'aventure. Le temps passe et ces rêves d'enfance
tombent dans l'oubli. Pourtant, on dirait qu'elle attend toujours quelque chose
en silence. Avec grand succès, l'auteur nous transmet l'image de son personnage
principal. Elle nous fait comprendre le déchirement face auquel elle se trouve
entre ses rêves et sa vie réelle. Une vie dont elle a toujours rêvé ou la
sécurité de sa vie actuelle.
Le style d'écriture est plutôt simple, fluide avec assez
de description pour les lieux, les personnages et l'atmosphère. On y trouve
aussi des dialogues. Il est sans doute un livre intéressant que je
conseillerais de lire.
Aïsha
Hachim
Université
de Khartoum
DUBOIS Jean-Paul
Tous les hommes n’habitent pas le
monde de la même façon
Éditions de l’olivier, (246 pages)
Une métamorphose digressive
Détenteur du prix Femina
2004, auteur confirmé du XXIème siècle, Jean-Paul Dubois relate dans
son nouveau roman intitulé Tous les hommes n’habitent pas le monde de la
même façon l’histoire de Paul Hansen, un occulte personnage d’une prison à
Montréal. Étant journaliste et sociologue, Dubois est bien placé pour nous
révéler la vie derrière les barreaux et surtout l’effet des corruptions dans le
système juridique en nous plongeant dans un monde à effets de réel poignants. D’ailleurs,
on pourrait se demander pourquoi, dans tous ses romans, le héros est-il
toujours un Paul ? Ne serait-il pas possible que l’auteur éprouve le
besoin de crier les maux de son monde à travers une forme d’autobiographie
éclatée dans plusieurs œuvres ?
C’est un roman au rythme
très lent et qui s’ouvre sur la description d’une cellule de prison et évolue
en opérant des flashbacks, créant chez les lecteurs d’infinis horizons
d’attente. Avec un registre familier et un style débridé, le roman demeure
proche de ses lecteurs. En effet, l’œuvre est audacieuse : l’ironie et le
ton sarcastique sont adoptés par l’auteur afin d’évoquer la corruption des
juges. Plongeant un peu dans les détails de l’œuvre, on comprend que Paul
décide de voyager chez son père au Canada et c’est là-bas qu’il redécouvre la seule
phrase qu’il retient : « Tous les hommes n’habitent pas le monde de
la même façon ». Son père disait cette phrase pour expliquer les erreurs
de chacun. Et puisque Dubois relate la vie d’un prisonnier, fautif, il est
pertinent que son œuvre porte cette phrase comme titre. La femme de Paul, elle,
est une pilote d’avion. Contraste saisissant dans le jeune couple :
Monsieur est prisonnier et Madame libre dans le ciel. Cet espace
interminablement ouvert ou inexorablement fermé permet de mettre dans un même
roman la mondialisation des problèmes et la crise familiale.
Patrick, l’ami de Paul
dans ce monde clos, apporte au roman son caractère spontané, sans aucun
embellissement des réalités. Patrick a, dans ses affaires en prison, des revues
de pornographie, des objets interdits. C’est l’occasion pour Dubois de remettre
en question la nonchalance des geôliers ou l’échec de la diligence en prison.
Patrick, unique « divertissement » de Paul en prison, fait une crise à
chaque fois que son ami lui coupe les cheveux : l’allégorie du temps qui
passe y est montrée de façon bouleversante ! En effet, le temps est à la
fois lent et inexorable.
La réussite de ce roman
est donc due à la parfaite liaison entre le passé et le présent de Paul révélant
implicitement une métamorphose vers le mal. Dubois se permet de pénétrer dans la
prison et de relater les journées de leurs occupants comme un observateur très
attentif. L’écrivain y trouve l’occasion d’accuser directement la justice de
son terrible échec dû à sa corruption. C’est un roman indiscutablement sociétal
et fidèle à la réalité.
Chacun de nous pourrait
un jour être à la place de Paul …. Parce que tous les hommes n’habitent pas le
monde de la même façon…
Vanessa Joumaa
Université Libanaise, Fanar, section
2
NOTHOMB Amélie
Soif
Edition Albin Michel (162 pages)
Un « jeu » christique
« La Bible est une fontaine remarquable : plus on en tire et
boit, plus elle stimule la soif. » Martin Luther
Amélie Nothomb n’échappe pas à cette
maxime. Pour son dernier roman, elle se penche sur l’œuvre littéraire majeure
qui a bouleversé l’histoire de l’humanité : la Bible.
Avec le « je » christique
de la romancière, la critique s’acharne : « pour qui se
prend-elle ? Comment ose-t-elle imagier le monologue intérieur du Christ
dans ses dernières heures de passion ? ». Nothomb choque, trouble,
heurte la sensibilité des uns et attise la curiosité des autres. Elle divague…
Judas, traitre, meilleure ami de Jésus ? La si belle Marie Madeleine son
amante ? Joseph et Marie ne sont que papa et maman ? Mais un roman
n’est pas parole d’Évangile.
Pour Nothomb, le Christ, c’est Dieu
incarné. Ce roman nous invite à une réflexion, même plus, une méditation sur le
mystère de l’incarnation. Cette question du corps et de la chair, Amélie
Nothomb la brasse à sa manière et à travers la voix de Jésus Christ. Ce
Christ-là est humain, heureux d’avoir été incarné, sûr de son sort mais râlant
un peu tout de même de devoir en finir avec la chair. Pour cela, le Jésus
d’Amélie Nothomb jouit de chaque instant même les plus insignifiants.
S’allonger pour dormir, manger un simple morceau de pain, boire une petite
gorgée d’eau, lui « arracherait des soupirs de voluptés ».
Jésus aime vivre et on ne peut vivre
qu’à travers le corps. Jésus aime et grâce à son corps, véhicule de l’âme, il
tisse des liens inoubliables. De sa relation avec Judas qui devient le symbole
de l’amitié inconditionnelle ; de son amour pur pour Marie Madeleine; en
passent par son attachement à ses parents, une vision si enfantine de
« maman » et « papa »; jésus aime.
Dans cet évangile d’Amélie, la soif
apparaît comme un contre-pied à la souffrance. Jésus, sur sa croix, pieds et mains
cloués, prononce ces paroles canoniques «J’ai soif». C’est parce que durant sa
nuit de veille, il refuse de boire l’eau de la jarre qu’on avait laissée dans
sa geôle. Il sait, il dit, que Dieu est tout entier dans la première gorgée
d’eau que l’on avale lorsqu’on a soif. Qu’il est même préférable de cultiver sa
soif, d’en différer l’«étanchement», afin d’éprouver un plaisir véritable et
divin. Il faut, en quelque sorte, se pousser vers l’extrême pour atteindre
l’apogée de la jouissance, que ce soit au niveau physique ou métaphysique.
Voilà un roman qui ose le «je»
christique probable, possible, plausible et polémique. Mais il ne faut pas
perdre de vue que Soif est un roman qui célèbre la vie vivante, vibrante
et qui magnifie la mécanique intriquée du corps et de l’esprit. Ce texte
littéraire se repose sur des fondements culturels et civilisationnels pour
aborder la dynamique fondamentale de l’être humain : le rapport de la
chair et de l’âme.
Vana Berberian
Université Libanaise, Fanar,
section 2
NOTHOMB Amélie
Soif
Edition Albin Michel (152 pages)
Amélie Nothomb, ressuscitée
« Pour éprouver la soif, il faut être vivant. J’ai vécu si
fort que je suis mort assoiffé. » La romancière belge, Amélie Nothomb
vient de publier son nouveau roman Soif. Nous sommes dans la
reconstruction de l’Évangile. Elle y donne la parole au « Je »
christique. C’est un monologue intérieur de Jésus sur sa vie et sa mort à venir
qui commence dès son procès et se termine dans une période indéterminée après
la résurrection. Il est enfermé dans une geôle en attendant l’heure de son
supplice.
Comme tous les lecteurs d’Amélie Nothomb, avec une grande
curiosité, j’ai voulu découvrir son nouveau-né. J’ai été surprise par le sujet
qu’elle a abordé avec beaucoup d’audace. De ce fait, je me suis intéressée à sa
vie personnelle, ou plus particulièrement à la place de Jésus dans sa vie.
Enfant d’une famille catholique, elle était inscrite au catéchisme. Dès son
enfance, elle est horrifiée par la crucifixion, qui, pour elle est un acte
dégoûtant. Elle se pose alors des questions auxquelles elle répond dans son
roman. Pour ce faire, elle s’est mise dans la peau de Jésus afin de comprendre
ce qui s’est passé dans sa tête pour qu’il accepte la pire mise à mort
possible.
Soif, ce titre
minime, dispose d’une symbolique attrayante. « Retardez le moment de
boire » nous demande le Christ d’Amélie Nothomb. Il nous réclame de tenter
cet expérience qui consiste à retarder le moment de boire quand nous avons
soif, pour rencontrer Dieu qui est tout entier présent dans la première gorgée
d’eau. Le sentiment extraordinaire qui succède à cette goutte d’eau,
c’est l’élan mystique. CREVEZ DE SOIF.
Graphomane de l’écriture, Nothomb se dote d’un
style qui lui est propre. Classés parmi les romans populaires, les romans de
cette écrivaine originale sont accessibles aux bibliophiles qui peuvent bénéficier de ses sujets séduisants.
Par ailleurs, La plupart des lecteurs de Nothomb, remarquent que ses romans se
ressemblent au niveau des thèmes qu’elle aborde. Comme dans la plupart de ses
écrits, les thématiques étudiées dans Soif sont l’amour, le bien,
le mal, la beauté, la laideur, le mensonge, la vérité et surtout la soif et la
mort. Mais dans ce dernier ouvrage, Nothomb crée une nouvelle trinité : l’amour,
la soif et la mort.
Dans son livre, Jésus éprouve les sentiments les plus humains comme
la faim, la soif, l’amour et la haine. Comment Jésus peut-il haïr ? En
fait, Jésus d’Amélie Nothomb se hait lui-même parce qu’il a accepté de
souffrir. Ceci a créé un grand questionnement chez l’écrivaine :
« comment la crucifixion, cet acte de mépris est-il censé racheter les
péchés de l’humanité ? » Jésus est, de plus, amoureux de Marie
Madeleine et décrit ses sentiments avec une grande sensualité. D’ailleurs, il
s’agirait d’une « vengeance » des quatre évangélistes. Nothomb ne
croit pas à tout ce qui est écrit dans les évangiles, donc, elle décide de
mettre aux points les choses qui, à son avis ne tiennent pas debout. Ainsi,
elle les a réécrites à sa façon.
Dans la mesure où chacun a son goût de lecture, certains se
satisferont de ce roman, tandis que d’autres se défieront pour le découvrir.
Cependant, dans les deux cas, cette création originale, proposée dans un style
compréhensible engageant à lire, ne peut laisser indifférent.
Youmna Nseir
Université Saint-Joseph de Beyrouth
COATALEM Jean-Luc,
La Part du Fils,
Edition Stock (262 pages)
La Part du Fils,
Edition Stock (262 pages)
Un deuil plein de vie
Né à Paris en 1959, Jean-Luc Coatalem est un
écrivain et journaliste français d’origine bretonne. Son dernier livre, La
Part du Fils, révèle une histoire familiale tragique mais en même temps
extrêmement émouvante et influente. Il s’agit d’un récit intimement lié à
l’auteur où il nous raconte la disparition de son grand-père Paol, décédé en
exil après son appréhension par la Gestapo dans son village du Finistère en
septembre 1943 après une accusation incognito. À cet incident familial,
Coatalem nous amène à une enquête comblée de tâtonnements et de découvertes
bouleversants où se manifeste une profonde fonte entre l’affliction et l’espérance,
entre la nostalgie et les souvenirs…
Tout au long de ce roman, le texte est
doctement harmonisé, détaillé, et encombré de traits subliminaux désirant
portraiturer un grand-père résistant et increvable. Éventuellement, la
contemplation de ce texte éclatant dont nous voudrions mémoriser chaque phrase,
nous rend conscients à propos de l’axe de cette histoire : les sentiments
intimes et pudiquement silencieux qui existent entre le narrateur Coatalem et
Pierre, son père orphelin, en les comparant avec ceux qui naissaient entre cet
homme et son père, perdu dans la guerre et plus tard, introuvable.
Avec sa plume, l’auteur essaie d’adoucir la
peine et la détresse, non seulement de cette perte qu’il ressent toujours
envers son grand-père inconnu, et ainsi la nonchalance de sa grand-mère, mais
également la douleur de sa souffrance vis-à-vis de l’impassibilité de sa
famille en ce qui concerne la disparition de son ancêtre. L’écrivain voulait
connaître les moindres détails, les causes, les conséquences, et surtout la
vérité de son aïeul. Itinéraire assez long et singulièrement énigmatique
surtout que le passager n’était absolument pas sûr à quelle fin il se trouvera.
Indispensable trajectoire. Coatalem fait
naître de nouveau une lueur d’espoir de l’intérieur de toute cette mélancolie
et de ce pessimisme. Bien qu’il soit extrêmement possible que des résistants,
des combattants, et des guerriers soient restés inconnus, isolés, anonymes et
morts sans que personne ne se soucient de leur rendre hommage après la guerre,
notre écrivain a suivi une différente voie, assurément incertaine et
alambiquée, pour atteindre son objectif : vivifier Paol, son grand-père
égaré.
Aucune nouvelle de Paol. Disparition. 70 ans
de silence. Silence de mort. Deuil inachevé…
Une disparition qui a fait un trou dans
l’histoire familiale de notre écrivain et autour duquel le silence s’installe.
Un silence qui a incité, voire poussé ce romancier à se lancer à une quête
minutieuse et intime et à décider de partir sur les traces de son grand-père dans
le dédale de la deuxième guerre mondiale. « Inconnu » est le mot qui
l’a bouleversé le plus lorsqu’il est tombé sur la fiche d’arrestation de Paol,
d’ailleurs mal classée, en feuilletant les dossiers des archives, espérant de
faire de cet aïeul une mémoire qui ne doit jamais s'effacer mais être marquée.
Ce récit relate la pérégrination d'un
petit-fils pour redonner voix à son grand-père qu'il n'a jamais connu. Face à
cette tragédie son père s'est enfermé dans le silence du souvenir, présumant
que c’est inutile de remuer le passé, et son oncle, Ronan a choisi une
existence d'aventures en faisant partie du contre-espionnage.
Au sein de cette guerre où régnaient la
vengeance et la jalousie, l’écrivain découvre que Paol en était une victime,
qu’il fut emmené sur la base d’une lettre anonyme de dénonciation, pourtant il
n'était pas le seul, des milliers d'autres ont subi le même sort.
La beauté infinie de l’écriture de Coatalem,
sa langue qui enchante, son style efficace en remontant le fil du temps pour
imaginer les derniers instants de la vie de son grand-père l’ont servi de
calmant pour lénifier cette douleur.
Au terme de notre réflexion, Jean-Luc Coatalem
a jeté la lumière sur la part des fils pour retrouver le « fil » qui
manque pour que la famille puisse se
remettre de son chagrin et pour donner au grand père sa véritable place. Il
s’agit d’ores et déjà de raccommoder, de renouer et de tisser une toile qui
fait de ce roman une histoire à la fois simple et morcelée.
Youstina Nagui et Youssef Adel
Université Ain-Shams, Egypte.
Université Ain-Shams, Egypte.
NOTHOMB Amélie
Soif,
Editions Albin Michel, (162 pages)
Editions Albin Michel, (162 pages)
« Je vous ai aimés, a dit
l’Eternel » (Malachie 1 : 2)
La
passion du Christ au cours des dernières heures…Quels étaient ses sentiments,
ses craintes, ses conflits internes dissimulés mais l’obsédant sans
cesse ? Jésus Christ, Dieu incarné sur terre, a pris la parole tout au
long de l’histoire. Exprimant méticuleusement chaque passion, non seulement
physique, mais aussi psychologique. La veille de la crucifixion, Jésus Christ
était sûr et certain qu’il allait mourir. Or, venu spécialement pour cette
mission sur terre, il ne s’opposait pas à ce destin, mais il était pris par la
peur qui le hantait. A chaque fois qu’on endurait la peine, la peur et
l’angoisse s’affirmaient considérablement. C’est ainsi qu’il tentait en vain
d’échapper à ces sensations en revenant sur le passé : ses disciples, ses
souvenirs d’enfance, son premier miracle, sa bien-aimée Madeleine, ses
préceptes…
Des conflits ont
pris ainsi place. A quoi valait se sacrifier pour le salut de tout le monde
puisqu’on ne s’aimait pas soi-même ? Comment procurer à une personne un
bien qu’on ne possédait pas ? La mort pouvait-elle être une source d’amour
inépuisable ? Maintes questions accablaient l’auteure et la poussaient à
reconsidérer tout le processus de Jésus pour sauver l’homme. L’œuvre s’est
achevée conformément aux textes bibliques : la résurrection de Jésus
Christ trois jours après sa mort.
De toutes les méthodes de communication, Nothomb
a opté pour celle la plus directe et la plus attrayante : la première
personne du singulier je. Si c’étaient les douleurs et les émotions de
Jésus Christ, pourquoi ne pas lui accorder la parole en tant que narrateur
établissant un contact direct avec chaque lecteur ? Jésus nous dévoilait
ainsi les sentiments cachés, les secrets, les souhaits et partageait avec nous
les souvenirs écoulés comme si nous étions présents avec lui en chair et en os.
Ensuite, Amélie a excellé à présenter les
sentiments intimes de Jésus surtout la notion de l’amour. Dieu est amour,
telle était la mission de Jésus. Cet amour est affiché envers ses disciples, sa
mère, son amante Madeleine et tout le peuple. Cet amour est offert aussi pour
ceux qui ne l’aiment pas notamment Judas. Judas, une personnalité assez
compliquée, pas habituée à l’amour, l’encouragement et à la sérénité, il doutait
de l’amour inconditionnel de son maître.
Ajoutons que le
côté humain de Jésus Christ que la plupart du monde ignore mérite notre attention.
Jésus, le sauveur de toute âme perdue, éprouvait des sentiments humains
semblables à ceux de chaque homme. Il avait faim, soif, peur…Il a été trahi par
Judas, nié par Pierre, abandonné par le reste des disciples. Toutes ces
situations, subies par Jésus, le rendaient totalement conscient de nos maux et
nos souffrances comme l’avait mentionné Saint-Paul dans sa lettre aux Hébreux
« et parce qu’il a souffert jusqu’au bout de l’épreuve de sa Passion,
il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve »
(2 : 18)
Cependant,
cette explication du côté humain de Jésus a sombré dans l’excès. Il faut
admettre avant tout que Jésus est Dieu ayant pris un corps humain pour pouvoir
accomplir sa mission jusqu’au bout. Son corps avait ainsi des besoins
élémentaires à satisfaire tels que le manger, le logement, le repos…Même la
peur qu’il a éprouvée était liée à son corps et aux souffrances que son corps
doit supporter. Mais malgré cette souffrance et cette peur, il était satisfait
et content parce qu’il sauvera chaque pécheur et chaque âme perdue. Son amour
inconditionnel pour chaque individu l’exhortait à finir correctement cette
tâche. On a souvent tendance à glorifier la tragédie de Shakespeare « Roméo
et Juliette » en raison de la notion du sacrifice et l’amour ardent.
Il en est de même pour Jésus Christ. Jésus, sans péché, a voulu, par son amour
et sa pitié envers l’humanité, lui assurer la vie éternelle.
De même, si on
se rend compte que Jésus est Dieu, on saura immédiatement que la vraie relation
d’amour était entre Dieu et l’humanité qu’il a conçue et dont Marie de Magdala
faisait partie. En comprenant cette réalité, on déduira ainsi que Madeleine
était une de la population aimée et adorée par Jésus et non pas son amante.
Cette notion qui est récurrente dans plusieurs romans tels que « Da
Vinci Code » de Dan Brown et « La Dernière Tentation Du
Christ » de Nikos Kazanakis s’avère erronée.
En somme, cette
œuvre, nouvelle en son genre, suscite plusieurs controverses, étant donné que
le lecteur n’arrive ni à l’approuver ni à la réfuter. Il convient donc de se
doter d’un esprit logique et raisonné apte à trier les vérités des erreurs.
Julie Joseph,
Université Ain-Shams, Egypte.
Université Ain-Shams, Egypte.
AMIGORENA Santiago
Le Ghetto intérieur
P.O.L éditeur, (192 pages)
La culpabilité : Un Ghetto intérieur
Vicente est un homme polonais, juif et
argentin. Il est né en Pologne où il a combattu auprès de son armée. Puis, il l’a quitté en
1928 pour aller vivre en Argentine, s’échappant ainsi de sa famille, sa mère Gustawa et son frère Berl et choisissant
l’indépendance. À Buenos Aires, le commerçant de meubles a passé une vie aisée
pleine d’ambitions et de joie avec sa femme Rosita, ses petites filles Ercilia
et Martha et son bébé Juanjo. Mais tout a changé lorsque les Allemands nazis
ont décidé d’anéantir les juifs. On a construit un mur à Varsovie derrière lequel
on a entassé tous les juifs. Les moindres conditions de vie n’existaient pas au ghetto de Varsovie:
il n’existe que faim, épidémies, meurtres, sanglots et malheur.
On sait bien ce qui s’est passé avec les juifs
au ghetto de Varsovie, on sait qu’ils ont souffert, on sait qu’ils sont morts
dans des chambres de gaz, toutes ces informations sont mentionnées dans les
livres d’histoire, dans les registres concernant la guerre mondiale mais on ne
sait rien du ghetto où Vicente s’était puni : le ghetto intérieur.
Comment vivre avec le sentiment de culpabilité?
Combien de fois sa mère lui a envoyé des lettres avant la guerre ? C’était
souvent en vain : il ne répondait pas. Même quand il a répondu, il s’est
contenté de demander à sa maman de venir en
Argentine pour vivre avec lui, sans même essayer de convaincre son frère.
Vicente alors s’est puni en se taisant. Il n’a partagé son inquiétude avec
personne, ni avec ses amis Ariel et Sammy, ni avec Rosita. Tout le monde a souffert de son silence, tout le monde a été puni.
Santiago Amigorena n’a pas abordé des
événements détaillés sur la guerre mondiale ou les massacres infligées aux
juifs mais il a seulement mentionné les événements qui servent
à comprendre à quel point Vicente a tellement souffert. Le message de Santiago est plus profond, il s’adresse
directement aux sentiments du lecteur. Dans ce roman, nous vivons chaque moment
et chaque sentiment avec Vicente : le silence, la culpabilité, les larmes
cachées ainsi que les tentations pour s’adapter aux souffrances et retourner à
sa vie naturelle. Vicente n’osait pas manger pendant que sa mère avait faim, il
n’a pas pu passer de bons moments avec sa femme et ses enfants pendant qu’il ne
savait rien du sort de sa famille.
Par ailleurs, l’écrivain traite une autre
question importante, à savoir l’identité. À mon humble avis, c’est la partie la
plus intéressante et la plus touchante dans le roman : « L’une
des choses les plus terribles de l’antisémitisme est de ne pas permettre à
certains hommes et à certaines femmes de cesser de se penser comme juifs, c’est
de les confiner dans cette identité au-delà de leur volonté » (p.70).
Vicente n’était pas juif de croyance : il était juif parce qu’il est né
dans une famille juive. Or, à cause de l’antisémitisme, il a éprouvé un certain
attachement envers son ethnie juive et sa patrie, la Pologne.
En fait, il ne s’agit pas là d’une simple idée
philosophique traitée dans un roman mais plutôt une expérience personnelle que
l’écrivain lui même a testée. À la fin de son roman, le voilà Santiago Amigorena
le réalisateur, le scénariste, le producteur et l’écrivain argentin vivant en France,
s’identifier au protagoniste, Vicente : il annonce que c’est l’histoire de
son grand père et que la femme juive vivante au ghetto de Varsovie était sa
grand-mère.
Bref, n’hésitez pas à vivre chaque moment avec
Vicente, à vous interroger sur son identité, à comprendre comment la guerre
peut changer la vie d’une personne de fond en comble... Il serait bien
regrettable de manquer un tel
plaisir de lecture !
Iriny Georges
Samir
Université Ain-Shams, Egypte
BARBERIS Dominique
Un dimanche à
Ville-d’Avray,
Edition Arléa,
(124 pages)
Les
affres d’un dimanche pluvieux
« Le dimanche, tu ne trouves
pas, certaines choses nous reviennent davantage. […] Le dimanche, on pense à la
vie. » (p.37)
Comme le passage léger d’une plume dans
le souffle d’un vent. Une pause. Un temps arrêté, calme et pluvieux. L’écriture de Dominique Barbéris nous
transporte au cœur d’une réflexion sur le rêve. Et comme les feuilles d’automne
qui se posent sur le bitume mouillé reluisant des reflets jaunes des
lampadaires, la plume de Barbéris sous nos yeux, à chaque page tournée, nous
crible de réflexions existentielles, métaphysiques à partir de nos vies
ordinaires. Souvent comparée à Georges
Simenon et Patrick Modiano, Dominique
Barbéris écrit des histoires sur l’infra-ordinaire
(concept défini par Georges Pérec), qui
permettent l’implosion d’un grand nombre de réflexions. Enseignante en
stylistique à la faculté des Lettres de la Sorbonne, elle propose aussi des
ateliers d’écriture, partageant ainsi sa passion avec ses élèves. Déjà, l’année
passée, elle avait reçu le prix Jean-Freustié pour son roman L'année de l'éducation sentimentale (Collection Blanche NRF). Cette année, en plus d’avoir été
sélectionnée pour le Prix Goncourt, elle a fait partie de la liste de sélection
du prix Fémina 2019, pour Un
dimanche à Ville-d’Avray, roman rappelant
évidemment le titre du film de Serge Bourguignon sorti en 1962 : Cybèle ou les dimanches de Ville-d’Avray. Ville-d’Avray, ses étangs, ses résidences pavillonnaires,
sa bourgeoisie, ses vies bien rangées, son calme … C’est un dimanche soir
d’automne, dans cette ville cossue de la banlieue parisienne. Deux sœurs
discutent dans le jardin de la maison de l’une d’elles. En cette soirée, le souvenir
d’une rencontre revient à l’une d’elle (Claire Marie). Cette dernière dévoile
une histoire inattendue et un peu trouble qui lui est arrivée quelques années
plus tôt, et qui est révolue quand elle la raconte ce soir-là à sa sœur (la
narratrice). Une histoire aux allures romanesques, inquiétante, digne d’un
polar. Claire Marie a fait la rencontre d’un homme mystérieux avec un accent de
l’Est, du nom de Marc Hermann, par «
un drôle de hasard ». Ils se sont tous deux rencontrés
plusieurs fois dans le plus grand secret, dans des cafés, des lieux peu
fréquentés etc. Claire Marie ne sait pas où cette histoire va la mener, une
chose en elle l’a poussé à continuer malgré le mystère de plus en plus évident
dont s’entoure cet homme qui prétend s’être échappé de Hongrie pendant la
Guerre Froide, être marié à une française et avoir une société d’import-export
de matériel industriel en Amérique du Sud. S’ajoutent à cela, des faits
étranges se passant en même temps à Ville-d’Avray et qui renforcent la méfiance
dont il est l’objet. Le danger rôde et Claire Marie commence de plus en plus à
sentir la peur, mais elle continue à le fréquenter. Jusqu’à quand et où cette
histoire va-t-elle la mener ? Après tout, comme le disait Charlotte Brontë dans
Jane Eyre (1847), livre adoré par les deux sœurs depuis leur enfance :
« Il est vain de dire que les
êtres humains devraient se satisfaire de la tranquillité il leur faut de l'action et s'ils
ne peuvent la trouver, ils la créeront. » Cet
événement sort Claire Marie de sa vie rangée, engluée dans une routine et dont
elle ne sait plus quoi attendre. Elle a un mari médecin, une fille qui apprend
le piano, une grande maison dont elle s’occupe dans un quartier paisible et
agréable. Mais cette histoire permet de révéler encore plus en elle son désir
de romanesque comme aux temps où elle et sa sœur s’émerveillaient devant
Thierry la Fronde ou Rochester. Claire Marie, est résolument une femme rêveuse,
lunatique, qui a le « goût et l’habitude de passer de longs
moments sans rien faire devant la fenêtre »… Chez
Barbéris, détails et décors ont une importance fondamentale. Décrite comme une auteure
de « romans d’atmosphère », elle produit non seulement une ambiance particulière permettant
de situer des personnages dans un temps et un espace, mais parvient également à
y imposer une présence, des impressions, des sensations, des sentiments liés
aux personnages et à l’intrigue. Comme un tableau impressionniste, elle y va
par touches de couleur, tout en suggestions et nuances, pour décrire des rues
sombres, des étangs profonds, des parcs, des allées, des gares, tous ces lieux
que nous fréquentons tous les jours et qui sont tout à coup empreints du « même sentiment de malaise, de légère étrangeté, » que l’histoire de Claire Marie et Hermann le décrit, tout
comme on se retrouve dans sa description du dimanche, jour si propice aux
épanchements mélancoliques. Ces éléments ont un rôle essentiel, ils sont
porteurs d’un message universel, d’une réflexion à caractère poétique. Pour
Barbéris, « ce qui se passe n’est pas
vraiment important, c’est surtout la contagion que ce récit exerce sur la petite sœur, qui
se rend compte tout un coup qu’elle se croyait la plus émancipée, et qu’en
fait, c’est sa sœur qui a eu la meilleure part, c’est à elle qu’est arrivé finalement le romanesque. » Ce ne sont peut-être pas les bonnes vies, comme celle de la
narratrice, intellectuelle parisienne, vivant « libre », que l’on devrait
envier. Le roman écrit du point de vue de la sœur qui écoute nous permet de
voir les échos que cette histoire a sur elle, et ce que cette soirée, cette
ville, font remonter en elle de souvenirs et de réflexions sur sa vie. Comme
quoi, les pavillons de Ville-d’Avray, ses coins sombres, et ses grands arbres à
cachettes, alimentent derrière chaque volet tout un monde, du romanesque et une
vie intérieure qui n’envient pas l’agitation des grands boulevards parisiens.
Un livre à lire sous son duvet, seul,
pendant une soirée de dimanche pluvieux d’un mois d’octobre, bien sûr. Une
lecture rapide, mais des réflexions et des mots qui se dégustent dans la longueur.
Dans un temps de crise, dans un monde où soufflent les vents des révolutions et
des cris de ras-le-bol, n’est-ce pas au final « le rêve [qui reste] dans la vie
[ce qu’il y a] de plus important », comme nous le dit l’autrice elle-même (dans
une interview faite par la librairie Mollat). Un vent de fraîcheur dans cette
sélection Goncourt aux lourds sujets appesantis de la tristesse de l’état
actuel de notre monde.
Laëtitia Firoaguer
Université Saint-Joseph
Soif
Editions Albin Michel (152 pages)
Le trajet de Golgotha
« Petite
je veux devenir Dieu. Très vite j’ai compris que c’était trop demander et j’ai
mis un peu d’eau bénite dans mon vin de masse : je serais Jésus ».
C’est
bien ce qu’écrit Amélie Nothomb en 1999 dans son roman Stupeur et
tremblements. En 2019, elle réalise son rêve avec Soif. Avec ce
titre bref mais révélateur de la soif de Jésus pour sauver la vie aux autres,
l’auteur se met dans la peau du Christ et tente de retracer le chemin de ses pensées
peu avant sa crucifixion.
Est-ce
que Jésus peut tomber amoureux ? Est-ce qu’il peut mener une vie sexuelle,
avoir une progéniture ? … C’est bien ce qu’on trouve dans ce roman.
Nothomb
affirme avoir compris « la révolte qui l’animait » (Métaphasique
d’étude, 2000). Tout comme son père, elle mène une vie d’expatriée et souffre
de la solitude qui l’incite à se replier davantage sur elle-même. Jésus était
donc son grand copain, son meilleur ami, son ami imaginaire depuis son enfance.
Elle s’identifie donc à lui et nous livre ce roman autobiographique où seul le
côté humain de Jésus est mis en avant… Ce fils qui veut vivre, aimer et qui
souffre comme le reste de ses confrères.
Sur
son chemin pour être crucifié, la seule idée qui lui permettait de s’échapper à
ses douleurs et ses souffrances physiques et morales, était de construire une
famille avec son amoureuse Marie Madeleine. Mais est-ce que cela est le but
essentiel de Dieu dans l’évangile ?
« Je
vous ai dit ces choses afin que vous ayez paix en moi. Vous aurez des
tribulations dans le monde mais ayez bon courage, moi, j’ai vaincu le
monde. » (Jean 16 :33)
Tout
en se focalisant sur le côté humain du Christ, une divinité est attribuée à chaque
être humain. L’amour, la soif et la mort – trois activités humaines par
excellence – qui reviennent comme un leitmotiv tout le long du roman engendrant
un rythme ternaire ne laissent-elles pas penser à la sainte trinité ?
Amélie
Nothomb réussit à nous livrer un roman faisant le salut d’un christianisme
humaniste où les expériences les plus humaines ont leur propre forme de
divinité.
« Celui
qui boit de cette eau, n’aura jamais soif »
Youstina
Adel et Demiana Takla
Université d’Alexandrie
Université d’Alexandrie
ROLIN Olivier
Extérieur Monde
Éditions Gallimard, (304 pages)
Trésor de souvenirs
Extérieur
Monde est un récit autobiographique qui dévoile tout un labyrinthe de
souvenirs sans issue. Tout au long du roman, l'auteur fraie plusieurs chemins
où il extériorise ses sentiments intimes dont l'amour. On découvre ainsi
l'apparition de plusieurs figures féminines dans le récit.
Durant
ce long parcours, Rolin note également l'atrocité des guerres en citant le cas
de l'Algérie, Daesh, Hodeïda et les guerres mondiales, sans pour autant avouer
finalement sa passion pour les cimetières et pour la mort ; une forme par
laquelle le passé se manifeste. Lors de cette phase, des réminiscences d'une
vie lointaine défilent aux yeux de Rolin : son enfance, son adolescence et sa
jeunesse...
Ce
récit se caractérise par l'authenticité de ses propos qui se renforce
d'ailleurs en évoquant un grand nombre d'écrivains, de philosophes, d'acteurs,
de peintres. L'auteur dépeint toute une fresque de paysages, pays, régions et
lieux très divers et assez spécifiques : l'Arabie Saoudite, l'Amérique,
l'Allemagne, l'Égypte, le Soudan et le Maroc.
L'auteur
écrit "L'homme se fixe la tâche de dessiner le monde. Tout au long des
années, il peuple l'espace d'images, de provinces, de royaumes, de chevaux et
de personnes. Peu avant de mourir il découvre que ce patient labyrinthe de
lignes trace l'image de son visage" ; phrase-clé qui résume toute sa
philosophie et sa vision d'un monde en mutation permanente.
Quant au style de l'auteur, il mérite une
certaine admiration… style séduisant, facile à comprendre et à analyser. Une
écriture à quatre mains où l'image du lecteur est ancrée dans le texte. Le
narrateur utilise des points d'interrogation et d'exclamation pour s'adresser à
son lecteur et le plonger dans le moindre détail et souvenir tout en partageant
avec lui divers sentiments et émotions.
La fin du roman ne manque pas d'originalité. Olivier Rolin n'écrit pas
une fin à son récit, il laisse cette tâche à son lecteur. Bref, un roman
passionnant qui ne fait qu'inspirer le lecteur qui considérerait Rolin comme
étant un modèle à suivre.
Lojayna Mostafa
Université d'Alexandrie
BARBÉRIS Dominique
Un Dimanche à Ville-
d’Avray
Éd. Arléa, 2019 (125
pages)
À la croisée du passé et du présent
« En fait, a murmuré ma sœur sans
me regarder, j’ai pensé à quelqu’un. J’ai fait une rencontre, il y a des
années, je ne te l’ai jamais dit ? Il m’est arrivé quelque chose.
Une rencontre !
Le mot est tombé bizarrement avec l’ombre.
J’ai arrêté tout net de fredonner. Je me rappelais la formule de maman :
« Va voir ce que ta sœur fabrique. »
En réalité, sur certains points, Claire
Marie me fait penser à ces canards qui ont l’air de glisser sur l’eau (un
glissement d’objets immobiles) mais leurs pattes remuent sous la surface à
toute allure. Il y a quelque chose en eux d’un trompe-l’œil. » (p.35)
Une sorte de tentation d’aventure, de
rencontre, sont, toutes, inscrites au cœur d’Un dimanche à Ville-d’Avray, roman
signé par Dominique Barbéris. Dès l’incipit, le lecteur est imprégné dans une ambiance
alternant le passé et le présent par le biais de quelques scènes de
réminiscences.
Teinté d’imagination, de rêverie, ce roman
psychologique voire universel nous fait confronter aux tourments de l’âme
humaine qui est toujours à la recherche de la réalisation de ses rêves.
Ce dimanche d’aveu, de confession, de
révélation du secret le plus profond de l’aînée, est témoin de la visite faite
par la narratrice, Jane, qu’est la cadette à sa sœur aînée dans son lieu de
résidence, à savoir la ville- d’Avray. Cette narratrice parisienne révèle
que : « l’autre dimanche, je suis allée voir ma sœur. »,
(p.9). Dans un cadre verdoyant propre à la ville- d’Avray également nocturne et
sombre, Claire Marie, l’aînée, dans un tableau pathétique avoue à sa sœur cette
errance avec cet inconnu hongrois rencontré, un jour au cabinet de Christian, son
mari. Ce récit dans le récit autrement dit ce récit en abyme constitue la scène
essentielle d’Un dimanche à Ville- d’Avray. Tous les cadres de cette
rencontre font échos à la personnalité de cet inconnu qui n’est que sombre, lugubre
et ténébreuse, preuve en est le paratexte, surtout la 1ère de
couverture qui est noire, floue et dit long sur la trame du roman.
Ces rencontres se suivent avec cet inconnu
mais sans de vrai motif. Réside alors l’importance de cette confession, en
marge de l’histoire narrée par la cadette, et son influence sur Jane qui déduit
que c’est sa sœur non pas elle qui a eu la grande part du romanesque, elle, qui
réside dans un lieu favorable aux rêves, elle, qui prouve qu’elle est la plus
émancipée et qui a pu vivre une aventure pareille, que c’est elle qui a pu réaliser
une partie des rêves de toute jeune fille.
En bonne psychologue, romancière et
passionnée de littérature, Dominique Barbéris nous livre deux tableaux en
parfaite correspondance pour nous montrer les sentiments les plus sincères de
l’âme humaine. Le titre de son dixième roman, Un dimanche à ville- d’Avray, rappelle
celui du film de Serge Bourguignon Les dimanches de Ville-d’Avray, qui a
reçu l’oscar du meilleur film étranger en 1963. Grandiose est l’influence de ce
film vu lors des années de jeunesse comme le prouve le commentaire de la
romancière : « je l’ai eu en tête en imaginant le roman même si je ne
l’avais vu qu’une fois, à l’âge de 17- 18 ans. J’avais gardé un souvenir très
présent de l’errance autour des étangs notamment. » C’est alors le
cadre spatio-temporel qui sera le point commun entre le film et le roman.
Déclare ainsi l’écrivaine : « je voulais écrire sur le dimanche, ce
jour où on repense à sa vie. Ce roman va très bien avec le paysage de Ville-
d’Avray avec d’un côté ses rues pavillonnaires, sa quiétude, ses jardins
fleuris de roses et de l’autre côté les étangs et la Forêt de Fausses- Reposes,
plus inquiétants. C’est calme, tellement calme qu’on a le sentiment d’une
attente. »
La charpente du roman suit à merveille les
maintes étapes de cette errance avec les différentes prises de conscience de
l’aînée, ses hésitations, ses moments de satisfaction et au contraire ses
moments de refus, de peine et de frustration, et de l’autre côté, la cadette
qui analyse la scène, qui fait des comparaisons et aboutit même à des
conclusions concrètes et sincères. Un dimanche à Ville- d’Avray met
l’accent sur les deux protagonistes, à savoir les deux sœurs de par leur style
de vie, de pensée et leur source d’inspiration. Ce récit sur l’imagination donne au lecteur
libre cours pour sortir des rails, pour s’échapper du rythme monotone et
routinier de la vie.
Le style de l’écrivaine est simple,
agréable à lire également il suit le mouvement de la confession, une sorte de
mélodie triste qui prouve le tiraillement de l’âme entre ses rêves et la
réalité.
Un roman qui vous procure un moment
de vous plonger dans les profondeurs de l’être humain. Récit épatant dans
lequel tout est bien chaloupé qui tient le lecteur en haleine par la succession
des rencontres. Un récit à lire avec plaisir et à ne jamais rater !
Lilyanne Hany et Aliaa Ali
Université d’Alexandrie
MIANO Léonora
Rouge
impératrice
Editions Grasset, 602 pages
Un amour interdit
Rouge impératrice est d'abord une
histoire d’amour qui se passe au XXIIe siècle à Katiopa, un
continent africain presque tout unifié et prospère, entre deux personnages dont
les chemins se croisent. L'un, c’est un chef d'état qui s'appelle Ilunga, l'autre professeur à l’université
qui s’appelle Boya. À travers Boya, Léonora Miano, l'auteure de cette œuvre
nous propose une héroïne qui sait exprimer ses envies, ses besoins, elle est
une femme intellectuelle et impliquée dans la vie sociale et politique de son
pays, qui ne craint pas de se battre afin de mettre en valeur ce qui lui semble
juste.
Il faut à tout prix séparer ce couple
contre-nature, car, cette passion menace de devenir une affaire d’état.
Dans ce roman, il est question d'âmes
sœurs et de puissances spirituelles. L'auteur nous donne l'image d'un monde
futur où les rôles sont inversés. Dans ce livre, l'Afrique de demain est un
continent indépendant dans lequel elle reprend ses droits tant sur ses
richesses terrestres que sur l'avenir de ses citoyens. La question du racisme
est d'ailleurs abordée d'une manière intéressante. Parmi la population du
Katiopa se trouve un groupe de marginaux, les blancs qui viennent de France, on
les appelle « les sinistrés». Ces gens-là ont fui leur pays à cause de la vermine.
Autrement dit, ils se sont réfugiés en Afrique et ils ont été dépossédés des
terres et biens qu'ils avaient acquis eux-mêmes. Ne voulant pas mélanger leurs
précieux gènes et cultures à ceux des Katiopiens, ils se trouvent isolés. Nous
assistons à une nouvelle scène où les Africains dominent bien les Européens.
Née en 1973 au Cameroun, Léonora Miano vit
en France depuis 1991. Elle est l'auteur de neuf romans, dont Contours
du jour qui vient qui a remporté le prix Goncourt des lycéens en 2013.
C'est un roman qui nous fait réfléchir,
puisqu’il est écrit dans une langue travaillée et poétique. Cette œuvre exige
une lecture très attentive,
sinon le lecteur va rater l’histoire parce qu’elle est pleine d’aventures et
d’événements.
Vu que l'auteur emploie assez de mots
indigènes pour raconter l’histoire, au début cela m'est paru un peu difficile
de comprendre le texte entier, mais les mots se répètent et deviennent compréhensibles
au fur et à mesure. Bien que la philosophie politique marque bien ce livre, l'auteur
rend hommage aux différents aspects des cultures du continent africain.
Malgré la difficulté du lexique, c’est un
roman à la fois beau et épique. L’intellectualité, la liberté, l’audace et les
préoccupations de ce personnage féminin m'ont beaucoup plu. Il vaut la peine de
le lire plusieurs fois pour nous mettre dans le bain voulu par l’auteur.
Elnaz Asna Ashari
Université Alzahra
Extérieur Monde
Olivier Rolin
Editions Gallimard
(304 pages)
Olivier Rolin enfin se jette à
l'eau et nous écrit Extérieur Monde.
Le livre nous parle des dizaines
de souvenirs et de mémoires écrits à partir de plusieurs carnets noircis lors
des voyages d'Olivier Rolin autour du monde. Néanmoins, il rejette l'idée
d'écrire des souvenirs ou des mémoires à partir de son intérieur mais essaie
d'inventer une façon inverse d'écrire partant de l'espace extérieur. Il décrit
des paysages, des visages, des voix, des femmes qu'il rencontre, colle des
dizaines d'éclats de souvenirs l'une à l'autre ; des souvenirs qui ont tous
tresse sa vie au cours des années, il reconstruit sa vie à l'instar des pièces
de puzzle. Or il évoque aussi la guerre, le tragique, le catastrophe, la
sauvagerie que l’homme est capable de faire lors de la guerre.
Rolin nous parle aussi de ses
amis avec la mort desquels s'en vont les pans de notre vie.
Extérieur Monde nous apprend à voir à bien voir le monde à ne pas passer
indifféremment autour du monde comme un écrivain.
Zeynab Sadough
Université
Alzahra
MINGARELLI
Hubert
La
terre invisible
Editions
Buchet-Chastel (192 pages)
La terre invisible d'Hubert
Mingarelli nous emmène en 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, dans
une ville d'Allemagne occupée par les alliés, où un photographe de guerre
anglais ne parvient pas à rentrer chez lui. Avec la permission de son colonel,
il décide de partir et de capturer avec son appareil les gens devant leurs
maisons, espérant découvrir la raison de telles atrocités. Un jeune soldat qui
vient d’arriver et qui n’a rien vu de la guerre, l’accompagne en tant que chauffeur,
sans deviner la motivation du photographe et la fin de ce voyage "- Et
où est-ce qu'on va aller ? […] – Je n'en sais rien
Encore."
Les 2 personnages partent au hasard sur les routes chacun
avec ses cauchemars et ses propres secrets. "Je m'endormis et rêvai aux
bâches avec lesquelles nous avions recouverts les morts […] nous les retenions
avec nos mains de toutes nos forces mais une force plus grande continuait de
les soulever et chacun au fond de lui savait que c'étaient les morts qui
poussaient avec leurs jambes grises."
Ils tentent de chasser les fantômes qui les hantent. "Ils sont ce
qu'ils sont et je voudrais les oublier"
Le but de ce voyage, c'est de trouver la réponse de la
banalité de la vie et la réalité, l'un avec son appareil et à travers les
photos, l'autre avec son fusil ; mais tout est en vain, "Vous ne verrez
rien, j'en suis sûr" comme son colonel les a déjà prévenus. Peut-être
à la fin de ce chemin, ils trouveront la paix, la fraternité et ils arriveront
là où li sera possible de dormir sans cauchemars.
Le roman est un ensemble de scènes de deux pages, de
descriptions sur les paysages, le ciel, le fleuve, les champs, les rayons du
soleil, exactement comme une photo. On peut bien savourer l'état mental des
personnages, le silence, la douleur qui crie dans le silence, l'enfer dans
lequel ils se trouvent, avec les phrases simples et courtes ou d'autres longues,
et sans ponctuation liée par et.
Hubert Mingarelli laisse chacun faire sa propre idée, sa propre photo à chaque
instant. "J'estime que le lecteur est plus intelligent que moi, il
comprend plus de choses, donc je ne veux rien lui dire, je le laisse
découvrir", nous dit-il.
Sadaf Malek Yarand
Université d’Alzahra
Département de Langue et
Traduction Françaises
AMIGORENA Santiago
Le Ghetto intérieur
Édition P.O.L (191 pages)
Le Ghetto intérieur, le titre
du livre, est inspiré de la vie des grands-parents de l’écrivain.
L'histoire se déroule dans les
années 1940-1945 mais, il y a beaucoup de retours en arrière. On peut dire que
l'auteur raconte l'histoire de ses grands-parents dès la jeunesse de son
grand-père avec des descriptions. On l'accompagne pendant toute l'histoire.
L'auteur peint très bien le monde et l'état d'âme des gens pendant la Deuxième
Guerre mondiale. L'histoire est pleine d’événements tristes mais réels !
Vicente Rosenberg s'est enfui de Pologne. Il s'est installé à Buenos aires en
Argentine et il a sa propre famille, ses deux filles et son fils et sa femme
(Rosita), à ses côtés. Après avoir ignoré les lettres de sa mère, maintenant
c'est son tour à être inquiet pour ne pas avoir des nouvelles de sa mère, sa sœur et son frère. Peut-être qu’il pensait que pour bien avancer dans sa vie, il ne fallait
pas se retourner. Peut-être chez Vicente, l’oubli était plus important que la
mémoire, ou celui qui oublie jouissait plus que celui qui se souvient. Mais il
a été rattrapé par ce qu’il croyait pouvoir ignorer.
À l’époque,
la Pologne a été occupée par les Nazis qui ont forcé les Juifs
à rester dans des ghettos dans une situation très difficile où ils finissent par mourir.
La mère de Vicente n'a pas accepté de quitter la Pologne, c'est d’ailleurs la préoccupation du personnage principal, Vicente. Dans
une lettre reçue le 9 décembre 1940 de Varsovie, sa mère lui a annoncé l’histoire
des ghettos : “Mon chéri, tu as peut-être entendu parler du grand mur
que les allemands ont construit. Heureusement la rue Sienna est restée à
l’intérieur, ce qui est une chance, car sinon on aurait été obligés
d’abandonner l’appartement et de déménager.” Il n’était plus possible pour la famille de Vicente de quitter la Pologne,
le pays envahi par les Nazis.
Après avoir immigré en Argentine, on constate qu’il est incapable
de s'identifier. Polonais, juif, argentin ou seulement un père de famille ? Il
est tellement désespéré qu'il a complètement oublié que la vie s’écoulait
encore. En plus, il est si loin de sa mère,
de son pays qu’on pourrait se croire en temps de paix. Se sentant coupable de tout ce que
sa mère subit en Pologne, il garde son silence pesant pendant des mois et même des années jusqu’à ce qu’il meure.
Peut-être qu’ayant beaucoup de choses à dire, il n'arrive à prononcer aucun
mot. En effet, il est plongé dans un espace vide de pensées, et finalement, il décide de se suicider. Mais il n’a pas réussi. Quand il a entendu que sa femme est
enceinte, il a retrouvé un espoir pour ne pas céder. Mais il se sent toujours coupable à ne rien
faire pour sa mère.
Il pensait qu’il pourrait faire autre chose qu'écrire des lettres. Il pourrait insister plus pour que sa mère aussi quitte le pays, pour qu’elle vienne vivre avec
eux en Argentine. Il n'a aucune nouvelle de sa mère et
cela l’inquiète. Elle est peut-être morte. Par
conséquent, il vit toujours en se blâmant et en gardant ce silence
amer qui l'étouffe.
En ce qui
concerne le style de l'auteur, il décrit des événements très bien, d’une manière simple tout en étant profond. Il indique
tous les événements par une date précise. Il nous fait penser à chaque question
qu'il se pose. Le livre commence avec le point de vue de la troisième
personne singulière et finit à la première personne.
Mehrnoosh NAZERI
Atiyeh SAHEBZAMANI
Université Alzhara
NARBERIS Dominique
Un dimanche à ville d'Avray
Édition Arléa (128
pages)
Le dimanche,
le jour qui signifiait la solitude, l’inquiétude, la nostalgie, les bonheurs
simples de l’enfance pour les deux sœurs de l’histoire. Si on veut choisir une
couleur pour ce genre de dimanches, c’est le gris. Un chagrin de la semaine…
Le titre du livre nous rappelle le film Les dimanches de ville d’Avray,
un film de Serge Bourguignon en 1962. Aux États-Unis, ce film reçoit l’Oscar du
meilleur film étranger en 1963.
Le film dans
lequel Hardy Kruger joue dans le rôle de Pierre, un pilote de guerre qui perd
la mémoire. Madeleine, l'infirmière qui l'a recueilli, lui consacre
toute sa vie et son amour. Il entretenait une étrange amitié avec une petite
fille, Françoise. Tous les dimanches après-midi, Pierre
va emmener Françoise en promenade aux étangs
de Corot.
À ce propos, Dominique
Barberis écrit une histoire parallèle. Il s'agit de deux sœurs, l'une vit dans le centre de Paris et l'autre à
Ville d'Avray. Dès le début, nous sentons que les
deux sœurs ne sont pas très proches. Et pourtant l’une se confie son secret à
l’autre.
Claire Marie qui était toujours
plongée dans ses rêves dès l’enfance, mène une vie monotone avec son marie
et leur fille. Étant un médecin la plupart de temps, Christian, son mari, n'est pas à ses côtés.
Claire Marie et sa sœur jouaient des scènes de leur série
télévisée préférée à leur enfance. Elle était sous l'influence des séries et des livres romantiques à point qu’elle rêvait d'être à la place des
personnages principaux et sa mère la blâme souvent. C'est pourquoi un homme
qu'elle rencontre dans le cabinet de son mari a attiré son attention. Elle sort
avec cet homme, Herman x, parfois. Il dit que son travail est dans
l’import-export mais il ne précise rien. Il dit qu'il est marié mais on ne voit
aucune trace de sa femme. Peut-être qu'il l'a dit pour que Claire Marie se sente mieux en trompant
son mari, Christian. On voit souvent l’évocation d’un
Thierry la Fronde chevaleresque et d’un Edouard Rochester dans Jane Eyre. La
narratrice est toujours en train d’imaginer ou bien dire comparer les deux histoires,
celle de Jane Eyre et celle de sa famille en considérant elle-même en tant
qu’un des personnages.
Quand l’homme bizarre parle au téléphone, à
chaque fois que Claire Marie vient, il
coupe ses paroles et ce qui intrigue cette dernière. Dans leur quartier, il y a
un homme recherché par la police qui a averti tous les habitants. Elle doute
que cet homme recherché soit bien Herman mais elle ne veut pas croire cette histoire. Parfois Herman a des exigences indécentes,
ce n'est pas mentionné mais peut-être qu'elle les a acceptées parce que de temps en temps elle se sentait coupable. Elle évite le regard de son mari.
Claire Marie et sa sœur se retrouvent un
dimanche à ville d’Avray et elle se confie toute l’histoire de ses rendez-vous avec
cet homme bizarre pour sa sœur. Mais on peut dire qu'elle ne raconte pas
toute l'histoire. En racontant l'histoire, on voit toujours que Claire
Marie est plongée dans ses vagues sentiments. Parfois elle est curieuse et
quelquefois elle éprouve de la peur. Sa sœur en l'écoutant la blâme et elle
pense que peut-être Claire Marie n'a pas dit toute la vérité.
A propos du style de l'auteur,
elle décrit les scènes de leur rencontre. Des rues en pente, des lumières du
soir, une voisine qui observe, un mari médecin qui est toujours occupé et qui
n’a pas assez de temps pour sa famille, les promenades au bord de l’étang...
sont des éléments, entre autres, décrits par l’écrivaine.
Atiyeh Sahebzamani
Mehrnoosh NAZERI
Université Alzahra
ROLIN
Olivier
Extérieur
monde
Editions
Gallimard (304 pages)
Olivier Rolin, né le 17
mai à Boulogne Billancourt
est un écrivain français, qui a passé son enfance au
Sénégal. Diplômé en Lettres et Philosophie de
l'École Normale Supérieure et engagé politiquement,
il devient un dirigeant de la branche
militaire de l'organisation maoïste gauche prolétarienne. Membre du mouvement
néo conservateur : « Le Cercle de l'Oratoire » qui publie Le
Meilleur des mondes, revue à laquelle il a participé, il sera quelques temps journaliste (Libération, Le Nouvel
Observateur), puis se lancera dans l'édition (Le Seuil).
En 1994, il a obtenu le prix Femina pour "Port-Soudan", le Prix France Culture pour "Tigre en papier" en 2003 et le prix du Style pour « Le Météorologue » en 2014. Il est un écrivain voyageur qui a beaucoup écrit et publié aux éditions Seuil. C’est aussi un auteur qui dessine sur une infinité de papiers, le monde littéraire, en se basant sur sa propre vie et ses expériences.
En 1994, il a obtenu le prix Femina pour "Port-Soudan", le Prix France Culture pour "Tigre en papier" en 2003 et le prix du Style pour « Le Météorologue » en 2014. Il est un écrivain voyageur qui a beaucoup écrit et publié aux éditions Seuil. C’est aussi un auteur qui dessine sur une infinité de papiers, le monde littéraire, en se basant sur sa propre vie et ses expériences.
Dans le livre
intitulé « Extérieur monde », publié en juin 2019 aux éditions Gallimard, l’auteur ne parle pas
d’un sujet précis ou d’un seul voyage. Pas d’intrigue, ce sont plutôt des souvenirs qui s’entrecroisent de
pays qu’il a découverts (le Liban, la France, l’Afghanistan, la Russie, l’Italie,
l’Amérique, la Colombie, le Soudan, …), des
personnes qu’il a
rencontrées (Jérémy, Jane, Kafka ,Vera ...),
des femmes qu’il a aimées
(dont les figures restent
un souvenir dans ses écrits ), des chanteurs
(comme Richard Anthony ), sans oublier ses
amis (Serge, Marc, Antoine, Sylvie, Vincent… ) qu’il aime beaucoup. Il raconte l’agonie de son
ami Serge en détail, en associant son état désastreux à un livre qu’il a lu
« La Recherche ».
Il se montre
homme de référence puisqu’il a « fréquenté la géographie des langues ». Son image culturelle nous transmet les
livres qu’il lisait d’une manière claire, influencé
par les styles d’écriture de Hugo, d’Apollinaire, de Roland, de Flaubert, de Proust … Tout au long du
livre, il évoque des écrivains de toutes nationalités (Pierre Dac, Eddie,
Georges Perec, Ernesto Sabato, Michaux, Claude Simon, Roger
Vailland, Jean Charaud, …), des traducteurs et des professeurs qu’il a
rencontrés (Ernesto Sabato, Mexico du Volcan, Joyce …) et aussi des hommes politiques
qu’il détestait (Hafez El Assad et son fils Bashar El Asad)
Son travail de bibliothécaire l’a encouragé à
enrichir ses ouvrages.
Comme Olivier
Rolin n’a pas de « mémoire
infernale », il raconte tous les
détails de sa vie en se basant sur ses carnets. Ces derniers sont les témoins d’un temps où il tissait ses souvenirs avec précaution.
Cet amas de carnets extériorise un tourbillon d’images de chacun
de nous, lecteurs. En effet, nous visitons avec lui des lieux que nous ne
visiterions jamais, nous rencontrons grâce à lui les philosophes et les auteurs de ce monde.
La littérature
est la grande affaire de sa vie. Et c’est par son biais qu’il nous
emporte dans des voyages interminables. Il parcourt le
monde comme un vagabond passionné d’aventure,
en nous montrant d’une part sa richesse culturelle et d’autre part l’ambiguïté de
son écriture. Il n’est pas sûr que tout le monde apprécie son livre : « Je sens que je perds des lecteurs », déclare-t-il à la page 115, dans le même contexte, il ajoute dès l’incipit
« Je sais bien qu’on ne doit pas commencer un livre comme ça, comme je
le fais », comme s’il nous disait:
« Ce livre ne vous plaira sûrement pas ».
Ce livre
ressemble à une petite bibliothèque comprenant beaucoup du vécu de son auteur. Les quatre éléments vitaux sont présents sur
la planète de l’écrivain. Les
mots vont se mouvoir
en fonction de l’action des pages comme dans la mer. L’eau va essayer de
couvrir tous les espaces vides du livre :
« l’eau, la joie de l’eau », « Rêver, l’eau est le lien des images sans
suite, désaccordées, des songes décousus, des bribes de vies possibles, des
ravissements du vague » ; « L’âme aime nager »,
« Je nageais avec volupté dans une page de mon livre ». Donc, l’eau est le lien entre le ciel et la terre,
source indispensable de la vie.
L’auteur aborde
le thème de l’amour passion invitant chacun à reconstruire une histoire sous la
forme d’un moment unique et inoubliable, en omettant souvent le contexte, les
préalables, qui basculent l’histoire dans un autre sens « Mon ex-amour
russe était une jeune femme très extravagante... », « car l’amour
aussi s’en va », « Aujourd’hui, j’aimerais la revoir »,
« Elle ne m’a pas appelé ». Son livre sert à transmettre des
messages au loin. Malgré la distance et le temps perdu, l’écrivain Olivier vise
les femmes et leur dédie implicitement ses écrits.
Ce qui m’a
beaucoup agacée en lisant ce livre, c’est la multitude des personnages, des endroits,
le désordre des évènements. L’auteur se raconte dans 301 pages que nous pourrions diviser en trois
parties égales : ses propos entre
parenthèses, une digression au milieu d’un paragraphe, un galimatias de voyages incompréhensibles.
L’écrivain nous a permis de
visiter certains pays à travers ses représentations, il nous a donné une vue d’ensemble
en se focalisant mieux sur un plan général et détaillé pour présenter toute la
réalité. À la différence d’autres écrivains, il ne suit pas l’ordre
chronologique, la modification du déroulement de l’histoire continue à nous
aider à nous concentrer. Son style réduit le stress, comme si nous étions dans un
avion au-delà du monde.
Layla Soueid
Université de Balamand
La part du fils
Jean-Luc Coatalem
Éditions Stock
Paol est né
dans une famille finistérienne à Brest en 1894. Les hommes de la région sont
généralement employés à l'Arsenal.
Il épousa Jeanne,
trois enfants Lucie, Ronan et Pierre.
Il a été
mobilisé en 1939 au grade de lieutenant mais en 1er septembre 1943
Paol fut arrêté par la Gestapo. Il sera conduit à la prison de Pontanion puis
dans des camps en France et ensuite en Allemagne, mais rien n'arrivera plus
jamais à l'en faire sortir.
Jean-Luc
Coatalem part à la recherche de Paol, son grand-père. Paol qui n'est plus parmi
eux parti trop vite vers son destin sans qu'il puisse vraiment le connaître.
Déterminé à
connaître les raisons de son arrestation, il mène tout une enquête sur la
disparition de son grand-père en possédant seulement quelques noms et quelques
photos.
Rien ne pourra
le faire reculer pour amener Paol à la lumière et le faire revivre, il fera
tout son possible. Il commencera son enquête par la prison Pontanion et la
finira en Allemagne.
Tant d'efforts
pour obtenir des réponses, des noms, des documents pour résoudre l'énigme de
son arrestation ; mais hélas le temps s'était écoulé et que peut-on faire dans
l'absence des faits, des mots et des lieux ? Seulement un mot se répète
dans tous les documents : "inconnu". Pierre, le fils de Paol qui
avait décidé de se taire et était victime de la guerre pensait que parler
d'hier raviverait cette douleur intense qui existait en lui.
Jean-Luc
Coatalem qui aurait espéré qu'un jour son père partagera le secret de Paol avec
lui, une vérité qui était aussi sa souffrance, qu'il égrenait un peu de la tragédie,
de cette douleur qui n'était pas seulement la sienne mais à toutes les membres
de la famille, mais hélas il ne l'a jamais fait. Alors Jean-Luc Coatalem décida
de remonter l'histoire pour l’éclaircir,
pour la raconter et en faire un livre.
Cette effraction qui était en même temps une floraison.
La part du
Fils est l'histoire de la guerre, des victimes, des rescapés, des familles qui
ont vécu la guerre, ces traumatismes, mais, elle ne s'arrête pas là et
atteindra aussi les générations futures.
Zeynab
Sadough
Université
Alzahra
DUBOIS Jean-Paul
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même
façon
Éditions de l'Olivier (256 pages)
Tous les hommes
n’habitent pas le monde de la même façon, c'est le dernier livre de Jean-Paul Dubois qui a reçu le 117ème prix
Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires francophones. On peut le
considérer comme un roman nostalgique sur le bonheur passé.
Le roman raconte
l'histoire de Paul Hansen qui est emprisonné à Montréal depuis deux ans. Il
partage sa cellule de 6 mètre carrés, surnommé «
condo », avec Partick Horton, un Hells Angel
« un homme et demi » qui est incarcéré pour meurtre. Dans un « monde
clos fait de souffrance encagée », il faire revivre ses bien aimés qu'il a
perdu : son père, sa femme et son chien.
Paul fait des
allers-retours entre le présent et le passé et raconte sa vie. Il est né à
Toulouse. Son père était un pasteur protestant danois qui perd la foi. Sa mère
était directrice française d'un cinéma d’art et d’essai. Le pasteur a perdu son
poste après que sa femme avait programmé au cinéma le célèbre film
pornographique ; alors ils ont divorcé, son père a émigré au Québec et son fils
l’a suivi. Quelques années plus tard, Paul devenait superintendant à
L'Excelsior, une résidence où il travaillait en tant que concierge, un gardien
d'immeuble, même un consulteur. Il a pratiqué son travail avec bienveillance,
toujours prêt à aider les autres avec respect. Il a épousé Wimona, une pilote d'aéroplane
et il avait une chienne, Nouk, qui comprend tout. "[...] il arrivait
que, vers ces heure-ci, Winona, Johanes ou encore Nouk viennent me visiter […].
Depuis toutes ces années ou je les avais perdus, ils allaient et venaient dans
mes pensées, ils étaient chez eux, il était en moi" Un jour, un
nouveau gérant arrive à L'Excelsior et tout change. C'est là où on comprend la
raison pour laquelle il est mis en prison : un conflit s'est produit entre lui
et le gérant et Paul n'arrivait pas à contrôler sa colère bien justifiée.
Même parlant avec son avocat, Il n'a aucun regret mais il regrette de n'avoir
pas eu davantage de temps ou suffisamment de force pour briser tous les os de
la carcasse de ce type méprisant.
L'art de l'auteur c'est de
vous attacher immédiatement à ses personnages, et dès les premières lignes, on
a envie de savoir comment Paul s'est retrouvé dans la prison. Le personnage
principal est quelqu'un qui se révolte contre toutes les formes d'injustice.
Pour lui, l'humour est comme un antidote à la dureté de la vie, Il nous fait
aussi rire. Il y a les hauts et les bas, dans tous les sens du terme, les
bonheurs immenses et les drames dont on ne se console jamais. On découvre un
univers touchant, des personnages pittoresques, des phrases ciselées et
profondes.
Sadaf Malek Yarand
Université d'Alzahra
APPANAH
Natacha
Le
ciel par-dessus le toit
Edition
Gallimard, (125 pages)
L’auteure dévoile dans son roman des histoires entendues derrière les hauts
murs. Ces murs “qui séparent, qui
aliènent, qui protègent et qui ne guérissent pas les cœurs”.
L’action se déroule au sein d’un triangle dont les angles
se tournent le dos. Loup, conduit en maison d’arrêt pour avoir emprunté la
voiture de sa mère et provoqué un accident. Cet adolescent qui “court pour oublier” voulait rejoindre
sa sœur Paloma qui a quitté la maison depuis 10 ans. Le malheureux se trouva en
train de contempler le ciel par-dessus le toit dans une cellule noire qui lui
faisait rêver du bleu ;
“…Est-ce-que d’autres que moi essaieraient de deviner
Comme dehors on s’allonge sur l’herbe
et on démasque les nuages
ils diraient je vois je vois
un chien un insecte un serpent
J’aimerais tant que ce soit autre chose
un ciel une étoile un rêve…”
(Ecrou 16589,
Maison d’arrêt de C.) p.9
Paloma contempla aussi le même ciel par sa fenêtre après
avoir appris le sort de son petit frère, ce frère qu’elle avait promis un jour
de revenir le sauver du “Phénix”, leur mère.
Phénix, une femme de fer, rousse, tatouée, vendeuse de
pièces détachées et passionnée –grâce à son ancien amant Noah- par la
mécanique, est une mère à deux enfants pétris de sentiments. Elle croyait leur
avoir donné des griffes (Loup) et des ailes (Paloma), mais tout ce qu’elle
avait transmis était son mal-être qui alourdissait son existence. Tout comme
elle leur cacha l’identité de leur père, elle cachait la poupée qu’elle avait
mise au feu. Eliette, cette fille âgée de 11 ans “la princesse des princesses” suivait une éduction bien gâtée de
ses parents qui agissaient aveuglement pour son “bien”. Etouffée par ces
derniers, exposée à des regards malsains et agressée sexuellement, Eliette
explosera sa rage assourdissante sur scène au lieu de chanter. Puis, après avoir incendié la maison familiale, elle
déploya les ailes de Phénix loin de sa maisonnette de poupée.
Au fil du roman auquel le titre fait allusion au célèbre
poème de Paul Verlaine, c’était la jeunesse de nos protagonistes qui se
dégradait silencieusement en chacun d’eux ;
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fais, toi que voilà,
De ta jeunesse?”
(Paul Verlaine, Sagesse 1881)
Cependant, durant l’investigation du juge, un filet de
jaune venu de nulle part se faufila au cœur de Loup et témoigna 10 ans
d’attente et 8 nuits de prison, par une voix confiante face à sa famille : “… je n’en pouvait plus de ne pas savoir et
je suis venu ici parce que parfois il faut savoir pour pouvoir continuer à
vivre.”
L’auteure
laisse leur avenir entrouvert sur “la
mer, le ciel et la terre” effondrant tous les murs et les remords qui piégeant
leur âme. Pourquoi cède-t-on aux barreaux qu’on crée nous-même dans notre
vie? Comment se débarrasser des cicatrices indélébiles ?
Farah
Dhaybi
Université
Jinan
APPANAH Natacha
Le Ciel par-dessus le toit
Editions Gallimard (nrf), (126 pages)
Le Ciel
par-dessus le toit de Natacha Appanah, est une histoire familiale qui
raconte une triangulaire entre une mère et ses deux enfants auxquels elle
refuse l'expression d'une affection.
Le roman
commence par l'un de ces enfants, Loup. "L-o-u-p. Comme le grand méchant […] comme
l'animal". Il est un adolescent
étrange, différent, pas malade. "Quand on lui parle, à Loup, il vous
regarde dans les yeux mais souvent il ne vous entend pas. Son esprit a des
manières étranges de mélanger le temps, les mots, les actes. " Sa sœur
aînée Paloma – ça veut dire oiseau - a quitté la famille, il y a 10 ans, après
une violente dispute avec leur mère mais malgré sa promesse de revenir un jour
le chercher, belle n'est jamais revenue. Un soir, Loup a emprunté la voiture de
sa mère, conduit sans le permis et
provoque un accident ; alors il est maintenant dans une prison,
particulièrement construite pour les enfants dans ce pays, en attendant l'audience du juge.
Le passé de
cette mère justifie l’origine de son mal-être, de son attitude. Avant, elle
s'appelait Eliette, une petite fille jolie, talentueuse qui devait chanter, se maquiller
et s’habiller pour le bien de ses parents. Un incident dévastateur a bouleversé
sa vie ; Eliette s’est révoltée et Phénix est née. Elle pensait que l'amour
exclusif de ses parents a détruit sa vie, alors elle a décidé de ne jamais
manifester la tendresse, l’amour à l'égard de ses propres enfants.
"Elle leur avait donné des griffes et des ailes mais ça n'avait servi à
rien. Ses enfants étaient pétris de sentiments [...]. Ils avaient envie d'être
pris dans les bras, qu'elle dise des mots d'amour, [...] ".
Natacha
Appanah touche le cœur par son style, la façon de raconter ce que chaque
personnage a vécu. Le thème abordé par l’auteur, c'est dans un monde de
suspense où existe une frontière entre la
réalité et l'imagination. Chaque
chapitre commence par une phrase captivante qui nous pousse à réfléchir. Elle nous fait poser la question de la responsabilité : Quels
drames transmettons-nous à nos enfants ? Comment ne pas reproduire le passé ?
Même le titre nous fait à penser. Il nous renvoie au poème célèbre de Verlaine qui l'avait composé
quand il avait été en prison dans l’aspiration à la liberté.
"Le ciel
est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme !
Un arbre,
par-dessus le toit, Berce sa palme.
[…]
– Qu’as-tu
fait, ô toi que voilà Pleurant sans
cesse,
Dis, qu’as-tu
fait, toi que voilà, De ta jeunesse ?"
Paul Verlaine,
Sagesse (1881)
Mais toutes
les prisons ne sont pas les mêmes. « Sa mère et sa sœur savent que Loup dort
en prison, même si le mot juste c’est maison d’arrêt mais qu’est-ce que ça peut
faire les mots justes quand il y a des barreaux aux fenêtres, une porte en
métal avec œilleton et toutes ces choses qui ne se trouvent qu’entre les murs.
Elles imaginent ce que c’est que de dormir en taule à dix-sept ans mais
personne, vraiment, ne peut imaginer les soirs dans ces endroits-là. » la
prison dans ce roman, c'est notre choix, notre attitude et notre pensé
Sadaf Malek Yarand,
Maedeh Sadat Salehi
Université
d’Alzahra
NOTHOMB Amélie
Soif
Édition Albin Michel (152 pages)
L'histoire est à propos de Jésus
et la crucifixion qu'il a subie. En effet, le personnage principal est le Jésus
d'Amélie Nothomb. Le Jésus d’Amélie Nothomb nous ressemble, L’auteure nous
offre un Jésus incroyablement humain, loin de l’image du Messie dont nous avons
l’habitude. Il avoue qu’il n’est pas sans défauts. Il a des sentiments humains.
Il exprime ses sensations, ses sentiments, l’amour, la peur, le
chagrin, la colère et la soif….
Peut-être pour raconter ce qui
s'est passé le jour de crucifixion et la veille, elle s'est mise à sa place ;
L'auteure écrit à la première personne. La nuit précédent la crucifixion, Jésus
est seul dans sa cellule. Il éprouve la
peur de la souffrance qu'il va endurer sur la croix. En fait, son corps lui est
important. Ce même corps qui va être torturé cruellement. Cela lui est
important parce qu'il a vécu avec ce corps pendant des années. En fait, tous
ses souvenirs, tous les sentiments qu'il avait manifestés et tous les
sentiments qu'il avait partagés avec son amoureuse, Madeleine, étaient intrinsèques
à ce corps. Cette même nuit, étant inquiet il essaie de se calmer en se
souvenant du temps qu'il a passé avec Madeleine, en reconnaissant ses propres
erreurs et en se rappelant du peu de reconnaissance qu'il a reçue. Ses propres
miracles sont les témoins de sa condamnation. Il se rappelle que les gens étaient vraiment
ingrats envers ce qu'il leur avait fait et cela serre son cœur. Pendant le
chemin de croix, il voit que les gens le regardent indifféremment, c'est
pourquoi il se dresse devant Dieu. Il subit tant de douleur pour ces gens qui
sont indifférents et ingrats ! Et il demande pardon à lui-même d'avoir accepté
cette mission. Pendant tout le chemin Madeleine l'accompagne et ils se parlent
tout en étant silencieux. Le pire est que sa mère l’accompagne aussi. Il se dit
que c'est « le comble de la cruauté ». Il se sent un peu mieux en trouvant deux
courageux, Simon de Cyrène et Véronique, qui l'ont aidé pendant ce chemin. Il
éprouve la fraternité pour ces deux larrons crucifiés. Sur la croix en
supportant tant de douleur, il peut encore désirer quelques choses. Et cela
n'est qu'un gobelet d'eau. En fait, la soif est si forte et puissante qu'on
peut désirer de l'assouvir même quand on est sur la croix et qu'on est en train
de subir une telle souffrance. Enfin Jésus meurt tout en étant assoiffé et
torturé. Les apôtres, sa mère, son amour lui manquent mais il se sent bien. Il
dit qu'ils ne doivent pas m'en vouloir si je ne viens pas dans leurs rêves.
C'est une exigence égoïste. S'ils m'aiment ils doivent me laisser tranquille là-bas.
Quelquefois il demande pardon à
lui-même d’être crucifié parce qu'il dit que les gens vont le remercier pour
ça, ils vont l'admirer pour ça et ils vont croire en lui pour ça.
Il dit qu'il doit accepter tout
ça parce qu'il n'a pas d'autre choix. Il aurait pu ne pas l'accepter au cas où
il pourrait faire autre chose. Cela ce n'est pas son cas donc il hait sa
mission de plus en plus.
A propos du style de l’auteure,
on peut dire que les phrases sont simples tout en demandant une forte réflexion.
Ce nouveau roman d’Amélie Nothomb est court mais très profond et fort. Pendant
toute l’histoire on suit des monologues intérieurs de Jésus. Elle décrit les
scènes d'une façon fluide. Elle nous fait penser et nous questionner sur les
idées du texte.
Sahar Dabbaghi et Mehrnoosh Nazeri
Université Alzahra
Santiago Amigorena
Le Ghetto intérieur
POL éditeur, 2019
(191 p)
Le silence
Le Ghetto intérieur est un roman
inspiré de la réalité, écrit par un écrivain argentin, Santiago Amigorena, dans
lequel le narrateur évoque l’histoire d’un homme, polonais juif, qui a fuit son
pays natal, sa mère, ses frères et sœurs, et qui s’est réfugié en Argentine.
Des années et des
années passent. Un jour, il commence à recevoir des lettres de sa mère, dans
lesquelles elle lui dévoile leur souffrance à cause de l’occupation allemande
et de l’extermination des juifs.
Vicente cherche à oublier
la parole de sa mère, à oublier sa femme et ses enfants.
Le silence
l’envahit jusqu’au point de s’oublier. L’enfermement devient son ghetto
intérieur.
Cependant, une
annonce lui parvient et bouleverse sa vie.
C’est un roman
facile à lire. L’histoire est intéressante : c’est le bouleversement d’une
famille, une histoire captivante, l’histoire du silence, l’histoire d’une
réalité amère.
Si vous aimez les
histoires de familles et ses bouleversements, lisez ce roman.
Leila BAYRAM, Liban
Université Saint-Joseph, branche de Saida
NOTHOMB Amélie
Soif
Édit. Albin Michel (152 p.)
La
révélation du Jésus humain
Soif. C’est l’histoire
de la crucifixion de Jésus. C’est l’histoire écrite par la plume d’Amélie
Nothomb mais dite par la voix du prophète. C’est une histoire connue par tout
le monde, mais réécrite dans un style unique pour un but clairement engagé. Soif :
une histoire qui combine amour, passion, sens de la vie et le trajet « éternel »
vers la mort.
L’auteure
ose donner la voix à Jésus, lui donnant ainsi la possibilité de parler, de raconter
ses aventures et d’écrire son propre texte. Elle le pousse donc à penser, à réfléchir,
à relater des souvenirs et à se défouler devant le peuple qui n’a jamais entendu
ses réelles paroles. Elle lui donne une autre vie qui dure 152 pages. Elle lui
donne un vaste espace pour se questionner sur lui et le monde. Par ce récit, on
fait la connaissance de ce Jésus humain.
On
est dans la tête et dans tout le corps de Jésus : on entend ses paroles
intimes et on souffre avec lui.
C’est
à l’aide de cette talentueuse auteure qu’on peut le faire : elle ose imaginer
ce que fut le monologue intérieur du prophète dans les dernières heures de sa
passion.
Chez
Nothomb, ce prophète déjà connu par sa divinité et par sa sainteté, est
présenté sous la figure d’un être humain, modeste, naturel, « non-omniscient »
sentant l’injustice ; un homme qui doute, qui craint, qui se fâche et qui
aime la jeune Madeleine. Nothomb pointe, ainsi, le doigt sur la nature banale et
commune entre Jésus et les autres hommes.
Cette
auteure fait un très bon choix pour son personnage principal. Jésus, le symbole
de la souffrance, du sacrifice, de la force et de la patience, est aujourd’hui
connu comme un héros extraordinaire. Il est l’archétype de l’homme parfait pouvant
intéresser tout le monde.
Par
les questions que se pose Jésus, comme un fils qui interroge son père,
« Comment le créateur n’aurait-il pas été dépassé par cette création dont
il ne comprenait pas l’impact ? » c’est une profonde réflexion
imposée par Nothomb autour de la vérité de dieu et de sa nature. Une profonde
réflexion sur la présence de Jésus et son envoie sur terre pour souffrir. Quel
est donc ce but et comment est représenté le Père aux yeux du fils torturé ?
Dès
la première lecture, on trouve que ce roman est un roman à double sens, à
double finalité. Le premier sens est le sens direct et clair, c’est raconter
l’histoire et rappeler les gens et les nouvelles générations de l’histoire de
la passion de Jésus. Le deuxième sens est imposé indirectement dans le roman, ce
que Nothomb a su faire parfaitement.
Qui
est Jésus ? Quelle est la nature de Dieu ? Pourquoi Jésus est l’élu ?
Quel est le but de faire souffrir Jésus ?
Votre
lecture pourra y répondre.
Ghada Seifeldine
Université Saint-Joseph, Saïda
AMIGORENA Santiago H.
Le Ghetto intérieur
Editions P.O.L. (192 pages)
Influencé par la vie de son grand-père juif, exilé à Buenos Aires depuis
la fin des années 1920, à cause de la Deuxième Guerre mondiale et la souffrance de sa mère enfermée dans le
ghetto de Varsovie, Santiago H. Amigorena rédige un roman qu’il intitule
« Le Ghetto intérieur ». Ce roman donne l’impression d’une autobiographie,
un journal intime car il nous semble que l’auteur relate ses propres souffrances
mais d’une manière masquée, tout en se cachant derrière des personnages plus ou
moins fictifs. La subjectivité de ce roman a pu attirer un très grand nombre de
lecteurs intéressés par la situation de vie pénible des Juifs pendant la deuxième
guerre mondiale. En 2019, Le Ghetto intérieur a gagné le Prix des
libraires de Nancy et il a été l’un des quatre romans finalistes du prix
Goncourt.
Amigorena relate l’histoire d’un jeune homme juif appelé Vicente
Rosenberg qui a quitté la Pologne pour partir en Argentine, fuyant la guerre et
l’extermination des Juifs en Europe. Arrivé en Argentine, il rencontre Rosita
Szapire, crée sa propre famille, obtient un travail et rencontre des amis
(Sammy et Ariel). Bien qu’il possède toutes les raisons d’être heureux il se sentait
toujours triste, anxieux, même coupable puisqu’il a laissé sa mère, ses frères
et sa sœur en Pologne. Le seul moyen de communication avec ses proches en
Europe était les lettres qu’il échangeait avec eux. Mais, au lieu de soulager
sa peine, les lettres envoyées par sa mère, augmentaient son inquiétude et son
sentiment de culpabilité puisqu’elle décrivait le dénuement et la violence
auxquels ils font face en Europe. Pour ne plus penser à la souffrance de ses
proches et surtout à l’idée de sa mère torturée et par suite morte dans le
ghetto de Varsovie, Vicente s'enferme dans le silence, il décide de se taire.
Bref, est-ce qu’il pourra surmonter ce sentiment de culpabilité? Va-t-il
rompre son silence ? Comment ses proches en Argentine vont se comporter
avec le nouvel état de Vicente ? Est-ce-que sa mère survivra ? Est-ce
qu’il retournera en Pologne ?
Reina Moussawel.
Université de Balamand
NOTHOMB Amélie,
Soif
Edition Albin Michel (152 pages)
L’histoire de Soif est une
révision du « dernier jour de la vie de Jésus Christ ». C’est un long
monologue intérieur raconté par un Jésus recréé par Amélie Nothomb ; l’auteur
bénéficie non seulement des évènements des évangiles canonique, mais aussi ceux
des évangiles non-officieux (comme l’histoire de l’amour de Jésus et Marie de
Magdala). Elle ne sort pas de la cadre chronologique présentée pour la vie de
Jésus, alors la structure du récit reste la même chose qu’on connaît de sa
vie ; mais elle tâche de faire une nouvelle interprétation de la vie de
Jésus et c’est là qu’elle fait entrer son imagination ; elle met elle-même
à la place de Jésus et elle raconte sa propre interprétation par la bouche de
Jésus. Elle n’a pas souci de vraisemblance, elle présente Jésus comme quelqu’un
qui est omniscient, quelqu’un qui cite des citations des personnages d’avenir (Paul
Valéry, Pascal, Proust, Malherbe etc.) quelqu’un qui utilise des expressions
exclusivement françaises (C’est l’hôpital qui se moque de la charité : p.48) ;
elle s’efforce pas du tout de cacher sa subjectivité dans la narration ; pendant
la narration, Jésus plaisante beaucoup avec les apôtres, il les décrit très
sincèrement, il critique leur comportement, il accuse même Jean l’évangéliste de
mentir ; et ainsi elle critique implicitement les fondements du
christianisme. A partir de la deuxième moitié du livre, la tonalité change d’un
ton humoristique à un ton plus sérieux, mystique et philosophique, c’est
pourquoi la deuxième moitié se lit un peut plus lentement. Dans la deuxième
moitié l’auteur aborde une question principale : « pourquoi Jésus
accepte-il d’être crucifié ? » la réponse selon les autorités du
christianisme c’est qu’il accepte pour purifier l’homme du péché originel,
l’auteur critique cette notion par la bouche de Jésus, et accuse implicitement
ceux qui la présentent. Ce polémique et questionnement existe pendant tout au
long du livre, parfois avec ironie et parfois tout directement.
En conclusion, Soif est un
œuvre d’art engagé, dont l’auteur par sincérité ne ferme pas ses yeux sur la
vérité ; même si elle respecte le christianisme, elle n’accepte pas les
notions illogiques attribuées à Jésus Christ et au christianisme.
Amirali Zolfaghari
Varzaneh
Université de Téhéran
MIANO Léonora
Rouge Impératrice
Editions Grasset, 2019 (603 pages)
Rouge Impératrice
Editions Grasset, 2019 (603 pages)
Ce roman est écrit
par Léonora Miano, écrivaine franco-camerounaise qui a vécu plusieurs années en
France.
Le roman est comme
un rêve d'avenir puisqu'il prend la forme d'une fable politique dans une
Afrique du futur dans lequel se réfugient les sinistrés, alors c'est un roman d’anticipation.
Nous sommes
en 2124, Léonora a choisi ''katiopa'‘, continent africain unifié pour être le
refuge pour les sinistrés venant de la vieille Europe.
C'est une histoire
d'amour entre Ilunga, le chef de l’Etat, et Boya, enseignante universitaire.
Cette histoire
d'amour est considérée comme une union '' contre nature '' puisque Boya est
proche du côté des sinistrés et que cela menace l'état car elle est proche
d'Ilunga et alors plusieurs personnes essayent de nuire à cette relation entre
les deux amoureux, prenant les recherches de Boya sur les sinistrés comme un
témoignage de sa trahison.
Toutes les
tentatives d'Igazi, responsable de la sécurité intérieure de katiopa, pour
l'élimination de Boya ont échoué, il la décrivait comme ''ennemie de l'état'‘.
Katiopa , avançait
vers son but qui est de fonder un monde comme l'avaient fait les aînés .
De même, katiopa
étant unifié, cherchait à savoir quoi faire avec les marginaux, les gens de
Benkos qui refusaient de se mêler aux autres.
Soulignons que la
pensée de Katiopa avait toujours ignoré la race.
Et cela a beaucoup
aidé Ilunga qui répétait la phrase « katiopa, tu l'aimes ou tu la quittes » aux
sinistrés, sous l'influence de Boya
Malgré tous les
problèmes que le continent avait subis, et même les pièges tendus pour nuire à
katiopa, à la fin le couple s'apprête pour le mariage et les noces sont annoncées.
Tout au long du roman,
nous pouvons remarquer la présence de plusieurs phrases en anglais, beaucoup
d'autres mots de langues africaines et de plusieurs cultures, c'est un
métissage culturel et ce métissage caractérise le style de l’écrivaine.
Ce métissage est
évident puisque cette dernière est née au Cameroun et qu'elle vivait en France
donc elle symbolise la diversité culturelle et bien sûr cela a rapport au choix
du ''continent africain'' dans son roman. Alors le métissage culturel est pour
un monde meilleur et plus avancé.
En fait, nous
remarquons que le statut de la femme dans la société selon le point de vue de
Léonora est souligné par le choix de l’héroïne, elle est à nouveau une femme.
Une femme qui est
liée à la question centrale de la légitimité d'appartenir à katiopa ou d'en
être expulsé.
De même
l'écrivaine a réussi de plonger le lecteur dans une atmosphère locale, africaine,
grâce à son choix des personnages, des événements, des places et même du statut
du continent africain dans ce roman futuriste. Elle a souligné encore la
colonisation et les répercussions de la domination européenne et elle a mis
sous la loupe, l’héritage culturel symbolisé par la diversité de la religion.
Enfin, Léonora
Miano a englobé dans son roman plusieurs thèmes, elle a réussi à appliquer
l'universalité des thèmes tels que l'émigration et l’immigration, avec un peu
de politique amalgamé avec l’amour. Cette universalité des thèmes marque
l'universalité de l'écrivaine elle-même et sa réussite à plonger le
lecteur dans son récit, par le biais d'une description minutieuse qui n'ennuie
á aucun moment le lecteur impatient de connaître la fin de l’histoire.
Amani Ayman
Université d'Alexandrie
MINGARELLI Hubert
La Terre Invisible,
Éditeur Buchet-Chastel, (182
pages)
Vers
un Nouveau Départ
« Une étoile s’alluma, au loin le
moteur démarra enfin. Deux bières et tout était mystérieux. » C’est ainsi
qu’Hubert Mingarelli achève le premier chapitre de son nouveau livre La
Terre Invisible. À la fin de son incipit, l’auteur nous présente un
avant-goût de cette aventure mystérieuse et énigmatique qu’est son roman.
C’est la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Tout le monde rentre chez lui à l’exception d’un jeune photographe anglais
qui ne parvient pas à effacer les images d’un camp de concentration qu’il a vu
libérer. Hanté par des souvenirs douloureux, il décide de partir sur les
routes de l’Allemagne, dans le but de photographier les gens de ce pays devant
leur maison et ainsi comprendre comment ce peuple fut complice de l’une des
plus grandes blessures de l’Humanité. Durant son voyage, il est accompagné
d’O’Leary, un soldat anglais qui vient juste d’arriver en Allemagne et qui n’a
rien vécu de la guerre. Ils vont partir au hasard sur les routes avec quelques
jerricans d’essence et des rations alimentaires.
Ce roman
n’est pas un récit d’aventure. C’est une quête, une réflexion sur les gens
après la guerre : perdus, désorientés, presque vides voire hantés.
L’histoire en devient même secondaire. Les personnages sont très énigmatiques,
on ne sait que très peu de choses sur leur passé : qui sont-ils ?
Quels sont leurs secrets ? Beaucoup de questions sont soulevées mais peu
de réponses nous sont données. D’ailleurs, le silence occupe une place
importante dans les pages de ce récit. Ce silence se cache derrière les mots,
derrière la narration et derrière les actions. Il y a des choses qu’on ne dit
pas ou que l’on cache, des choses ineffables.
Ce que nous
ne pouvons pas nier, c’est que ce roman est une ode à la photographie. À
travers une narration simple
et minimaliste, Hubert s’attarde sur des jeux d’ombres et de lumières. La
symbolique de capturer des photos révèle le désir de figer l’instant présent.
Ce roman se
démarque des autres livres qui parlent de guerre. Ces derniers sont généralement
subjectifs alors qu’ici Hubert nous présente un tableau assez objectif de la
situation de l’époque. En effet, son personnage principal se cache derrière
l’objectif de sa caméra et de cette manière cache sa subjectivité. On a là un
regard différent sur la situation de l’époque. Pourtant, il crée une ambiance plutôt
calme dans un roman qui aurait pu favoriser des événements graves et tragiques.
C’est un
livre à lire avec du recul. Un livre qui ne nous lâche pas, qui nous hante et
qui nous pousse à nous poser des questions. Ainsi, chacun de nous devient ce
photographe qui est à la recherche de sens.
HOBEIKA
Sarah,
Université
Saint Joseph de Beyrouth,
BARBÉRIS
Dominique
Un
dimanche à Ville-d’Avray
Éditions
Arléa, 125 pages
Description
détaillée
C’est un roman qui
aborde un aspect important de la vie et met en évidence la perte d’enfance et
de relations familiales, Mais il y a beaucoup de descriptions où le lecteur est
perdu, il se sent ennuyé, le désir est à compléter l’histoire et suivre les événements
qui attirent l’attention du lecteur.
Ce roman de
l’écrivain (Dominique Barbéris) dans la ville – d’Avray, un dimanche, où il y a
deux sœurs qui vivent dans une atmosphère parisienne animée. Mais elles ne se
sentent pas à l’aise elles recherchent l’amour, le romantisme et la sécurité
qui leur font défaut depuis leur enfance.
Elles n’ont pas
vécu une enfance normale ou une période de jeunesse comme les autres filles de
leur génération. C’est à cause de la domination de leur mère et d’une
atmosphère familiale constamment tendue. Elles ont eu une vie difficile et
malgré leur séparation en raison de circonstances personnelles et familiales,
elles sont impatientes et ont besoin de se rencontrer. Quand elles se
rencontrent le dimanche, jour de fête pour tous, elles ont de mauvais souvenirs
depuis leur enfance de ce jour, où elles passaient le dimanche à la maison avec
les problèmes et cette journée a eu un impact négatif sur elles. Le dimanche
passe difficilement.
Cette fois – ci,
leur proximité leur permet de commencer à parler de leurs secrets : elles souffrent
d’un vide émotionnel et d’un besoin d’amour et romance en permanence. Malgré
cela, elles sont satisfaites du choix du destin pour leur vie qui manque de
bonheur et de rêve.
Les deux sœurs
révèlent deux histoires semées de troubles et d’inquiétudes, C’est un roman donc
qui se fait comme un journal quotidien raconte par le narrateur qui incarne ses
expériences personnelles, l’auteur raconté son errance dans les impressions
quartiers à ville - d’Avray, c’est lui qui raconte ses souvenirs dans cette
ville avec ses impressions pour la description qui se fait à travers un homme –
écrivain.
Hanan Mohammed
Université
Al-Mustansiriya
MIANO Léonora
Rouge Impératrice
Editions Grasset (605 pages)
« L’aventure humaine était
faite de disparition, d’évolutions », voilà la phrase représentative de Rouge
Impératrice. Elle nous révèle d’emblée les grands thèmes présents dans ce
roman incroyable qui nous fait voyager dans le futur, à plus d’un siècle de
notre époque.
Nous
sommes en 2124, dans un monde ou le continent africain serait presque
entièrement unifié et l’un des plus puissants de la planète. On parle des
« États-Unis d’Afrique ». Katiopa n’existe que depuis quatre années,
il reste beaucoup de choses à régler pour Ilunga, le chef de l’État (mokonzi).
Notamment la question des sinistrés de la vieille Europe, les descendants des
Français venus se réfugier en Afrique subsaharienne francophone au XXIe siècle.
N’étant plus qu’une minorité sur le continent, ils vivent isolés dans une
partie de Katiopa, et repliés sur eux-mêmes. La question qui se pose pour
Ilunga et ces hommes d’états est cruciale : Faut-il les expulser ou les
intégrer ? Quand l’amour frappera le cœur d’Ilunga, changera-t-il ses
orientations politiques et ses décisions ? L’égalité raciale difficilement
acquise par les africains au XXIe siècle sera-t-elle enfin définitive ?
Sera-t-il question d’un retournement de situation dans ce roman ?
Tout
commence par une grande histoire d’amour entre Boyadishi, qui enseigne à
l’université et Ilunga, chef de l’état. C’est donc ici que s’illustrent les
thématiques prégnantes de ce roman : l’amour, l’identité, la peur de
l’autre et le refus de cette « autre présence » à l’intérieur de soi.
Cet amour entre Boya et Ilunga devient rapidement une affaire d’état et la
nécessité de séparer ce couple devient cruciale pour leur entourage. La
richesse de ce roman se traduit non seulement par ces thématiques diverses qui
traitent de « l’être humain » en tant que tel, mais aussi par le
style de l’auteure. En effet, ce n’est pas un livre facile à lire mais il n’est
pas ennuyeux pour autant. Le style est soigné, les phrases longues et il faut
quelques pages pour intégrer les codes (et le vocabulaire africain) de ce monde
futur. Ainsi, nous comprenons la richesse de ce long roman afro-futuriste et
panafricain.
Rouge
Impératrice représente parfaitement les désirs et rêves de la jeunesse
africaine actuelle. Miano montre comment « l’aventure humaine est faite de
disparitions et d’évolutions ». Elle montre aussi comment l’amour peut
affecter le présent et perturber le futur à jamais. Le retournement de
situation évoqué dans ce roman montre que tout est possible. Le plus faible
peut rebondir tel un lion dans la savane et le plus fort peut tomber en
laissant derrière lui toutes ses années de gloire.
Nathalia WEHBE
Université Saint-Joseph de Beyrouth
Extérieur Monde
Olivier ROLIN
Editions Gallimard, 2019 (304 p.)
Ma
vie: Envie de revivre
1.
Préface
Olivier Rolin est né le 17 mai à Boulogne
Billancourt, diplômé en Lettres et Philosophie. C’est un écrivain
français, voyageur qui a écrit depuis très longtemps au seuil d’excellents
livres. Il a gagné plusieurs prix, le dernier était le «Prix Pierre Mac Orlan»
en 2017 pour son récit «Baïkal-Amour». Dans son roman «Extérieur Monde» qui est
publié en août 2019, il dépasse un sujet précis ou un voyage particulier. Ce
sont plutôt des souvenirs qui s’entrecroisent de lieux, de pays qu’il a
découverts et qu’il a traversés, de visages qu’il a seulement parfois croisés,
de femmes qu’il a aimées. L’auteur est connu avec sa fragilité, durabilité,
mais aussi avec son immense culture littéraire qui peut donner un éclairage sur
les destinations qui parcourent pour tous qui aiment l’écriture, le voyage et
la culture.
2.
Analyse
Olivier Rolin nous a livré dans ce récit les mémoires de
ses voyages en forme littéraire. Il retrace sa vie personnelle, ses incroyables
rencontres avec des gens qui ont eu de l’importance dans le monde comme le
colonel Kadhafi, le commandant Massoud, Borges et d’autres. Ainsi que d’incessantes
tribulations géographiques, des femmes passantes, des livres et des lectures à
croire que cet homme a passé son temps à voyager et à lire. Le tragique, les
guerres et les catastrophes voisinent avec des anecdotes dans ce récit. La
description de l’ensemble de tout cela compose un atlas subjectif.
D'abord il y a une écriture élégante et précise, vivante
et poétique, bref un style littéraire bien riche. Puis il y a un ton; quelque
chose à la fois désenchanté, mélancolique mais qui s'émerveille malgré tout, du
monde, qui s'en étonne toujours.
Dans ce roman, on saute de paragraphes en paragraphes, de
chapitres en chapitres, de personnes en personnes, de lieux en lieux. Peut-être
certains lecteurs n'y trouveront pas leur compte, mais il faut s'accrocher pour
le suivre.
À travers ce récit, les femmes et les voyages tiennent
une place particulière dans la vie d’Olivier Rolin. Le récit commence aux
Açores au Portugal et se termine là aussi, entre temps le lecteur aura suivi
l'auteur en différents lieux (en Russie, au Soudan, en Chine, en Belgique, au
Canada, en Afghanistan, en Asie,…). L’écrivain avait pérégriné et rencontré des
hommes et des femmes vraiment nombreuses, les femmes sont souvent de simples
passantes comme chez Baudelaire et Brassens.
L’écrivain a cité dans son récit beaucoup de livres et d’auteurs.
Il a aussi parlé de la politique, de la littérature, de la philosophie, des saisons et de
l’Histoire du monde.
La forme certes belle mais qui peu à peu devient
tellement alambiquée qu'on en perd le fond. Fond qui de base est annoncé plein
de digressions à venir puisque dès le début. Alors, on peut voir le regard
mélancolique et nostalgique d'un homme qui se trouve hors de ce temps. Un
retour de vie qui aurait pu être intéressant s'il avait été mieux structuré ou
plus court.
Ce qui ressort de ce récit; c'est la beauté de la plume
d'Olivier Rolin oscillant entre humour, autodérision, poésie et nostalgie.
En résumé, des passages magnifiques, des portraits
saisissants, des descriptions épatantes, des confessions touchantes. Bref, un roman
surprenant et inattendu, style et une belle forme, certes.
3.
Conclusion
Plus d’une quinzaine de chapitres, on trouve qu’il y a
des lectures qui s'avalent d'une traite et d'autres qui nous épuisent. Alors,
ce roman impatiente le lecteur malgré sa richesse linguistique. Mais ce qui
accroche le lecteur est le style que l'écrivain nous dévoile dans son roman.
Le roman ne représente qu’un voyage littéraire à travers
les souvenirs personnels vécus par l’auteur. Ces souvenirs littéraires représentent
des voyages, des incroyables rencontres, des lectures d’auteur autour du monde.
L’écrivain ramène le monde à nous dans toute sa puissance parfaitement élégante
de sa mélancolie.
Selon la vision littéraire d’Olivier Rolin, dans la vie,
Il n’y a que d’erreurs de jeunesse. Mais aussi il y a des erreurs de
vieillesse. On voit que Rolin est arrivé à un moment de sa vie où on ne parle
plus du «temps qui passe» mais «du temps qui reste». Alors, on sent clairement
que l’auteur avait un besoin réel de se retourner en arrière et de se souvenir
de tout ce qu’il avait vécu. En écrivant ses souvenirs il les couche sur
papier.
Bref, l’auteur veut nous transmettre un message que le
monde est trop petit pour lui, et que sa vie est tressée de tout ce qu’il a
rencontré.
En résumé, ce sera un plaisir de lire ce récit pour tous
qui aiment les belles tournures, les digressions poétiques et les rencontres
inattendues.
Maha AL-SOUDANI
Irak
Université Al-Mustansiriyah
Faculté des Lettres
Département de Français
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AMIGORENA Santiago
Le Ghetto
intérieur
P.O.L Éditeur (192
pages)
La tache indélébile de la Shoah et de l’exil
Est-il possible de revivre à nouveau
après la mort ? Peut-on imaginer de récupérer sa vie loin du pays natal, après
avoir trahi sa propre famille ?
Le Ghetto intérieur raconte la vie de
Vicente Rosenberg, juif polonais de trente-huit ans qui vit à Buenos Aires, en
Argentine, depuis une douzaine d’années. Il est marié à une femme très
affectueuse qui s’appelle Rosita avec qui il a eu trois enfants. L’histoire
commence en 1940 et se déroule sur cinq ans, recouvrant toute la durée de la
Seconde Guerre mondiale. Dans ce roman on raconte en fait comment il reçoit des
lettres de sa mère, Gustawa, qui est restée dans le ghetto à Varsovie et qui
lui relate les horreurs de l’antisémitisme en Europe ; en découvrant le projet
d’anéantissement des Juifs par les nazis et les conditions de vie dans le
ghetto avant leur déportation aux camps d’extermination en Pologne, il entre
dans une sorte de mélancolie profonde qui le pousse à se taire. Son silence devient
de plus en plus intense à partir de 1943, date à laquelle il découvre que sa
mère va bientôt être transférée au camp de Treblinka où elle sera tuée.
Rongé par
la culpabilité de ne pas avoir pu sauver sa famille de ce destin effroyable et
totalement inhumain, il est empêché de vivre dans le monde réel, de s’occuper
de ses enfants, d’aimer sa femme. Il traverse également une crise d’identité : « Qu'est-ce qui fait que parfois nous disons que nous sommes juifs,
argentins, polonais, français, anglais, avocats, médecins, professeurs, chanteurs de tango ou joueurs de football ? Qu'est-ce qui fait que
parfois nous parlons de nous-mêmes en étant si certains que nous ne sommes
qu'une seule chose, une chose simple, figée, immuable, une chose que nous
pouvons connaître et définir par un seul mot ? » (p. 30-31).
L’auteur a réussi d’une manière magistrale à nous
transmettre ce que lui, en commun avec le protagoniste, son grand-père, ressent,
permettant au lecteur, au fil des pages, de s’identifier à cette souffrance. À
travers la description émouvante et en même temps angoissante du malaise du
protagoniste, l’auteur nous fait comprendre que le silence, le ghetto intérieur
dans lequel Vicente est emprisonné, est devenu aussi le sien. C’est la mort
intérieure, condition existentielle de laquelle on peut difficilement se
sortir. Il s’agit d’un roman porteur d’une charge émotionnelle intense, qui
aborde les thèmes universels de la mémoire, de l’exil, du silence, de la
culpabilité du survivant, et de l’identité narrative.
Il nous pousse à réfléchir à l’impact que l’Holocauste a
eu sur l’histoire de l’humanité, tout en introduisant un autre aspect de ce
phénomène que l’on n’arrive même pas encore à affronter aujourd’hui : le poids
lourd que l’on est obligé de supporter en vivant l’Holocauste à distance, depuis
l’exil, ayant fui sa propre patrie et peut-être échappé à son destin.
Sans conteste, Le
Ghetto intérieur est un livre capable de toucher profondément la
sensibilité de son lecteur puisqu’il fait référence à des circonstances réelles,
à une souffrance réellement vécue par des personnes qui ont vraiment existé. C’est
pour cela que je crois qu’il aurait mérité le Prix Goncourt de l’Académie, et
qu’il mériterait bien celui du Choix de l’Orient.
Giulia Silvestrini
Université Saint-Joseph de Beyrouth
NOTHOMB Amélie
Soif
Edition Albin Michel (152 pages)
L'écriture est un moyen de transmettre des idées au public, " Soif
" est un mot qui a la signification de souffrance, Amélie Nothomb a choisi
ce mot comme un titre de son roman biographie, c'est l'histoire qui raconte la
vie de Jésus Christ. L'incarnation de la soif, l'image de la mort et la
description de la vie éternelle après la mort ; ce sont des indication de la
présence de l'esprit religieux chez Nothomb dans les moment difficiles, "la
solitude" où elle a résumé la consolation de ses souffrances avec la vie
de J.C " Je me regarde dans le miroir"dit-elle à la fin de son roman
où le personnage est Jésus Christ et sa mère , par rapport Judas est l'image de
mauvaise être dans la vie et l'image de l'amour a incarnée par Madeleine .
Dans ce roman, il ya plusieurs thèmes ; l’amour, la mort et soif de l’humanité,
c'est pourquoi ce roman mérite le prix, il traite un besoin de notre monde,
c'est " l'égalité « un pauvre lieu dans la terre "Cana" où les
gens souffrent l'absence de l'humanité, en mêmes temps il ya la description de
la vie quotidienne. Le lecteur virtuel va toucher l'esprit réel de la religion,
c'est le bonheur et n'est pas le meurtre, autre raison ; chaque lecteur a des
moments où il souffre de sa vie et parle avec son Dieu, la présence de Dieu a
incarnée par J.C, et ça dépend de l'analyse critique de chaque lecteur…
Zainab Jawad K.
Université Al-Mustansiriya
Olivier
ROLIN
Extérieur
Monde.
Gallimard,
2019, (304 p.)
Pérégrination Spatiale et Littéraire
Le
plus grand voyageur, d’après Gandhi, n’est pas celui qui a fait dix fois le
tour du monde, mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même. Pourtant,
il s’avère qu’Olivier Rolin, auteur de renommée, ayant visité les quatre coins
de la Terre, a su pénétrer dans les méandres de la littérature.
Ponctué
par les récits de rencontres de personnes célèbres, de personnes ayant côtoyé
des célébrités ou des personnes inconnues de l’histoire, Extérieur Monde
se révèle comme un geste visant à rendre immortelles des personnes qui « [ont]
déposé en [Rolin] quelque chose qu’[il] ne saurait nommer »[1].
Ainsi, le lecteur se fait une idée des femmes qu’a côtoyées Rolin, des hommes
qu’il a rencontrés dans des pays en guerre, de ses années d’internement à la «
Villa Médicine » ou de son enfance à Dakar. Liées par un thème commun ou
faisant suite à des réflexions, ces rencontres qui nouent de fil en aiguille la
« géographie personnelle » de Rolin, sont agencées aléatoirement. Par
conséquent, l’effet du brouillage narratif produit est certain. D’ailleurs,
l’ex-journaliste à la Libération et au Nouvel Observateur se flatte,
explicitement, de maitriser l’art de la digression.
Au-delà
du voyage spatial, le lecteur effectue également un voyage littéraire : chaque
souvenir de voyage est lié à un livre ou à une bibliothèque. Ainsi, il se
trouve embarqué, à bord de l’œuvre, à la découverte de la bibliothèque
personnelle de Rolin, au sein de laquelle les littératures antique et mondiale
sont placées sur un piédestal. L’auteur n’hésite pas à épancher sa culture
littéraire en citant des traits intrinsèques à chaque écrivain, en comparant
des écrivains entre eux ou encore en critiquant certains autres. De surcroît,
des théories barthiennes et flaubertiennes sont citées, entre guillemets, dans
le but de corroborer ses réflexions sur la littérature.
Olivier
Rolin, philosophe de formation, singularise les réflexions philosophiques et la
critique au sein de son œuvre. D’un côté, certaines réflexions portant sur
l’univers littéraire permettent d’aborder - sous un nouvel angle - le métier
d’écrivain, l’acte d’écrire, les subtilités idiomatiques, l’écriture
plurilingue ou encore la rhétorique. D’un autre côté, les systèmes politiques,
l’architecture ainsi que l’aliénation résultant de la modernité entrent dans la
ligne de mire de la critique de Rolin. Notons également que les réflexions
métaphysiques sur le temps, la mort et l’amitié n’échappent pas à sa plume. Par
ailleurs, la justification de l’acte d’écriture occupe une place importante
dans l’œuvre : Rolin dévoile le lieu dans lequel il s’installe pour écrire, les
éléments qui lui servent de ressources (les carnets de voyage) et fait au
lecteur de nombreux aveux concernant la politique des maisons d’édition etc.
L’ambivalence
se révèle comme étant un trait stylistique dominant dans le discours narratif.
D’une part, l’auteur a recours à des termes recherchés et érudits pour édifier
ses descriptions, tout en étant soucieux de ne pas tomber dans le cliché ;
d’autre part, il adopte un registre oral qui trouve extension, à certains
moments, dans le champ du vulgaire. Il serait important de signaler, par
ailleurs, que l’auteur fait figurer des maximes latines ainsi que des mots
étrangers dans son texte. Cet apport de vocables, ayant pour origine des
langues mortes ou étrangères, au discours narratif tenu en français, pourrait
concrétiser l’admiration de Rolin qui « va à ceux qui ont été capables d’écrire
(de faire de la beauté avec des mots) dans une autre langue que celle qui leur
a été donnée par la naissance »[2].
Pourtant, malgré cette atmosphère savante, l’ironie et la dérision, qualifiée
par Rolin de « pince-sans-rire », marquent ses commentaires méta-narratifs. Il
serait impératif de souligner, d’ailleurs, la profusion de ces derniers dans le
texte de Rolin, souhaitant commenter certains faits ou accompagner le lecteur
au fil de sa lecture.
Récit
de voyage regorgeant de références littéraires, Extérieur Monde s’avère
comme un moyen économique de découvrir ce que le monde cache comme joyaux et
misères tout en élargissant sa culture littéraire !
Joanne
Rizk
Université
Libanaise
Faculté
des Lettres et des Sciences Humaines – Section II
Département
de Langue et Littérature Françaises
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